back

La peur de l’échec mène à l’échec

Le débat sur le Franc CFA fait rage entre les anti et les pro. Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est de bon ton de prendre du recul pour circonscrire le sujet. Le Franc CFA, Franc des colonies françaises de son appellation ancienne, s’est mué en Franc de la Communauté financière africaine (sic). Il est né le 26 décembre 1945, le jour même où la France ratifie les Accords de Bretton Woods ; avec en sus, la première déclaration de parité au Fonds monétaire international (FMI). Par cette définition, le Franc CFA n’est pas une monnaie africaine. En 1958, le Franc CFA devient le « Franc de la Communauté Française d’Afrique » en Afrique. Après les indépendances, il deviendra le « Franc de la Communauté financière d’Afrique » en Afrique de l’Ouest et le « Franc de la coopération financière en Afrique centrale ». En réalité, ce sont des jeux de mots creux. La finalité de ces 2 monnaies est la même. En outre, à travers l’origine du mot « Franc », une réalité s’impose. Car, après la profonde réforme monétaire engagée à la fin du règne de Louis XIII (1610-1643) qui crée le « Louis d’or », les derniers demis et quarts de francs sont frappés en 1941. Ils disparaissent au profit des séries fondées sur l’écu d’argent. Il n’est plus émis de pièces libellées en « franc » jusqu’en 1793. Lorsqu’on table sur le mot « franc », il signifiait en son temps que le roi est franc des Anglais, c’est-à-dire libre. Or, l’adage dit que « celui qui est couché sur la natte d’autrui est couché par terre ». En empruntant à une appellation qui ne répond pas à notre réalité, qui n’est pas africaine, l’on perd une identité culturelle. « Celui qui est couché sur la natte d’autrui est couché par terre » dit l’adage. Il est très difficile de comprendre et d’accepter que 8 pays de la zone de l’Union économique et monétaire ouest-africaine utilisent le F CFA mais ne puissent pas, en retour, faire de transaction monétaire avec cette même monnaie dans les 6 pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). En langage plus simple, un commerçant togolais ne peut pas acheter des marchandises avec le Franc CFA à son partenaire commerçant du Cameroun ou du Gabon qui utilise la même monnaie. De facto, cette monnaie ne favorise pas les échanges intracommunautaires. Mieux, sans être expert en économie, tout le monde sait que si tu importes plus de produits finis que tu n’en exportes, ton économie et ton industrie ne pourront jamais se développer. A la rigueur, elle pourra donner l’illusion de maîtriser l’inflation qui ne se répercutera jamais sur le panier de la ménagère. Or, toute lutte, tout combat qui n’a pas pour finalité le bien-être de ceux et celles qui nous entourent n’a pas de raison d’être menée. L’Afrique est un peuple travailleur, dévoué et engagé. Car, ce sont nos pères, nos ancêtres qui ont construit l’Amérique, qui ont construit et combattu pour sauver la France lors des 2 Guerres Mondiales. Ne l’oublions pas. Il nous faut oser aller au charbon pour que notre indépendance soit réelle, entière avec à la clé la capacité de décider par nous-mêmes ce que nous voulons faire de notre richesse. Feu Félix Houphouët Boigny (1er Président de la Côte d’Ivoire, 1905-1993) disait : « Voyez-vous, nous sommes extrêmement patients mais des patients actifs. On peut retarder le progrès mais, on ne peut pas supprimer le progrès. Nous avons la certitude que dans 20, 30, ou 50 ans ou plus, (...) nous aurons des hommes capables de transformer nos matières premières ». C’est maintenant ou jamais que l’Afrique se doit de revendiquer le droit de prendre son destin en main. Cela passe par la création de la monnaie commune de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en 2020. Le processus est bien lancé. Mais ce qui bloque, comme l’a souligné le Président Nana Akufo Addo du Ghana, lors d’un entretien accordé à des médias français, c’est cette relation du Franc CFA qui lie certains pays africains à la France. Cela sous-entend que la France n’est pas étrangère à la lenteur de la mise en œuvre de cette monnaie commune. Or, si la CEDEAO a sa monnaie commune, ce sera le début du déclic de l’avènement de la monnaie commune africaine. Avec le Maroc qui frappe à la porte de la CEDEAO, ce regroupement régional sera le plus puissant en Afrique. Et, c’est ce qui fait peur à la France. Les grandes nations ont bâti leur réussite sur le sacrifice de leurs enfants, et c’est en Afrique que je constate que des intellectuels sont capables de s’autoflageller pour des miettes. Ayons l’intelligence de voir plus loin que le bout de notre nez. L’Afrique réussira si ses enfants que nous sommes ont le courage d’éviter de se faire manipuler et s’engagent à aller résolument et rapidement à la monnaie commune, pas seulement de la CEDEAO mais de l’Afrique entière. Cela est possible. Il faut y croire. N’oublions pas l’histoire où tout le monde croyait que cela était impossible, jusqu’au jour où il se trouva quelqu’un pour prouver que cela était bien possible. N’ayons pas peur d’avoir notre propre monnaie. N’ayons pas peur de faire le saut dans l’inconnu, car la peur de l’échec mène à l’échec. « Je continue de me battre pour faire comprendre à nos amis européens que si lutte finale il y aura, elle ne sera pas avec des fusils mais, essentiellement économique. Il y va de la survie de l’Europe et de la vie de l’Afrique. Et, l’Europe n’a pas de matières premières », dixit Félix Houphouët Boigny. Comprenne qui pourra.

Source : http://www.lenouvelafrique.net/pg.php?id_news=1394