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BURKINA FASO - Le calme après la tempête [05/2011]

Après les manifestations dumilieu scolaire, les mutineriessuccessives de militaires réclamant de meilleures conditions de travail, le calmerevient peu à peu au BurkinaFaso. Durant deux mois, lepays a vécu l’une des pagesles plus sombres de sonhistoire avec la dissolution et la formation d’un nouveau gouvernement dirigé par LucAdolphe Tiao, un journalistepour redonner un nouvelélan à ce pays meurtri parles casses, les pillages etles incendies de domiciles d’autorités politiques.

Le Burkina Faso a vécu depuis le mois de février l’une des pages les plus sombres de son histoire. Ce fut d’abord le milieu scolaire. Suite à la mort de façon controversée de l’élève Justin Zongo à Koudougou (ville située à 100 Kms à l’ouest de Ouagadougou la capitale), la fièvre s’empare des élèves qui mettent des villes à sac. Les 21 et 22 février, ce sont les militaires qui entrent dans la danse en protestant de façon peu orthodoxe la condamnation de certains de leurs compagnons pour une affaire de moeurs. Bilan : des tirs à l’arme lourde, des morts, des blessés avec son cortège de magasins pillés, d’autorité politique tabassée et de domicile de supérieur hiérarchique incendié. Le Président du Faso s’adresse à la nation. Il condamne les actes de pillages des militaires et promet une large concertation avec toutes les couches socio-professionnelles de la nation. Les concertations commencent et un couvre feu est instauré sur toute l’étendue du territoire. Sans attendre les solutions à leur soumettre, les 14, 15 et 16 avril 2011, le régiment de sécurité présidentielle (RSP), une sorte de garde prétorienne, entre dans la danse. Il réclame le paiement de leurs primes d’alimentation et l’amélioration de leurs conditions de vie. Dans la vague de contestation, il saccage et incendie le domicile du chef d’Etat major particulier de la Présidence du Faso, le général Dominique Djendjéré. Le Président du Faso est mis à l’abri dans son village natal à Ziniaré situé à 35 Km au Nord de Ouagadougou. Il reviendra à Ouagadougou où il prend des mesures pour calmer la situation. Tour à tour, les responsables des armées de terre, de l’air, de la gendarmerie nationale, du chef de corps de la RSP, le chef d’Etat major général des armées sont relevés de leurs fonctions. Excepté le chef d’Etat-major général des armées, les autres corps sont gérés par des intérimaires. Blaise Compaoré nomme son ancien aide de camp des années 1989, le général Nabéré Honoré Traoré comme chef d’Etat-major général des armées. Le gouvernement, dirigé par Tertius Zongo est dissout. Luc Adolphe Tiao, journaliste de profession, précédemment ambassadeur du Burkina Faso en France, est nommé Premier ministre à la surprise générale des Burkinabé. Il compose un gouvernement de « technocrates » de 29 membres contrairement à celui de son prédécesseur qui était de 38 membres. Le Président du Faso, Blaise Compaoré assure himself les fonctions de ministre de la défense et des Anciens combattants.

Pourquoi Tiao en pompier ?

Dans la crise qui a secoué le Burkina, d’aucuns avaient tout de suite pensé à la contagion de l’effet de la révolution de Jasmin, partie de la Tunisie et qui souffle sur le Maghreb et le Moyen-Orient. En optant pour cette lecture simpliste de la situation, des hommes politiques ont fait faux bond en organisant une manifestation en vue de réclamer le départ du Président Blaise Compaoré. Ils ne réussiront pas à mobiliser plus de 1000 personnes à cette manifestation, de source policière. Pourquoi cet échec ? la nomination d’un nouveau Premier ministre, sorti du « néant » (il n’a jamais été ministre) et la prise de mesures idoines pour faire face à la cherté de la vie ont essoufflé les opposants de Blaise Compaoré. En effet, après sa prise de fonction, dès sa première conférence de presse, le nouveau Premier ministre, Luc Adolphe Tiao a décidé la suppression de la taxe de développement communale, le départ de la police de l’Université de Ouagadougou, la suspension du paiement des pénalités de retard sur les factures d’électricité, l’abattement de l’Impôt unique sur le traitement des salaires (IUTS) de 10% et l’annonce de lancement de concertations en vue de revoir à la baisse les prix des produits de première nécessité tels que le riz, l’huile, le sucre, les céréales, etc. Le premier bénéfice de ces mesures est le quitus de répit que les syndicats ont accordé au Premier ministre en suspendant les mouvements de grève. Luc Adolphe Tiao semble avoir pris la mesure de la situation après quelques mois d’exercice de sa fonction. Cette donne a été capitale pour lancer ses projets. En effet, Luc Adolphe Tiao connaît le Burkina Faso et les préoccupations des Burkinabé. Pour preuve, lors d’un entretien accordé au quotidien Sidwaya en octobre 2007 en tant qu’invité de la rédaction du journal, il a peint de façon objective le quotidien des Burkinabé. Lorsqu’on lui posa la question de savoir pourquoi les populations semblent ne pas se retrouver dans les programmes conçus par les gouvernants, sa réponse a été sans équivoque. «La première est sociohistorique, en ce sens que la conception de l’Etat héritée de l’ère coloniale est marquée par une rupture entre les populations et leurs élites. Il y a comme une barrière naturelle entre gouvernants et gouvernés. Nous avons hérité de cette sorte de fracture interne de l’administration coloniale qui ne voulait pas de proximité entre les dirigeants et les populations. Cette conception verticale du pouvoir ne peut créer les conditions d’une véritable participation des populations aux politiques de développement. Aujourd’hui, avec la démocratie, il convient d’inverser cette conception hiérarchique des rapports entre les gouvernants et les citoyens. Nous avons de ce fait, besoin d’un gouvernement participatif, non pas en termes de portefeuilles ministériels mais de modèle de gouvernance politique. Chaque citoyen doit se sentir responsable de ce qui se passe dans son pays. Si le concept peut être accepté, passons d’un état de citoyenneté passive à un état de citoyenneté active» a expliqué Tiao alors qu’il était président du Conseil supérieur de la Communication. Concernant la vie chère, il a été sans détour en disant: «Il ne faut pas se voiler la face. Certains vivent à l’aise, voire même dans l’opulence. Il y a une bourgeoisie qui émerge même si la classe moyenne dans notre pays émerge difficilement et n’a pas de véritable pouvoir d’achat. C’est vrai et c’est encore une particularité burkinabè. Tout fonctionnaire et tout travailleur rêvent un jour de posséder sa propre maison. C’est presque une obsession. Mais c’est un signe positif du dynamisme individuel. D’autres Burkinabè ne mangent pas à leur faim. Des gens n’ont même pas un bon repas quotidien. Ils n’arrivent pas à satisfaire leurs besoins fondamentaux, c’est-à-dire, se soigner, envoyer leurs enfants à l’école. C’est une réalité.»

Le Burkina en sort grandi

Dans cette suite d’épreuves traversées par le Burkina Faso, les institutions de la République ont été atteintes mais pas ébranlées. Le calme revient peu à peu avec le dédommagement des commerçants ayant subi des pertes, la satisfaction des revendications des militaires. La paix n’a pas de prix. Le président du Faso, Blaise Compaoré l’a dit lors de son allocution du 30 mars 2011 : « C’est au prix d’un dialogue soutenu et apaisé que nous pourrons réussir les transformations escomptées, le renforcement de la démocratie et l’élévation du niveau de vie des Burkinabé,. (…)Chaque fois que notre nation a été confrontée à une crise politique ou sociale majeure, nous avons toujours trouvé des hommes et des femmes de bonne volonté issus de toutes les confessions religieuses, des milieux coutumiers, des organisations de la société civile, du monde des opérateurs économiques et du secteur informel, qui se sont investis pour sa résolution et la consolidation de notre marche vers le progrès. Cet engagement et cette disponibilité patriotique ont toujours permis au peuple burkinabè de résister victorieusement aux complots organisés pour l’aliénation de sa liberté et la négation de ses aspirations à l’édification d’un Burkina Faso fort, stable et respecté. J’ai foi en la capacité du peuple burkinabè à surmonter les difficultés qui apparaissent sur son parcours, pour affirmer davantage son attachement à la paix, à la démocratie et à la cohésion sociale.» Fin de citation.

Source : http://www.lenouvelafrique.net/pg.php?id_news=546