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Rhode Bath-Schéba Makoumbou l’identité culturelle comme richesse [02/2010]

Peintre née dirons certains, cette  jeune femme d’origine congolaise est belle par ses mains. Ces instruments de travail qui lui sont sacrées, concrétisent le don qu’elle possède.
Initiée par son père dès sa tendre enfance à la peinture, Rhode  [RBSM] a véritablement fait ces débuts à la fin des années 80. Ses peintures sont inspirées du quotidien de la paysanne africaine. Elles retracent l’histoire des activités traditionnelles de son pays qui ont tendance à disparaître sous l’effet du modernisme. Elles traduisent également l’amour qu’elle voue à la culture de son pays. Très colorées, ses créations sont d’un mélange de réalisme et de cubisme. En 2002, elle se lance dans la sculpture. Elle en fait sa deuxième passion au même titre que la peinture. Cette jeune femme de 34 ans est une artiste hors paire qui insiste sur l’identité culturelle comme richesse dans la diversité et non comme valeur d’opposition.


# Vu que l’Art africain n’est pas autant mis en valeur en Afrique qu’en Occident, quelle a été votre motivation profonde à demeurer dans ce métier?

[RBSM]  Ma motivation profonde est que la création artistique est l’un des meilleurs moyens pour montrer sa culture aux autres dans le cadre de l’échange et du partage des connaissances universelles. Je dis souvent que l’art est le meilleur trait d’union entre les hommes pour se connaître et s’apprécier. Avec l’art, on informe et on s’informe. Depuis la nuit des temps, l’homme a toujours voulu laisser des traces visuelles de son époque pour les futures générations. C’est vrai que je viens d’un pays où l’on n’a pas encore vraiment mis l’art en valeur à un niveau supérieure auprès des populations. L’art reste encore trop confiné a quelques cercles restreints d’initiés. Mais je reste optimiste. Les choses changent quand même en Afrique et il y a toute une série d’initiatives intéressantes qui se développent. J’ai déjà beaucoup exposée en Europe, mais j’ai également été souvent invitée en Afrique (Gabon, Niger, Cameroun, Tanzanie, Sénégal, Maroc et Côte d’Ivoire ).
Je prépare ma première grande exposition individuelle à Brazzavaille pour bientôt et je vois qu’il y a déjà un intérêt auprès des médias et des milieux artistiques. J’exposerai dans une galerie, mais aussi dans la rue et les marchés avec une présentation d’œuvres sur la plateforme d’un camion. Ceci pour aller au-devant du public qui n’a pas l’habitude de fréquenter les lieux réservés à l’art.

# Qu’est-ce qui a justifié votre immigration vers l’Europe?

[RBSM]  Je ne peux pas nier le fait que d’être venue en Europe m’a beaucoup aidé. En Europe, les circuits de diffusion des arts sont depuis fort longtemps développés. N’oublions pas que nous sommes seulement indépendant depuis une cinquantaine d’années pour la plupart des pays africains, alors que l’Europe a un long passé très organisé à tous les niveaux. Mais il faut quand même rajouter que ce passé n’a pas toujours été positif pour nous, en particulier pour la longue période d’exploitation exclavagiste et coloniale. Le fait d’être maintenant plus connue à l’étranger me rend évidemment très connue au Congo. J’ai évidemment eu la chance de rencontrer mon manager belge qui a effectué une très grande promotion médiatique surtout gràce à la création d’un très beau et important site web.  

# Quels sont les changements que vous avez constaté depuis que vous vivez en Belgique?

[RBSM]  Je dirais que dans mon pays, il n’y a pas eu énormément de changements. Mais c’est vrai que les traces de la guerre civile des années 97-99 sont beaucoup moins visibles et il y a eu la construction de nouvelles routes et de nouveaux immeubles. Sur le plan culturelle, cela reste encore assez faible. Il y a eu quelques efforts pour rendre plus visible la mémoire historique du pays (n.d.l.r. des monuments et le Mémorial Pierre Savorgnan de Brazza) et la rénovation du bâtiment de la célèbre Ecole de peinture de Poto-Poto. Ce qui est nouveau, c’est l’activité culturelle du quotidien « Les Dépêches de Brazzaville » par la création d’une belle galerie de peinture et la publication de numéros spéciaux sur la littérature. Heureusement aussi qu’il y a le Centre Culturel Français qui est toujours très actif avec une forte programmation et qui reste le lieu de rencontre des intellectuels et des créateurs congolais. Ce qui est intéressant, c’est que l’on voit une nouvelle génération d’artistes (littérature, cinéma, musique, photographie, peinture et théâtre) qui est très motivée et très active.

# Pourquoi vos peintures et sculptures sont-elles très colorés ? Question !

[RBSM]  Je pense que c’est la transposition plastique de la lumière et des couleurs que j’ai vues pendant toute ma vie sur notre continent. Nous sommes continuellement imprégnés par le soleil. Nos vêtements, à la différence de ce que j’ai vu par exemple en Europe, sont très souvent colorés de tons vifs. Personnellement, je trouve cela plus gai et agréable
 
# Vos activités mettent en valeur la femme africaine,  particulièrement la paysanne, avez-vous des projets par rapport au développement urbain ?

[RBSM] Pour l’instant, je tire surtout mon inspiration des activités quotidiennes de la femme africaine. J’ai beaucoup observé et aidé ma mère dans ses activités quotidiennes et moi-même, j’ai aussi exercé ses différentes activités traditionnelles dans mon adolescence.
J’aime mettre en valeur la femme africaine et de retracer l’histoire des activités traditionnelles de mon pays qui tentent à disparaître sous l’effet d’un certain modernisme, non pour retourner en arrière, mais pour en garder la mémoire, un peu comme une archiviste de notre histoire sociale et culturelle. Mon but est de partir des codes des traditions qui m’ont entourées depuis ma naissance pour mettre en valeur le travail, la vie de tous les jours, mais aussi les joies et les malheurs qui existent dans chacune de nos vies respectives. Cela ne m’empêchera pas d’aborder un jour des activités plus urbaines. Il faut que j’en trouve l’inspiration et la manière picturales de les transposer.

# Avez-vous des voeux pour cette nouvelle année?

[RBSM] A mon niveau, de pouvoir continuer à créer des œuvres intéressantes et poursuivre l’organisation d’expositions à travers le monde pour les montrer à un nombreux public et ainsi rendre plus visible une partie de la culture congolaise.
Pour les populations dans le monde, j’espère que cette année vera un peu plus l’élargissement d’une véritable politique de justice sociale pour le bien-être général, marquée par moins de violence en souhaitant une résorption des conflits militaires.
Je souhaite également que le peuple haîtien, marqué par un effroyable cataclysme, puisse être énormément aidé pour reconstruire d’une manière technique plus fiable (comme au Japon) tous les immeubles détruits.

www.rhodemakoumbou.eu

Source : http://www.lenouvelafrique.net/pg.php?id_news=269