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Candidat à la Députation Européenne au Luxembourg / Le camerounais David Foka, espoir de la diaspora africaine [09-10/2013]

Administrateur de la Maison d'Afrique au Luxembourg, le camerounais David Foka est président de la Fédération des Associations Africaines de Luxembourg (FAAL) et également président de la Commission Spéciale Permanente contre la Discrimination Raciale ; il est aussi le représentant élu de la communauté allemande au conseil national des étrangers de Luxembourg. Fort du travail associatif accompli depuis plus d’une décennie au profit des africains d’Allemagne et surtout du Luxembourg, ces derniers l’ont porté à briguer un poste de Député européen après une candidature riche d’enseignements au poste de Maire de la capitale du Grand-Duché de Luxembourg en 2011. Aujourd’hui, soutenu par ses compatriotes, le fils de Bafoussam nourrit de grandes ambitions pour la diaspora y compris pour les États africains, une fois élu lors des élections à la Députation européenne prévue au mois de mai 2014.

LenouvelAfrique : Présentez-vous à nous lecteurs, de l’Afrique et ceux de la diaspora ?


David Foka : J’ai fait toutes mes études en Allemagne. Je suis arrivé dans ce pays au moment où le noir n’était pas considéré. C’était difficile pour nous de survivre. Je réfléchissais toujours comment faire pour réussir parce que c’est un pays qui ne nous respectait pas. Comme le Cameroun était une colonie allemande et qu’il est passé sous protectorat français après la seconde guerre mondiale, on se sentait Allemand lorsqu’on était en Allemagne. Malgré cette intégration, les Allemands ne nous ont jamais respectés. On était juste de petits nègres qui venaient d’Afrique et qui devraient ensuite rentrer le plus rapidement possible dans leur pays. Très tôt, j’ai pris l’initiative de voyager, de parcourir les pays limitrophes et je suis arrivé au Luxembourg. J’ai trouvé que c’était un pays fantastique où il y avait une très forte communauté noire bien portante qui marchait dans la rue sans problèmes. J’ai décidé de venir m’installer ici. Je me suis dit que c’est là où je devais être. Quand je suis venu dans ce pays pour la première fois, j’ai dû tout recommencer à zéro, ayant tout abandonné en Allemagne. Je me suis dit qu’il fallait sauver ma tête d’abord. J’étais bien, économiquement parlant en Allemagne, mais pas bien psychologiquement. J’avais un ami angolais qui avait été poussé devant un tram en train de démarrer et qui a eu les pieds coupés. On a demandé à la personne qui avait fait ça pourquoi il aurait agi de la sorte, ce dernier a répondu : « c’est parce qu’il est noir, il doit rentrer chez lui » je cite. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à dire à mon peuple et à tous les noirs de ne plus se mettre en avant. On était toujours obligés d’être en arrière-plan. Même dans le travail, ça nous portait préjudice d’être toujours en arrière. Je me suis demandé pourquoi on devait rester toujours en arrière ? Jusqu’à quand ? Quand je suis arrivé au Luxembourg, je suis rentré dans un magasin et j’ai vu une femme noire à la caisse. Ce fut une surprise pour moi parce qu’en Allemagne, malgré vos diplômes, vous ne pouviez pas vous mettre en avant. C’est votre patron même qui vient vous dire de vous mettre en arrière, parce que ce n’est pas bien pour le client. Aussitôt, j’ai salué cette dame qui a été surprise et je lui ai dit : félicitations pour cette place que vous avez. C’est ça qui m’a encouragé à venir au Luxembourg.

LNA : Comment s’est faite votre intégration au Luxembourg ?

D.F : Arrivé ici, j’ai vite gravi les échelons parce que je me sentais à l’aise. Je sais qu’au Luxembourg, on reconnait l’homme à ce qu’il a dans la tête et non par la couleur de sa peau .Quand j’ai déclaré ça dans un journal, mes compatriotes m’ont demandé pourquoi j’avais dit ça parce qu’il y avait aussi du racisme au Grand-duché. J’ai dit non parce que les Luxembourgeois ne comprennent pas bien le français, parce que vous croyez que c’est un pays francophone, mais c’est un pays germanophone. Alors, quand je suis arrivé ici, je parlais allemand et les portes se sont ouvertes plus facilement pour moi. Donc, le conseil que je leur ai donné, c’est de s’évertuer à parler la langue luxembourgeoise. Donc, c’est à partir de là que j’ai eu l’idée de rassembler les Africains afin que l’on mène ce combat contre la discrimination pour un monde meilleur pour nous. Qu’on marche main dans la main pour plus de justice ! Et là j’ai créé avec quelques amis la fédération des associations africaines du Luxembourg parce que chaque pays avait une association. Comme ça l’Afrique pouvait être concernée par les politiques luxembourgeoises ; on pouvait désormais nous consulter sur des projets de loi de ce pays alors que je voyais d’autres étrangers consultés avant de promulguer des lois sur l’immigration au Luxembourg. Donc, je me suis dit que pour nous en sortir, il fallait créer cette fédération et parler d’une même voix. À ce moment-là, on était reconnus sur le plan national, on nous consultait pour des projets de loi, on consultait la voix de l’Afrique. Cette fédération était un organisme politique, donc il manquait un élément, c’est-à-dire un cadre pour accueillir des personnes physiques et essayer de traiter les problèmes à « l’africaine »avant que ça n’aille en milieu européen. Par exemple, en ce qui concerne les problèmes de mariage, de divorce et des enfants. C’est à partir de là qu’on a créé la Maison d’Afrique au Luxembourg afin que les individus viennent se présenter leurs problèmes et aussi quand ils viennent d’arriver dans le pays. On a pu ainsi les conseiller pour une meilleure intégration. Car nous voulons que la minorité visible que nous sommes soit moins visible dans le milieu criminel. Qu’on soit donc moins visible là où il y a le danger ! C’est dans ce sens-là que nous avons mis en place la Maison d’Afrique qui est un instrument d’intégration et une institution pour le gouvernement luxembourgeois pour se rapprocher plus de l’Afrique. Nous ne demandons rien aux Africains, celui qui vient à la Maison d’Afrique a la possibilité d’apprendre les langues, parce que nous avons des projets avec l’Union européenne pour une intégration citoyenne des Africains d’abord, mais aussi de tout le monde parce que nous avons dans cette maison des Brésiliens qui réclament leur africanité, les Dominicains et Haïtiens aussi. Nous sommes tous unis au niveau de la maison africaine. On développe déjà des projets de coopérations au Cap vert et au Sénégal.

LNA : Parlez-nous de votre militantisme associatif ?


D.F : Depuis une dizaine d’années, je suis un militant associatif et j’ai réclamé l’égalité pour mon peuple par ce militantisme associatif. J’ai vu que ça n’avançait pas beaucoup alors on a décidé ensemble, les Africains d’abord et ensuite tous ceux qui m’entouraient de se lancer dans la politique afin d’être présents sur la table des décisions parce que ce que nous envoyions, n’était pas forcément pris en compte du fait que nous n’étions pas présents. Donc, il fallait être à la même table des décisions pour veiller à ce que les bonnes décisions soient prises pour mon peuple. C’est ce premier pas vers la politique. Lors des élections communales de 2011, on a décidé de présenter un candidat pour l’Afrique et j’ai répondu à cet appel qui m’a été fait pour être candidat à la mairie de la capitale du Grand-Duché. C’est ainsi que j’ai accepté d’être le candidat issu de l’immigration au poste de premier magistrat de la Ville. Nous avons battu campagne, l’Afrique s’est mobilisée, les journaux des pays africains en parlaient parce que j’étais le premier candidat noir à vouloir prendre une capitale européenne. Je savais que si j’allais dans une province du Luxembourg, je gagnais haut la main, mais je n’ai pas voulu cette facilité et j’ai donc postulé dans la capitale pour que ce soit plus représentatif, parce que mon combat n’était pas absolument pas de gagner mais de montrer notre présence. Par ailleurs, c’est dans la capitale où toutes les institutions sont installées. Nous n’avons pas gagné ce premier combat, mais les félicitations venaient de partout, même le ministre luxembourgeois de l’intégration nous a félicités alors que nous n’avions pas gagné. Pour un premier pas dans cette élection, nous avons récolté prés de 3000 voix alors que le vainqueur en avait 4000 .Vous voyez ce que ça représente. Je leur ai dit «l’Afrique est lancée, c’est à vous maintenant de continuer».

LNA : Quelles sont vos ambitions pour les législatives 2014 ?

D.F : Actuellement, on se préparait pour les législatives l’année prochaine, mais malheureusement, les législatives ont été anticipées parce que le gouvernement est tombé avant et donc on n’a pas de candidats. C’est pourquoi, on se prépare pour la députation européenne qui va se dérouler dans le calendrier normal, c’est-à-dire en mai prochain (2014). Nous sommes présents sur le terrain et je ne suis pas seul, je ne peux pas être seul parce que si je trébuche, il faut qu’une autre personne puisse me remplacer. Nous sommes très présents dans le parti socialiste luxembourgeois car j’ai demandé à tous mes frères de couleur de rentrer massivement dans le parti non seulement pour gagner à l’intérieur du parti mais également pour être connus à l’extérieur et gagner ensuite. Dieu merci, les étrangers que j’ai pu convaincre de rentrer dans le parti représentent actuellement 10%, c’est pourquoi nous avons la voix pour parler. C’est pourquoi, aujourd’hui je me considère comme un éléphant du PS luxembourgeois parce que nous sommes acceptés et, vu le nombre, nous pouvons élever la voix. On nous accepte parce que nous faisons un travail excellent sur le terrain. Nous voulons avoir des résultats d’ici peu pour que nos enfants prospèrent et ne subissent pas le même sort que nous. Nous, nous sommes des générations sacrifiées et nous ne devons pas sacrifier nos enfants.

LNA : Quel est le dernier message ?

D.F : La diaspora devrait s’unir parce que l’Afrique se développe aujourd’hui par sa diaspora. À partir des années 60, ce sont les Senghor, Houphouët Boigny, Césaire, Léon Gontran Damas qui ont lutté pour les indépendances. À travers ces personnalités, la diaspora souhaite une indépendance économique et elle est prête. En parcourant l’Europe, j’ai rencontré beaucoup de leaders africains qui sont prêts, mais il faut juste un rassembleur. Il faut donc quelqu’un pour les rassembler afin que l’on puisse avancer ensemble. Il faut aussi que les gouvernements africains reconnaissent et valorisent leurs diasporas qui agissent beaucoup pour leurs développements. En effet, sans sa diaspora, l’Afrique serait à genoux. Nous envoyons, tous les mois, pour les besoins alimentaires de nos familles, 28 milliards de dollars US. C’est le tiers de cette somme que l’Union européenne accorde pour l’aide économique en Afrique. Donc, la diaspora à elle seule peut développer l’Afrique si on la valorise et si elle est unie. Nous représentons la sixième région du continent et cela ne doit pas seulement rester sur papier. Qu’est-ce que nos gouvernements africains ont fait pour nous montrer que nous sommes valorisés ? Déjà, il faut arrêter les tracasseries dont nous sommes victimes quand nous rentrons au pays, même avec des passeports européens que nous avons grâce à notre intégration dans ces pays d’accueil. Qu’on nous accueille à bras ouverts et ils verront comment nous travaillerons.

Source : http://www.lenouvelafrique.net/pg.php?id_news=999