back

La voûte nubienne dans les Balés - Une ancienne bâtisse égyptienne remise au goût du jour [05-06/2013]

Un ancien modèle d’habitat d’origine égyptienne refait surface dans plusieurs contrées du Burkina. Dénommé la voûte nubienne, ce type de construction apparue dans la Nubie en Égypte, il y a 3600 ans, fait des émules dans la zone de Boromo. Véritable alternative dans la lutte contre la déforestation, ce nouveau type de gîte suscite beaucoup d’admiration.

Boromo est une ville du Burkina Faso, située à équidistance, soit 180 km, entre Ouagadougou la capitale politique et Bobo-Dioulasso, la deuxième plus grande ville du pays. C’est dans ce chef-lieu de la province des Balés, connu pour son sésame, que nous avons trouvé Hamidou Ouédraogo, un maçon, en pleine construction d’un bâtiment dont la toiture est en forme de voûte. Ce spécialiste en bâtiment n’est pas un maçon ordinaire. Il est avant tout cultivateur et photographe. Mais depuis 2005, il est devenu maçon voûte nubienne (VN), un technicien dans la construction de la voûte nubienne, un ancien habitat qui serait d’origine égyptienne. Ce professionnel de la voûte qui vient de rentrer de Ouagadougou, où il a réalisé plusieurs bâtiments de la même nature, s’attèle à construire sa propre maison. Il est épaulé dans sa tâche par deux autres maçons de qualification inférieure et un manœuvre qui apporte les briques en banco et le mortier d’argile aux architectes. Juchés sur des planches au milieu de la maison en construction, ils insèrent les briques les unes après les autres, reliées entre elles par du mortier d’argile. Un câble de fer qui traverse l’édifice dans sa longueur transperce les deux largeurs du bâtiment, et est attaché à du bois solidement ceint aux murs. Sur ce câble, une ficelle munie d’un fer fait office de poulie et permet d’ajuster la forme de la voûte. Cet attelage devrait permettre de réaliser la voûte nubienne de 24m2. La construction de l’ouvrage, selon M. Ouédraogo, est de 15 jours pour le gros œuvre. Mais au préalable, il a fallu réaliser plus de 3000 briques pour bâtir cette maison. La fondation, nous a-t-il confié, est faite de cailloux sauvages. Les briques de 40/20 cm servent à construire les murs de 60 cm jusqu’à 1 m ou 1,5 m de hauteur. Les autres, plus petites, de 26/13 cm, permettent à la voûte de prendre corps, sans aucun support. Une fois achevée, la voûte est revêtue d’une bâche en plastique, elle-même recouverte de mortier de terre mélangé à la bouse de vache ou au goudron ou encore aux résidus issus de la fabrication du beurre de karité. Ce mélange hétérogène permet au toit d’avoir une terrasse lisse pour l’évacuation des eaux de pluie et lui assure une certaine solidité. Il sert également d’enduit pour les murs externes et internes. Le sachet plastique, pour sa part, assure un rôle d’étanchéité mais également d’alerte dès qu’il réapparaît. Bien entretenue, la voûte nubienne, d’après ses promoteurs, peut durer plus de cent ans. Ils en veulent pour preuve celles qui ont été réalisées en Égypte et qui dateraient de 3 600 ans.

Un parcours parsemé d’obstacles

La voûte nubienne dont Hamidou Ouédraogo se veut l’un des spécialistes depuis maintenant huit ans, lui permet de gagner 150 000 à 400 000 FCFA lorsqu’il réalise un bâtiment d’une dimension de «20 tôles». Il n’a cependant pas abandonné son métier de photographe et de cultivateur, ce qui permet à ce jeune de 37 ans de prendre en charge ses six enfants et ses deux femmes. Une situation qu’il doit à l’Association la Voûte Nubienne (AVN) dont le siège national est à Boromo. Créée en 1998, cette organisation de la société civile, de droit français, qui possède une filiale dans plusieurs pays, est l’œuvre d’un Français du nom de Thomas Granier en collaboration avec un natif de la localité de Boromo. Mais l’histoire de la voûte nubienne à Boromo commence dans les années 1986. Venu pour prendre part à Boromo à un concours de sculpture que Bomavet Konaté, un sculpteur de la localité, organisait tous les deux ans pour révéler des talents artistiques, M. Granier, séduit par une petite réalisation en forme de voûte pour protéger une œuvre, y voit l’opportunité de remettre au goût du jour son vieux projet de voûte nubienne. Sery Youlou, aujourd’hui co-fondateur de l’association, est le seul à l’accompagner dans l’aventure. Très vite, les difficultés ne tardent pas à apparaître. Une première tentative échoue au moment de la réalisation de la voûte. « Nous étions traités de ‘’fous’’ parce que nous voulions mettre en place une voûte sans support», raconte M. Youlou. Le temps passe. Thomas Granier, le porteur du projet, pour des contraintes de calendrier, est obligé de regagner sa France natale. Sery Youlou, lui, reste la risée de toute la ville de Boromo. Mais c’est sans compter sur la détermination des deux téméraires. L’année suivante, Thomas Granier est de retour. Une voûte nubienne est réalisée. Sans le contrefort, le bâtiment s’écroule à nouveau sous l’effet de la pluie. Le découragement ne s’installe pas pour autant. Loin s’en faut. Les deux hommes reprennent leurs travaux en utilisant la technique du câble et de la ficelle. Cette fois, c’est la bonne. Ils réussissent à mettre sur pied leur premier édifice. Nous sommes en 1998. Ainsi naît l’Association la Voûte Nubienne (AVN). Son rôle consiste à vulgariser la technique et accompagner la formation des maçons locaux pour qu’ils puissent eux-mêmes gérer leurs entreprises de maçonnerie. Sery Youlou, le premier maçon VN de la ville, est le seul artisan dans la formation. L’apprentissage, qui se fait « sur le tas », directement sur les chantiers par les maçons eux-mêmes, dure entre deux et quatre ans. Il est doublé d’une formation en gestion d'entrepreneuriat.

«Une technique à encourager»

Aujourd’hui, on estime à 88 ces maçons, nouvelle génération, formés par l’AVN au Burkina Faso. Leurs réalisations sont chiffrées à plus d’un millier réparties dans 250 localités à travers quatre régions du Burkina définies par l’association que sont Boromo, Koubri, Dédougou et Yako avec un rayon de 100 km pour chacune d’elles. Selon les responsables de l’AVN, plus de 491 millions de francs CFA sont réinjectés dans l’économie locale à travers le Burkina. A Boromo, on dénombre quelques constructions en voûte nubienne dont le siège de l’association et certaines habitations et auberges de la ville. Nous avons trouvé des clients dans une auberge de la place dont Lacina Ouattatra, venu non seulement par curiosité, mais aussi à cause du confort qu’offrent ces joyaux architecturaux. «Quand on est dedans, il ne fait ni chaud ni froid», a-t-il témoigné. Un modèle d’habitat apprécié positivement par le Directeur provincial de l’Environnement et du Développement durable de la province des Balés, Pousga Célestin Zida, qui y voit une alternative dans la lutte contre la déforestation. Pour lui, cette technique de construction sans usage de bois est une belle initiative en ce sens qu’elle permet de sauvegarder les produits forestiers ligneux. «C’est une technique à encourager», a affirmé M. Zida. Philippe Isaac et Kadi Diabaté sont propriétaires d’une auberge de la place. Ils disent avoir choisi la voûte nubienne pour faire fructifier leur business en raison de sa simplicité et de son confort. Toutefois, contrairement à ce qui se dit sur le coût relativement bas de la voûte nubienne, M. Isaac affirme avoir tout acheté : terre, eau, main-d’œuvre, etc. Aujourd’hui, il s’enorgueillit d’être le premier à avoir fait réaliser la première voûte nubienne en étage en 2006 qui fait des émules dans la ville et ailleurs. En effet, la voûte nubienne, même sans bois, offre la possibilité de faire des bâtiments à niveau. Pour l’heure, les bâtiments qu’on trouve sur place sont à un seul étage.

En dépit des avantages qu’offre la voûte nubienne (constructions sans bois, ni fer, ni tôle, ni ciment, confort, durabilité), ces types de maisons ne sont pas légion dans la zone. Pour trouver une voûte nubienne à usage d’habitation en dehors de la ville de Boromo, il faudra faire au moins 26 km. Baporo. C’est dans ce village que le vieux Issa Yaméogo vit depuis quatre ans dans une voûte nubienne. Une maison qu’il a acquise pour la somme de 150 000 FCFA pour la main-d’œuvre. A cela, s’ajoutent les 100 charretées de terre pour la confection des briques, rien que pour une habitation de 24m2. Selon Boubacar Ouily, coordinateur de l’association, «construire en banco est synonyme d’une extrême pauvreté pour certaines personnes. Pour montrer aux yeux de leurs concitoyens leur capacité financière, ces personnes préfèrent construire en béton en utilisant du ciment, mais aussi des tôles pour la toiture», explique-t-il. Pour lui, la solidarité aidant, le coût de la voûte nubienne n’est pas élevé au village. Un avis qui n’est pas partagé par Adama Bassolé, habitant du village de Baporo, qui évoque notamment le manque de moyens comme l’un des handicaps à l’appropriation de ce type d’habitat dans son village. «De nos jours, les peurs qu’il y avait pour habiter dans une voûte nubienne se sont dissipées. Mais les gens sont confrontés à un manque de moyens.» Malgré ces obstacles, les promoteurs entendent vulgariser la voûte nubienne sur l‘ensemble du territoire burkinabè.



La voûte nubienne et ses contraintes

La voûte nubienne, malgré tout le bien qu’on dit d’elle, présente de nombreuses contraintes. Sa construction requiert beaucoup de temps. Un mois pour la réalisation d’une maison équivalant à 20 tôles, soit 24m2. Pour le même bâtiment, plus de 3 000 briques, des cailloux sauvages, de l’eau, de la terre sont nécessaires. La largeur du bâtiment ne peut excéder plus de 3,25 m. Le coût, quoique moins élevé comparativement aux maisons en dur, n’est pas à la portée du public-cible de l’association, notamment les paysans. Au regard des informations recueillies, la bagatelle d’au moins 150 000 FCFA est requise pour la construction d’une voûte nubienne. L’insuffisance des maçons VN ne permet pas la vulgarisation rapide de la technologie. La bouse de vache, le résidu du beurre de karité, le goudron utilisés dans la fabrication de l’enduit devant servir à oindre les murs ne sont pas toujours accessibles à tous. Comme toute maison, un entretien régulier est indispensable. Il est possible que les appréhensions liées à la résistance du bâtiment fassent toujours leur petit bonhomme de chemin quand bien même une voûte nubienne, bien réalisée et entretenue, peut tenir des centaines d’années.
K.A.K.

L’histoire d’une architecture millénaire

La voûte, appelée nubienne, est un procédé architectural venu du Haut Nil, précisément de la Nubie, en Egypte, il y aurait 3600 ans. Il s’agissait d’une solution imaginée par les habitants de la région face à la « canicule » et au manque de bois et de paille. Cette technique permet de construire avec un outillage basique, des matériaux locaux et des compétences techniques simples des habitations aux toitures voûtées restaurant la possibilité du toit terrasse, et utilisant de la terre. La technique, toujours en vigueur en Egypte, utilise de plus en plus du béton en raison de la modernité.
K.A.K

Source : http://www.lenouvelafrique.net/pg.php?id_news=944