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Richard Miller - Député Wallon et sénateur de Communauté - « Pour pouvoir se développer, il faut savoir qui l’on est » [04/2012]

Très attentif à tout ce qui concerne les Droits de l’Homme et les politiques interculturelles, le Sénateur Richard Miller ne perd pas de vue les réalités de l’Afrique. Après avoir participé à la 7e conférence de l’ALDEPAC à Abidjan, en Côte d’Ivoire, avec le lancement du Manifeste libéral panafricain, le député Wallon, docteur en philosophie, livre dans cet entretien les contours de cette conférence et s’exprime sur le développement de l’Afrique.

Le nouvel Afrique (LNA) : Vous avez participé à la 7e conférence de l’ALDEPAC à Abidjan avec le lancement du Manifeste libéral panafricain. Quels sont les enseignements que l’Afrique doit tirer de cette 7e Conférence ?

Richard Miller (RM) : L’enseignement principal que Louis Michel et Guy Verhofstadt ont voulu mettre en évidence avec l’organisation de cette 7e Conférence d’ALDEPAC à laquelle ont participé une quarantaine de pays africains est le suivant : la solution pour l’Afrique passe par un libéralisme politique et économique. C’est-à-dire par une économie de marché régulée par une autorité politique démocratique.

LNA : A cette occasion a été lancé le Manifeste libéral panafricain. Quelles sont les grandes lignes de ce Manifeste ?

RM : Les grandes lignes du Manifeste portent sur les deux aspects évoqués ci-dessus : les partis libéraux présents dans les États africains se sont engagés à travers ce Manifeste à défendre des institutions démocratiques, un État impartial, une presse libre, des élections transparentes, une opposition reconnue dans ses droits, un projet scolaire, le respect des minorités, les Droits de l’Homme… Ils se sont également engagés à développer l’activité économique et commerciale de manière à créer de la richesse qui favorise le développement du pays et le bien-être de la population. Cela concerne par exemple la capacité des Africains à transformer par leurs propres outils les matières premières issues du sol africain.

LNA : Lors de votre intervention à la tribune de cette Conférence vous avez affirmé que « les Africains n’existeront que s’ils sont capables d’affirmer leurs racines culturelles africaines, que s’ils sont capables d’écrire leur propre histoire, et de tourner celle-ci vers l’avenir ». Quelles sont les actions que les Africains peuvent mener pour atteindre cet objectif ?

RM : C’est une constante de toutes les civilisations : celles-ci n’existent que si elles se développent, investissent dans l’avenir, construisent un futur pour leurs populations. Mais on ne construit pas sur la base de rien. C’est d’ailleurs un des crimes majeurs de la colonisation que d’avoir coupé les populations africaines de leurs racines, et cela a été fait justement pour pouvoir les affaiblir, les empêcher de s’affirmer et d’atteindre leur indépendance. Pour pouvoir se développer, il faut savoir qui l’on est, sinon on demeure un instrument dans les mains des autres. C’est pourquoi j’ai déclaré que connaître sa propre histoire, se nourrir du passé du peuple, est une condition essentielle de l’avenir pour les Africains. De là, par exemple, l’importance du travail des historiens et auteurs africains.

LNA : D’aucuns affirment que la plaie de l’Afrique est de s’être donnée corps et âme au libéralisme qui manifeste la propension à favoriser les forts au détriment des faibles. Que pensez-vous de cette opinion ?

RM : Je ne vois aucun exemple d’État africain qui, durant ces dernières décennies, se soit organisé sur la base à la fois d’un système démocratique libéral et d’une économie de marché régulée démocratiquement par l’Etat. J’insiste en effet sur le fait qu’il faut avoir en même temps les deux aspects qui se renforcent l’un l’autre. Ce que l’on a vu jusqu’à présent, c’est le plus souvent des systèmes plus ou moins socialistes, plus ou moins dictatoriaux, qui n’ont rien de commun avec le libéralisme. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils se sont soldés par des échecs économiques, politiques et humains épouvantables. Je suis donc très attentif à l’évolution de pays comme la Côte d’Ivoire et, je l’espère, le Sénégal, qui ont entamé des processus démocratiques et économiques prometteurs.

LNA : L’Afrique, ces derniers temps, est en train d’écrire petit à petit de nouvelles formes de développement avec l’éveil de sa jeunesse. L’un des handicaps de cette jeunesse est l’éducation et la formation. Quels sont selon vous les atouts de l’Afrique pour pouvoir booster son développement ?

RM : Pour l’éducation, le Rapport récemment publié par l’Unesco présente des chiffres désolants, mais aussi des résultats encourageants. Tout n’est pas désespéré : il y a d’énormes efforts qui sont accomplis - notamment en Côte d’Ivoire- pour atteindre un degré de scolarisation élevé, une scolarisation gratuite et bien répandue sur des territoires qui sont immenses. La seule solution réside dans un engagement de l’État visant à faire de l’école une priorité absolue. L’aide internationale doit avoir pour objectif d’y contribuer.

LNA : Vous êtes Député wallon et Sénateur de Communauté en Belgique. D’où vient votre amour de l’Afrique ?

RM : Tout d’abord le système institutionnel belge confie aux Régions des compétences en matière de politique extérieure. Ensuite, la partie francophone de la Belgique fait partie intégrante de la francophonie internationale, de même que de très nombreux pays africains. Enfin, comme je l’ai dit, je suis très intéressé par la politique des droits humains, par les combats en faveur de la protection des femmes, par la lutte contre l’extension des maladies ou des famines… Enfin deux amis belges incarnent aussi, à mes yeux, l’Afrique : le politique Louis Michel et l’écrivain Jean-Louis Lippert.

LNA : Joseph Ki-Zerbo s’interrogeait «A quand l’Afrique ?». Si l’on vous posait cette question, quelle serait votre réponse ?

RM : Je ne peux pas répondre à cette question. Tout ce que j’espère c’est de voir, de mon vivant, le plus grand nombre de pays africains assurer le bien-être de leur population grâce à la démocratie et au respect des libertés fondamentales. Comme Belge, je me sens «responsable anonyme » du sang noir versé à travers les souffrances de la colonisation…

LNA : Quelle est votre appréciation du journal « Le Nouvel Afrique » qui a pour ambition de véhiculer une image positive de l’Afrique ?

RM : J’apprécie la clarté d’analyse de votre journal : ce sont de tels outils intellectuels qui conjugueront l’Afrique au futur.

Source : http://www.lenouvelafrique.net/pg.php?id_news=729