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Les sages conseils du plus grand footballeur congolais de l’histoire - L’emblématique Paul Bonga Bonga veut une discipline pour les joueurs africains [03-04/2013]

Considéré comme le plus grand footballeur congolais de tous les temps, Paul Bonga Bonga, alias Bopaul, vit depuis sa retraite dans le paisible quartier d’Uccle à Bruxelles. Et c’est là où nous l’avons rencontré, entouré de sa femme et de ses petits-enfants, pour nous rappeler des moments glorieux qu’il a passés dans le football, en Belgique et dans son pays natal, le Congo. Véritable icône, il a fait partie, en 1962, de la sélection mondiale avec le célèbre Pélé, ou encore Puskas, Kubala, Geno, et Germano. Dans cet entretien, cette mémoire du football africain retrace son parcours et, pour la jeune génération, il prône la discipline comme science pour réussir dans le football et le sport en général.

Le nouvel Afrique (LNA) : Présentez-vous à nos lecteurs.
Paul Bonga Bonga (P.B.B) : Je suis Paul Bonga Bonga, né le 25 avril 1993 à Ebongo. J’ai été un ancien joueur du Réal standard de Liège de 1957 à 1963. De là, je suis passé au Sporting de Charleroi de 1963 à 1969. Et j’ai eu un an de suspension avant d’aller à Tubize comme joueur entraineur pendant deux ans. En 1970, j’ai arrêté ma carrière de footballeur en Europe. Je suis rentré au pays au Congo en tant qu’agent d’une société et je suis resté là-bas de 1970 à 1975. En 2004, je suis revenu en Europe à la demande de mes enfants. Jusqu'à présent, je suis en Belgique.

LNA : Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans votre carrière de footballeur ?
P.B.B : Dans ma carrière de footballeur, j’ai fait les beaux temps du Standard de Liège. J’ai été champion avec cette équipe pendant trois saisons. La première fois que le Standard a été champion, c’est avec mon avènement, c'est-à-dire quand je suis arrivé dans l’équipe. J’ai participé à la première coupe d’Europe avec la même équipe et nous sommes arrivés jusqu’en demi-finale. Nous avons été battus par la meilleure équipe du moment à savoir le Réal de Madrid, à cette époque cinq fois championne d’Europe.

LNA : Pouvez-vous revenir sur votre vie de footballeur, à cette époque, au Congo ?
P.B.B : J’ai oublié cette époque. Mais, ce qui m’a le plus marqué, c’est qu’on avait des éléments très, très techniques. Surtout on avait des éléments qui sortaient de l’ordinaire par rapport aux jeunes d’aujourd’hui. Par exemple, l’avant-centre que nous avions, comme Laurent Mokona, était un attaquant formidable et c’est pour cette raison qu’on a pu le surnommer « Trouer » parce que, quand il faisait ses reprises, les gardiens ne voyaient que du feu. Personnellement, j’ai été un des meilleurs en tant que milieu de terrain. Ce n’est plus le cas aujourd’hui car trop de systèmes de jeu ont été tellement modifiés. Moi je n’ai pas connu le système 4 4 2 et d’autres. On ne s’y retrouve presque plus. Il faut être dedans pour connaitre tous ces systèmes. Mais on a eu une belle époque dans les années 60. A mon époque, avec les Lions, il n’y avait pas des matchs comme maintenant. On jouait en sélection et c’est Kinshasa qui représentait la Congo à cette époque-là. On prenait les meilleurs de Kinshasa. Nous avons été en Afrique du Sud et c’était la première fois que je me déplaçais en tant que footballeur avec l’équipe nationale. C’est d’ailleurs la seule fois où j’ai été en Afrique du Sud. Quand je suis rentré au pays, je me suis occupé de mon ancien club, le Daring de Kinshasa. Je suis arrivé là comme entraineur et ensuite comme Président. Je faisais partie de l’équipe nationale comme directeur technique national de 1984 - 1991 et membre de la Fecofa au Congo. En ce moment-là, c’étaient les Lions, c’est ensuite devenu les Léopards.

LNA : Avec votre expérience, comment analysez-vous le football africain d’aujourd’hui ?
P.B.B : Présentement, je vais être franc avec vous, je suis très loin de tout cela. Il y a très longtemps que je suis sorti de ce cadre-là et je suis épisodiquement des matchs des équipes africaines. Ainsi les derniers matchs de la Can 2013 : je ne connais même pas les résultats. Je ne suis plus le football africain de près. Mais, à mon époque, j’ai fait des déplacements avec l’équipe nationale des Léopards comme directeur technique national. J’ai été faire un stage en Argentine avec les Léopards, j’ai été au Sénégal et au Gabon à cette époque avec l’équipe nationale.

LNA : C’était l’époque de Pierre Ndaye Mutumbula ?
P.B.B : Oh non, Ndaye est venu après moi. Je ne l’ai pas connu. Je n’ai pas joué avec lui. Il n’a pas fait partie des joueurs que j’ai coachés. Quand j’étais directeur technique, à mon époque, il y avait Eugéne Kabongo Ngoy, Jean Muntubile Diela " Santos ", j’ai pu encadrer ces joueurs-là. Je me rappelle encore quand nous sommes allés jouer un match. Kabonga était encore en France avec Mutubilé. Nous sommes arrivés, mais eux devaient prendre l’avion et on devait jouer le dimanche. Ils sont arrivés deux heures avant le match. D’où le dilemme : fallait-il les laisser jouer ou ne pas les faire jouer ? J’étais pris entre deux feux puisqu’ils étaient parmi les meilleurs éléments. Comment composer pour gagner ce match-là ? Effectivement, après avoir réfléchi, j’ai laissé jouer les deux pour ce match-là. Cependant, ce que j’ignorais, c’est que Mutubilé et Kabongo ne s’entendaient pas. Le match a commencé, nous étions à zéro à zéro et il restait un quart d’heure à jouer. On a eu l’occasion unique de marquer un but et de gagner le match. Kabongo déborde vers l’aile droite, drible le dernier défenseur, le gardien ferme l’angle de but et Mutubilé était en retrait. Mais au lieu de lui faire une passe en retrait pour marquer, Kabongo qui voulaitl marquer lui-même tire sur le filet latéral. On a ainsi manqué l’occasion de marquer ce but synonyme peut-être de victoire à l’extérieur. Et, dans la dernière contre-attaque, nous encaissons un but. On a donc perdu ce match parce que les deux meilleurs joueurs, à l’époque, ne s’entendaient pas.

LNA : Vous suivez le football belge, qu’est-ce que vous retenez de son évolution ?
P.B.B : Je suis le football belge, mais c’est surtout le Standard qui m’intéresse parce que c’est mon ancien club. A chaque fois qu’il joue, je suis de près ses matchs.

LNA : Quelle est votre vision sur les joueurs africains en Belgique et en Europe en général ?
P.B.B : Les joueurs africains font la fierté des équipes européennes. Dans toutes les équipes des championnats européens, il y a des footballeurs africains. En Belgique, les meilleures vedettes se voient. Pour le moment, c’est Mbokani qui vient d’avoir le Soulier d’Or. Quand je prends les championnats européens, bon nombre d’africains font le bonheur des équipes, en Angleterre, en Espagne, en France et ailleurs. Les africains sont de très bons athlètes, c’est l’organisation au pays qui nous manque. Ce qui fait qu’on n’a jamais été véritablement à notre place. On n’a pas toutes les structures sportives adéquates pour faire de grands joueurs. Mais, nous avons, peut-être, ce sport dans le sang.

LNA : Vous semblez dire qu’il y a une grande différence entre votre époque et maintenant ?
P.B.B : Techniquement parlant, il y a une très grande différence. On ne m’a pas appris à jouer au football. Ce sont mes talents innés qui ont fait que je suis arrivé à ce niveau, avec les structures que j’ai trouvées sur place. L’organisation étant sur place, le joueur africain, avec ses qualités propres, explose. Et encadré, il peut réussir.

LNA : En tant que figure emblématique du football africain, quels conseils donneriez-vous à la jeune génération ?
P.B.B : Pour la génération future, dans le domaine sportif : quand on est sportif et qu’on a des talents, il faut avoir une discipline sportive, et pas seulement aux entrainements ou pendant le match. On doit avoir cette discipline après le match, c’est-à-dire en dehors des matchs et des entrainements. Il faut l’avoir dans la vie de tous les jours. Il faut avoir aussi une discipline pour maintenir sa forme et aller toujours de l’avant. Sans discipline personnelle, on risque de ne pas arriver aux fins qu’on voulait atteindre. J’ai revu l’exemple toujours de Mbokani, c’est un élément de valeur avec des qualités, mais il paraîtrait qu’à un moment donné, selon la presse, il était exposé. Et quand tu n’es pas discipliné, tu t’exposes à une carrière très courte et les conséquences sont néfastes. Mais, il suffit qu’un joueur soit bien encadré pour que le résultat se fasse sentir immédiatement. Quand le sportif est bien encadré, il a les structures en place, il explose parmi les autres. Je crois que pour nos jeunes, pour celui qui sent qu’il des talents dans le football et dans d’autres domaines du sport, il faut qu’il observe une discipline personnelle et sportive. Pour moi, la discipline sportive, c’est pendant et après le sport tout en suivant les conseils de ceux qui vous ont précédés dans le sport.

LNA : Quelle est votre opinion sur la situation politique au Congo ?
P.B.B : Malheureusement, je ne suis pas politique mais je lis les comptes rendus de ce qui se passe dans notre pays, et c’est malheureux d’après la presse. Notre pays qu’on on dit pourtant potentiellement riche. Cette potentialité est bâillonnée par les groupes financiers de l’extérieur. Ce qui est encore plus malheureux, c’est que ce sont les Congolais eux-mêmes qui facilitent la situation que nous vivons au pays. C’est ce que je peux dire dans ce domaine-là. Je ne suis pas politique. Mais comme on dit, politiquement parlant, «que tu le veuilles ou que tu ne le veuilles pas, la politique s’occupe de toi».


 

Le cursus sportif de Bonga Bonga


Paul Bonga Bonga «Bopaul» né le 25 avril 1933, à Ebondo (Equateur)

1948 - 1951 : Lion d’or, puis Sporting Club
1952 - 1954 : Union
1954 - 1957 : Daring Club Motema Pembe
1956 : Médaille d’or de l’association « Royale Sportive Congolaise »
1957 - 1963 : Standard de Liège (Belgique) et Champion de Belgique
1961 : Plaquette et prix de l’effort sportif de la ville de Liège
1962 : Médaille d’or trophée Pappaert (Journal Les Sports de Bruxelles)
..........Médaille de bronze du Ministère de la santé et de la famille de Liège
..........Soulier d’argent (2e meilleur joueur européen)
1963 - 1967 : Sporting de Charleroi
1968 - 1970 : Moteur breveté/Ecole des entraîneurs à Heysel 1972 - 1973 : Entraîneur DCMP
1976 : Médaille d’or / mérite sportif congolais
1981 : Président du DCMP
1984 - 1991 : Directeur Technique National et Membre de la Fecofa au Congo

Source : http://www.lenouvelafrique.net/pg.php?id_news=903