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Dossier Transport en Afrique / Transport en commun interurbain - Faire mieux avec peu [02-03/2013]

Prendre un bus pour se rendre d’une contrée à une autre est plus aisé sur le continent pour de nombreux passagers. Au Burkina Faso, pays situé au cœur de l’Afrique de l’Ouest, de multiples formes de transports en commun se sont développées. Si certaines compagnies de transport font ce qu’elles peuvent pour satisfaire leur clientèle, d’autres exercent en vue d’atteindre la perfection, toujours avec des fortunes diverses. Sur les axes routiers reliant Ouagadoudou à Ouahigouya ou celui allant à Dédougou en passant par Boromo, ou encore celui reliant Gaoua, qui sont toutes des villes du «Pays des Hommes intègres», chaque compagnie essaie de tirer son épingle du jeu.

Emprunter un car pour se rendre d’une contrée à une autre est possible aisément au Burkina Faso. De nombreuses compagnies de transports pullulent dans les grandes villes de ce pays. Il ne faut cependant pas omettre que joindre les petites localités est souvent difficile. Coût de transport élevé, excès de vitesse, surcharge, transport d’hommes et de marchandises à la même enseigne, sont le quotidien des cars et des minibus de transport qui relient les petites localités. Pour comprendre le phénomène, durant un mois, nous avons emprunté certaines compagnies de transport en vue de nous rendre dans certaines localités. Ainsi, nous avons voyagé à l’intérieur des cars de la Société de Transport Aorêma et Frères (STAF) et de Transport Confort Voyageur (TCV). Ces deux compagnies ont des modes différents de gestion de la clientèle. A STAF, le manque d’organisation semble avoir pris le pas sur l’ordre dans la gestion des titres de voyages et des passagers. Souvent, le respect des horaires des voyages fait défaut à cette compagnie. A titre d’exemple, un car devant démarrer à une heure donnée peut prendre son départ quelques minutes à l’avance, laissant sur le carreau des passagers. C’est ce que nous avons vécu lorsque nous avons pris un titre de transport pour nous rendre à Dori, chef-lieu de la région du Sahel, ville située à 260 km au Nord de Ouagadougou. A côté de cette réalité, se greffe le problème des passagers qui empruntent le bus sans titre de transport. C’est à l’intérieur du bus qu’ils paient en espèces sonnantes et trébuchantes leur droit de voyage. A l’occasion, le prix du titre de transport n’est pas celui fixé au guichet de la compagnie. Cette pratique est courante à STAF. Par exemple, le prix du transport entre Ouahigouya et Ouagadougou, distante de 180 km, est de 3000 F (environ 5 euros), à STAF, en aller simple contre 5000 F (environ 8 euros) en aller-retour. Alors, ceux qui ne prennent pas le titre de transport squattent les places de ceux qui en ont. Ils payent 2000 F (3 euros) ou 2500 F CFA (3,80 euros) au convoyeur pour se rendre à Ouahigouya. Le problème est que personne à la compagnie ne sait où part cet argent. Interrogé sur la question, un convoyeur nous a envoyé balader malgré notre insistance et le fait que nous l’ayons vu prendre de l’argent à des passagers qui n’avaient pas de titre de transport. Selon un client qui a requis l’anonymat, «la pratique est courante à STAF et, les convoyeurs ne sont pas souvent contents que les passagers aient leur titre de transport, car ils n’auront pas de deal». Cette pratique a des conséquences sur les relations entre les passagers et les convoyeurs. Le 30 décembre 2012 sur l’axe reliant Ouagadougou à Ouahigouya, un convoyeur a failli débarquer un passager qui n’avait pas pris de titre de transport et affirmait ne pas être en mesure de débourser la somme de 2500 F (3,80 euros) que lui réclamait le convoyeur. Ce passager proposait 2000 F (3 euros). la discussion était tellement vive entre les deux larrons qu’un autre passager fut obligé de venir en aide en déboursant la somme manquante. Commentant cet épisode, une passagère dira qu’ : «il est bon que STAF s’organise davantage pour éviter ce genre de désagréments non seulement au passager fautif mais aussi et surtout, aux autres passagers que cette attitude indispose».
La Société de Transport Aorêma et Frères semble la plus grande sur le marché des transports en commun interurbains en termes de couverture du territoire national. Elle dessert pratiquement la majorité des villes du Burkina Faso. C’est l’une des raisons qui militent en faveur de son emprunt par de nombreux passagers en déplacement malgré le fait qu’il règne souvent un désordre dans la gestion des passagers. Pour de nombreux passagers, c’est un calvaire d’emprunter cette compagnie le lundi pour se rendre à Dori, au Nord du Burkina Faso. Cette situation est due au fait que les agents chargés de faire l’appel des passagers ayant leur titre de transport et qui se sont fait enregistrer, ne le font pas le plus souvent. Conséquence : des passagers ayant leur titre de transport «restent sur le carreau» au profit de certains qui ne l’ont pas. Dans cette compagnie, tout n’est pas que mauvais selon certains clients. «J’emprunte STAF parce que c’est la compagnie qui me permet d’aller où je veux et quand je veux», témoigne un usager.

Un bémol

L’un des bémols dans les critiques faites à cette compagnie est sa régularité sur les routes. «Pour moi, STAF est le roi de la route, parce qu’on les trouve partout et leurs cars roulent vite», explique Edmond Banworo qui vient d’emprunter STAF de Diébougou à Ouagadougou. Une autre pratique de la compagnie semble être les arrêts fréquents sur les routes pour prendre ou faire descendre un passager. D’où son surnom par certains de «car-taxi». Sur ce point, les avis des passagers divergent. D’aucuns trouvent la pratique acceptable, d’autres la rejettent, affirmant que lorsqu’on emprunte un car, on prend les dispositions qui s’imposent pour se faire déposer à la gare plutôt que sur les routes. STAF n’est pas l’unique compagnie de transport emprunté par les passagers. Il existe aussi Transport Confort Voyageur (TCV). Cette compagnie s’est spécialisée dans la desserte des villes de l’Ouest du Burkina et de la sous-région. Pour Daouda Hilou qui emprunte fréquemment cette compagnie, «c’est l’ordre qui y règne dans la gestion de la clientèle qui le motive». «Lorsque tu veux prendre TCV, il faut d’abord réserver ton ticket et, ensuite au départ, tu es tenu de t’assoir sur le siège dont ton ticket porte le numéro», témoigne-t-il. En tant que client, il est conscient des difficultés rencontrées lorsque l’on veut emprunter les compagnies de transport : «Les difficultés que nous rencontrons au niveau des compagnies de transport se résument au retard dans les heures de départ, à l’excès de vitesse, au non respect de la clientèle», explique M. Hilou. A TCV, le respect des horaires est une valeur cardinale sauf «lorsque les circonstances ne le permettent pas», explique un employé de la compagnie souhaitant conserver son anonymat. «Souvent ce sont des pannes de dernière minute qui contraignent la compagnie à décaler l’horaire de départ de quelques minutes», déclare encore cette source. Sur les routes du Burkina Faso, des zones sont difficilement accessibles à cause de l’état des routes. C’est le cas de l’axe Boromo-Dédougou, distante d’une centaine de kilomètres. Manque de véhicules en bon état, désagrément causé par le bitumage de la route, sont le lot quotidien des usagers qui empruntent cette voie. Il est quasiment impossible de faire un aller-retour dans la même journée sur Dédougou en passant par Boromo. Une seule compagnie dessert régulièrement Boromo en quittant Dédougou. Le car vient le matin et ne retourne qu’à 14h ou 14h 30 selon la disponibilité de la clientèle. Pour le chauffeur de la compagnie EMAF qui fait la liaison Boromo-Dédougou, l’état de la route est pour beaucoup dans cet état de fait. «Les routes ne sont pas praticables du fait de leur bitumage. Cela occasionne de nombreux accidents et la destruction des véhicules», explique-t-il. Cet argument est repris en cœur par les gérants des cars qui empruntent les routes reliant Ouagadougou à Boromo et Boromo à Dédougou. Ce dernier tronçon en bitumage occasionne de nombreux désagréments aux usagers, entre autres, la poussière, le vent, les accidents.

Du contrôle des forces de l’ordre

Les contrôles de police, de la gendarmerie et de la douane sont perceptibles sur certains axes routiers. Situation au Mali obligeant, l’axe Ouagadougou-Dori est sujet au contrôle de la police, de la gendarmerie et de la douane. Un contrôle de la gendarmerie se fait généralement non loin de la ville de Kaya, à 100 km de la capitale, Ouagadougou. Là, les gendarmes procèdent au contrôle des identités des passagers. C’est pratiquement le seul axe où la police, la douane et la gendarmerie sont très actives dans le contrôle des cars, des marchandises et des occupants. Un autre axe où s’effectue le contrôle de la douane est celui reliant Ouagadougou à Ouahigouya. Sur les autres axes tels que l’axe Ouagadougou-Tenkodogo, Ouagadougou-Gaoua, Ouagadougou-Boromo, la douane ne contrôle pratiquement pas les cars de transports en commun interurbains. Cette situation fait dire au passager Edmond Banworo qu’il est bon que chaque compagnie permette ou dispose d’un poste de douane, de la gendarmerie et de la police dans sa gare. «Cela permettra de lutter efficacement contre le trafic des stupéfiants et le grand banditisme». explique Edmond. L’homme profite de l’occasion pour fustiger le prix des tickets de transport. «Il faut que l’État réglemente les prix des transports. On ne peut pas comprendre que pour une distance de 100 km par exemple, le passager paye 2000F (3 euros)», s’inquiète-t-il. Il préconise alors que l’État, de concert avec les compagnies de transport, revoient les prix en y associant un contrôle rigoureux. A ce propos, la disparité des prix de transport entre deux compagnies prouve qu’un contrôle sérieux doit être opéré à ce niveau. En effet, certaines compagnies font le transport entre Ouagadougou et Dori à 5 000 F CFA (8 euros) lorsque d’autres le font à 4000 F CFA (6 euros). Cela dénote la possibilité pour les compagnies de transport de baisser les tarifs pour permettre aux populations de voyager en toute sécurité en payant moins cher.




Quand un chauffeur se trompe de direction

Le 08 janvier 2013, un chauffeur de la compagnie de transport STAF faisant la navette entre Ouagadougou et Dori, longue de 260 km au Nord de Ouagadougou, s’est trompé de direction de la gare à Ouagadougou en provenance de Dori. A hauteur du feu tricolore de l’Avenue 56, au niveau de la station Total près du palais du Larlé Naba, le chauffeur a omis de tourner à gauche pour prendre la direction de la gare centrale de STAF située à Larlé, un quartier au centre de Ouagadougou. Il a fallu les remous des passagers et l’interpellation de son apprenti-chauffeur pour ramener le chauffeur à l’ordre. Il était alors obligé d’aller tourner plus loin en vue de rejoindre la gare. Interrogé sur cet incident, les apprentis ont confié que «c’est un chauffeur qui n’est pas d’habitude sur l’axe Ouagadougou-Dori.» Don’t act.

TSR se retrouve dans TCV

Acte rocambolesque que celui d’un passager sur l’axe Ouagadougou-Gaoua. En effet, ce passager ayant sur lui le titre de voyage de la compagnie TSR avait cependant pris place dans le car de STAF devant relier Gaoua à Ouagadougou. Quel ne fut pas l’étonnement du contrôleur de STAF qui voit le ticket de TSR dans son car alors que le car a déjà démarré de la gare de Gaoua et est en route pour Ouagadougou. Pantois, le convoyeur n’eut d’autre choix que de dire au passager de payer 500 F (moins d’un euro) pour qu’on le dépose au poste de péage à la sortie de Gaoua afin qu’il puisse emprunter le car de la compagnie TSR. Ledit car était toujours en gare au démarrage de STAF. Cet incident ne serait pas survenu si l’on avait pris la peine de vérifier les titres de transport avant le démarrage du car.
Rassemblés par A.V




Quelques chiffres

La valeur ajoutée de la branche transports a été estimée à 8,4 % du PIB en 1996 dont les 2/3 proviendraient du sous-secteur informel des transports routiers. L’examen des données relatives aux valeurs ajoutées par mode de transport a montré que les contributions dominantes restaient celles des transports routiers (plus de 90% de la valeur ajoutée totale de la branche transport) suivis en seconde place par celle des services auxiliaires (6% à 8%).

Transport et emplois

En termes de contribution à l’emploi, le secteur des transports au Burkina Faso est fortement générateur d’emplois compte tenu du fait que l’activité de transport est généralement couplée avec d’autres activités, principalement le commerce. Le nombre d’emplois directs de la branche transport a été estimé en 1994 à près de 80 000, représentant environ 15 % de la population active hors secteurs agriculture et élevage.

Patrimoine infrastructurel

Le patrimoine national en infrastructures d’acheminement hors volet ferroviaire et aérien comporte :
- un réseau de routes d’une longueur d’environ 15 270 km de routes classées dont 1990 km de routes bitumées, 3 450 kms de routes en terre ;
- à ce patrimoine, il faut ajouter plus de 46 000 kms de routes et pistes faisant l’objet de sollicitation d’aménagement de la part des populations desservies.

Sources : Programmes et politiques de transport dans les pays en voie de développement et réduction de la pauvreté

Source : http://www.lenouvelafrique.net/pg.php?id_news=898