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Pape Diouf,ancien président de l’Olympique de Marseille «Le football africain a montré sa vitalité lors de la dernière CAN » [04/2012]

Invité le 14 mars dernier pour animer une conférence à l’Université catholique de Louvain-la-Neuve, en marge des journées culturelles du Cercle des étudiants congolais de Belgique, l’ancien président de l’Olympique de Marseille, Pape Diouf, s’est exprimé, dans l’entretien qu’il nous a accordé, sur le football africain. A l’en croire, le continent regorge de grandes potentialités qu’il convient de bien exploiter, dans le cadre de la formation, si l’on veut que le football africain demeure toujours parmi les meilleurs du monde.

Le nouvel Afrique (LNA) : Quelle est votre opinion sur l’état actuel du football africain ?

Pape Diouf (P.D) : Le football africain a démontré toute sa vitalité lors de la dernière Coupe d’Afrique des Nations (CAN). Certains avaient prédit une compétition dévaluée du fait de l’absence de certains ténors de ce football, notamment le Nigéria, le Cameroun, l’Afrique du Sud, l’Egypte ou l’Algérie mais, à l’arrivée, on s’est rendu compte que les présents avaient fait honneur à ce football. On peut peut-être dire, pour mettre un bémol, qu’il y a aujourd’hui un nivellement des valeurs qui fait que tous les adversaires sont dangereux. Il n’y a plus cette hiérarchie clairement établie. Pour ma part, j’estime que le football africain a montré le bon niveau de ses équipes nationales. Mais il n’en est pas de même pour ce qui est du football local. Dans les grands pays de football, les stades sont désertés. Il n’y a plus, en Afrique, ces footballeurs de renommée qui y évoluent encore. Ce sont des éléments qui doivent interpeller.

LNA : Que pensez-vous des joueurs africains évoluant dans les championnats européens ?

P.D : Je crois que les footballeurs africains, de plus en plus, jouent des rôles importants dans les clubs européens. Tel n’était pas le cas au début des années 70 ou 80. Aujourd’hui, il n’y a pas un grand club européen qui n’a pas son joueur africain ou d’origine africaine. Ce qui montre que ces garçons se sont parfaitement adaptés au football professionnel. Il faut dire aussi que la plupart d’entre eux étaient parfois engagés très tôt au niveau des centres de formation où ils bénéficiaient de conditions de préparation absolument requises. Cela montre aussi que, si l’Afrique, demain, avait les mêmes moyens de former ses garçons, le football africain serait sans doute l’un des meilleurs du monde.

LNA : Quels messages pour les jeunes et les dirigeants du football africain ?

P.D : Moi, je n’ai jamais souhaité me considérer comme une référence de conscience, encore moins comme conseilleur. Ce sont ceux qui sont sur le terrain qui donnent beaucoup de leur temps et de leur énergie ou de leur argent qui sont habilités pour savoir là où le bât blesse et ce qu’il convient de faire. Je dirais simplement qu’il faut de plus en plus travailler ferme pour essayer de doter l’Afrique de moyens, d’infrastructures pour permettre une pratique raisonnable et correcte du football. Si effectivement tous les éducateurs, tous les dirigeants réunissaient leurs efforts pour se battre, le football africain gagnera en crédibilité et permettra à ses jeunes joueurs d’avoir une meilleure formation. On l’a vu avec l’apport des joueurs formés en Europe qui sont venus rejoindre leur équipe nationale. Seule la formation peut aider, me semble t-il, le football à se développer sur le continent africain.

Itinéraire d’un soldat du sport africain

Né au Tchad où son père était en poste, Pape Diouf revient au Sénégal avec sa famille peu après sa naissance. Déjà passionné par le football, il débarque à Marseille à l'âge de 18 ans, avec pour injonction paternelle de devenir militaire comme son père qui s'est battu pour la France pendant la Seconde guerre mondiale. Mais Pape Diouf ne l'entend pas de cette oreille, et décide de vivre selon ses choix. Parallèlement à ses études à l'Institut d’études politiques d’Aix en Provence, il entre finalement aux PTT. Il abandonne alors ses études. Il y rencontre Tony Salvatori, multiple champion de France et international de chasse sous-marine, employé comme lui des Postes, qui le fera entrer comme pigiste au journal La Marseillaise. Peu de temps après, il est embauché à temps plein, avec pour mission de "couvrir" l'actualité de l’Olympique de Marseille. Douze ans après son entrée au journal, il rejoint le quotidien national sportif Le Sport, lancé par Xavier Couture. Mais l'aventure tourne court car le quotidien dépose le bilan

Agent de joueurs

À la suite de cette déconvenue, il organisa des jubilés de joueurs en Afrique dont Roger Milla, Boubacar Sarr Locote et Eusobio. De là lui vient l'idée de devenir agent de joueurs. Ses premiers joueurs sous contrat furent Basile Boly et Joseph Antoine Bell, tous deux évoluant à l’OM. Plus tard, ce fut au tour de Marcel Dessailly, Bernard Lama, Sylvain Armand, William Gallass, Grégory Coupet, Laurent Robert, ou encore l’ivoirien Didier Drogba pour ne citer que ceux-là. Il fut aussi l'agent du pensionnaire de Manchester City, Samir Nasri, depuis l'âge de 13 ans.

Dirigeant de club

En 2004, il rejoint l’OM comme manager général du club, chargé des affaires sportives. Après le départ de Christophe Bouchet à l'automne 2004, il est nommé président du directoire par le conseil de surveillance du club. En 2005, il devient président sous l'influence de l'actionnaire majoritaire, Robert Louis Dreyfus. En 2006, il est à l'origine d'une décision controversée d'aligner une équipe bis de l’Olympique de Marseille (OM) face au Paris Saint Germain (PSG) pour le compte de la 30e journée de championnat de LIGUE 1. Il avait en effet refusé d'envoyer l'équipe des titulaires, arguant du non-respect par les services de sécurité du PSG des normes de sécurité concernant l'accueil des supporters marseillais au Parc des Princes. Cette décision lui a attiré les foudres d'une partie du public français, de la Ligue de football Professionnel et du diffuseur exclusif du championnat, Canal + ; mais elle lui a aussi permis de faire l'union sacrée autour de lui parmi les supporters olympiens. Ce match se terminera par un inattendu 0-0 au terme d'un match fermé. Sous sa présidence, l'Olympique de Marseille progresse régulièrement dans la hiérarchie française (5e en 2005-2006, puis 2e en 2006-2007, 3e en 2007-2008, et 2e en 2008-2009), en se qualifiant très régulièrement en Ligue des Champions. Il accède également deux fois d'affilée à la finale de la coupe de France. Enfin, il demeure à ce jour le seul dirigeant noir d'un club évoluant en première division dans toute l'Europe. «Je suis le seul président noir d'un club en Europe. C'est un constat pénible, à l'image de la société européenne et, surtout, française, qui exclut les minorités ethniques». Pape Diouf, le président de l'Olympique de Marseille, livre un diagnostic passablement désabusé sur l'intégration à la française. En raison de conflits avec le président de ce conseil, Vincent Labrune, Pape Diouf quitte la direction du club le 17 juin 2009 après 5 ans de présidence. Il peut être considéré comme l'un des acteurs majeurs du renouveau de l'OM en cette fin des années 2000 en ayant ramené puis maintenu le club trois années durant en Ligue des Champions. Aujourd’hui, outre ses activités de consultance au sein de la Ligue de football professionnel, des fédérations de football africaines, des télévisions etc., Pape Diouf est, aux côtés de Jean-Pierre Foucault, depuis 2010 actionnaire de l’European communication school et de l’Institut européen de journalisme à Marseille où il enseigne.

Source : http://www.lenouvelafrique.net/pg.php?id_news=725