Article publié le 2019-02-21 par Christine Haguma Diaspora
Comment encourager les jeunes africains vivant à l'étranger à créer des entreprises ? L'Union Africaine propose une fédération de la diaspora africaine

Encourager et faciliter la création d'entreprises par les jeunes de la diaspora africaine. Vers une croissance inclusive, accélérée et le développement durable.» Tel était le thème développé à l'atelier organisé par l'Union Africaine, le 4 octobre à l'hôtel Châtelain, à Bruxelles.

Dans son allocution d'ouverture de l'atelier, S. E. Mr. L'ambassadeur Awad Sakine Ahmat, Représentant Permanent de l'Union Africaine à Bruxelles a insisté sur la nécessité d'un cadre de concertation de toute la diaspora africaine. Il a proposé la création d'une fédération de la diaspora africaine avec ses différentes composantes qui pourraient constituer des chevilles ouvrières jouant le rôle d'impulsion de projets. En invitant les participants à un échange convivial, le représentant de l'union Africaine les a exhortés à faire des recommandations claires qui pourraient être relayées à travers le département en charge de la diaspora auprès de la Commission de l'Union Africaine.

De plus, il a rappelé que l'Afrique est un continent d'avenir avec 60% de jeunes et que l'agenda 2063 est un plan très ambitieux pour la jeunesse. Il a déclaré qu'il était prêt à accompagner et à prendre en compte les orientations de la diaspora. Mais celle-ci doit être structurée. Le représentant de l'Union Africaine a besoin de la diaspora, et particulièrement de la jeunesse pour agir, a-t-il affirmé.

Présidé par l'Union Africaine, l'atelier était modéré par S. E. Dr. Daniel Emery Dede, ambassadeur de la République de Centrafrique à Bruxelles, qui remplaçait S.E Mr Daniel Evina Abe’e. ambassadeur du Cameroun et doyen du corps diplomatique qui était à l'étranger. S. E. Dr. Daniel Emery Dede a lu l'allocution de son homologue absent qui peut être résumée ainsi: la diaspora mérite d'être davantage valorisée et structurée. La jeunesse de la diaspora a apporté une contribution intense et fructueuse au résultat du 5ème Sommet Union Africaine - Union Européenne qui s'est tenu à Abidjan, l'année dernière. L'engagement indéfectible manifesté par la diaspora en faveur du développement de l'Afrique interpelle chaque pays pour fournir l'appui nécessaire et pour préparer un environnement favorable aux investissements en tenant compte de la diaspora.

De jeunes entrepreneurs à la loupe

Par ailleurs, le thème de l'atelier principal a été illustré par la présentation d'expériences personnelles. Deux jeunes entrepreneurs de la diaspora congolaise de Belgique ont présenté des sociétés qu'ils ont implantées à Kinshasa. Harrison Disiz Mandaka, co-fondateur de la Société Batela Car et Jose Zefu Kimpalou, co-fondateur de WapiMed S.A.R.L. D'autre part, Grâce Igandu Mwaniki , originaire du Kenya, a présenté le projet 1bank4all, développé par Christian Heyner. L'atelier portant sur la formation professionnelle et l'innovation était animé par Marie-Charlotte Ngonde, d'origine camerounaise et co-fondatrice de la Renaissance Africaine A.S.B.L. Tandis que Karim Saafi, d'origine tunisienne, cofondateur de African Diaspora Youth Forum in Europe était chargé d'animer l'atelier sur la modélisation d'affaires.

A travers WapiMed S.A.R.L, José Zefu Kimpalou a lancé une plateforme digitale de géolocalisation des prestataires des soins afin de contribuer à les mettre en contact avec les patients de manière aisée. Il permet aussi de payer les prestations médicales avec MEDPay. Il offre, ainsi, aux membres de la diaspora congolaise, le service de paiement en ligne, les services bancaires mobiles et la carte de paiement pour leur permettre d'envoyer l'argent directement aux prestataires de soins de santé afin d'apporter l'aide médicale aux membres de la famille qui vivent au pays. Avec ce système, l'expéditeur des fonds peut vérifier l'utilisation réelle de l'argent auprès des prestataires des soins.

En contrepartie, la société demande une commission de 8% pour l'envoi des fonds. Celle-ci est moins élevée par rapport à celle de 12% demandée par Western Union. Avec le développement technologique, un réseau de compétences s'est tissé pour relever le défi des soins de santé dans un pays qui est classé parmi les moins bien couverts par une mutuelle de santé. Les patients qui n'arrivent pas à honorer leurs factures de soins de santé sont souvent retenus à l'hôpital aussi longtemps que les proches n'ont pas pu régler la facture.

De succès en financement

Concernant le financement, la “start-up” fonctionne sur fonds propres mais elle a également participé au programme Tony Elumelu pour l'entrepreneuriat qui lui a octroyé une subvention de 5000 USD en 2017.

WapiMed est prête à exporter cette solution ailleurs. Elle vise le marché africain. De surcroît , elle a déjà enregistré des prestataires de soins dans d'autres pays d'Afrique, notamment au Sénégal, en Côte-d'Ivoire et au Cameroun.

Quant à Harrison Disiz, il a décidé d'offrir une solution au transport kinois avec la société Batela Car. Kinshasa est une grande ville où la majorité d'habitants circulent en transport en commun. Moins de 10% de personnes possèdent un transport personnel. Malgré ce besoin crucial, rares sont des entrepreneurs qui investissent dans le transport. L'opacité, le manque de moyen de contrôle, l'insécurité, la megestion constituent des obstacles au développement de ce secteur. La plupart du temps, les propriétaires des véhicules confient le transport aux chauffeurs qui leur remettent en contrepartie des versements d'argent sur les courses réalisées. Mais les résultats escomptés sont souvent maigres ou inexistants.

C'est pourquoi Batela Car a décidé d'apporter des outils de gestion des flottes de véhicules. Cette société s'articule autour de quatre piliers: technologie, sécurité, psycho-sociologie et gestion. Au niveau technologique, elle installe une balise dans le véhicule qui permet de suivre l'itinéraire en temps réel. Le carburant consommé, l'heure, le lieu, la quantité consommée constituent autant d'informations que la société envoie aux propriétaires des flottes de véhicules à la fin de la journée par mail ou par Whatsapp.

Souvent, les chauffeurs sortent de la ville pour charger des marchandises dans la périphérie de Kinshasa car ces opérations rapportent davantage. Mais cette surcharge des courses abîme considérablement les véhicules. La société Batela Car établit alors une géo frontière en délimitant le périmètre du véhicule. Une fois celui-ci franchi, elle avertit le propriétaire.

Sécurité garantie

Sur le plan sécuritaire, à partir de ses bureaux, Batela Car peut immobiliser le véhicule à distance et avertir la police en cas de vol. La société répond également aux facteurs psycho-sociologiques qui amènent les chauffeurs à se comporter de la sorte. Ces derniers travaillent le plus souvent sans contrat de travail. Ils ne sont donc pas à l'abri de licenciement abusif. La société apporte la sécurité à l'emploi avec un contrat de travail, un plan de carrière avec des formations et une meilleure rémunération pour motiver les chauffeurs à travailler correctement. Batela Car aide également les propriétaires des véhicules à la gestion. En contrepartie de ses prestations, elle prélève une petite commission sur le versement des chauffeurs. En définitive, Batela Car vise la professionnalisation du secteur.

Ces initiatives de la diaspora africaine ont suscité des réactions parmi les participants. Comment dupliquer ces expériences dans d'autres pays africains qui connaissent la même problématique? En tous les cas, les jeunes sociétés souhaitent une expansion de leurs activités.

Chargés de Communication et Marketing pour 1bank4all, Grâce Mwaniki et Christian Heyner, initiateurs du projet ont présenté l'entreprise. L'objectif est de créer une banque sociale, éthique et écologique. Une banque en ligne qui serait accessible à tout le moment et partout au monde. La banque vise à résoudre les problèmes sociaux pour tous. Elle compte offrir des transferts d'argent à bas prix au niveau international. Elle se fixe comme objectif de faciliter l'accès aux services financiers pour tous types d'entreprises et de particuliers.

La Renaissance Africaine A.S.B.L, cofondée par Marie-Charlotte Ngonde, est une association panafricaine composée de femmes qui se sont fixées comme mission de structurer les projets de la diaspora africaine et d'accompagner des jeunes qui veulent entreprendre. A travers leurs initiatives, elles font la promotion du leadership de la jeunesse africaine. Elles ont notamment réuni des porteurs de projets originaires d'Afrique subsaharienne venus de différents pays d'Europe. Elles voudraient que les initiatives des membres de la diaspora perdurent dans le temps.

Valoriser les talents

Pour valoriser les talents de la diaspora africaine, cette association organise différentes activités, chaque année. Des réunions mensuelles avec des entrepreneurs expérimentés, des «awards», des opportunités pour les entrepreneurs de «pitcher» leurs projets ainsi que des réunions très pratiques. Depuis plus d'un an, elle a réuni plus de cinq cents personnes à travers neuf événements. Elle permet ainsi aux participants de faire des networkings afin de rencontrer d'autres personnes qui partagent les mêmes valeurs et de pouvoir travailler ensemble.

Persuadée qu'un réseau d'entrepreneurs africains en Belgique est possible si la diaspora africaine se dote d'une structure et qu'elle travaille en synergie, la cofondatrice de la Renaissance Africaine participe à l'accompagnement de dix entrepreneurs qui suivent le programme de manière intensive pour passer de l'idée de projet au projet. Cette formation permet aussi aux participants de se mettre en situation où ils développent une certaine connaissance d'eux-mêmes. Elle coûte 400 euros pour une durée d'une semaine. Marie Charlotte Ngonde a demandé aux représentants de l'Union Africaine et des pays membres comment ils pourraient soutenir des jeunes entrepreneurs qui souhaitent se former sans devoir se ruiner.

Issue de la Renaissance africaine, Afropreneur est une plate forme de la diaspora africaine en Belgique qui forme des jeunes de cette diaspora qui veulent entreprendre en Europe ou en Afrique. Afropreneur Award est un événement de prestige que l'association a organisé pour la première fois en mars de cette année et qui a réuni 200 personnes à Bruxelles. Ce sont des personnes qui ont présenté leurs projets et qui ont démontré comment elles allaient apporter de la valeur. Des personnalités africaines ont été invitées pour témoigner mais également pour constater un élan d'entrepreneuriat dans la communauté.

Quelques partenaires ont cru dans l'association, comme Accenture; une multinationale qui a octroyé le financement et Microstart qui a fourni des micro crédits et des locaux. Marie-Charlotte Ngonde a aussi demandé à l'Union Africaine et aux ambassades si elles peuvent mettre des locaux à la disposition des personnes qui souhaitent se former pour entreprendre.

Le plus vaste forum d’entrepreneuriat de la diaspora

En outre, «African Diaspora Youth Forum in Europe» est le plus vaste Forum d'Entrepreneuriat de la diaspora africaine en Europe. Ce Forum a pour objectif de libérer le potentiel de la jeunesse pour l'emploi et pour l'entrepreneuriat en vue du développement. Il offre notamment aux jeunes entrepreneurs de la diaspora africaine l'opportunité de rencontrer des grandes sociétés, des décideurs politiques et des potentiels investisseurs lors des conférences de haut niveau auxquelles ils participent. Un certain nombre de projets se sont établis par ce biais.

Lors de l'atelier que Saafi animait, il a invité tous les participants à réfléchir aux solutions après avoir scindé la salle en deux groupes représentant deux usines distinctes qui reçoivent les mêmes matières premières du même fournisseur et qui sont situées dans un même village. Mais, cette fois-ci, les matières premières ne sont suffisantes. Que faire? Des solutions solidaires, alternatives et autres ont été préconisées. Le rôle des infrastructures et du renouvellement des ressources ont été également évoqués.

Le représentant de l'Union Africaine a conclu l'atelier en invitant la diaspora et la jeunesse à créer des synergies pour développer des projets aussi bien à l'extérieur que sur le continent. Il a insisté sur la nécessité d'une organisation faîtière de la diaspora qui permettrait à ses succursales de porter des projets. Il a invité la diaspora et les jeunes tout particulièrement à présenter des actions concrètes afin que les prochaines rencontres soient consacrées aux évaluations. Il a également évoqué la possibilité d'un grand sommet de la diaspora, y compris des jeunes qui se retrouveraient sur le continent. Enfin, il a souligné l'importance du Magazine. Le Nouvel Afrique qui présente un regard positif sur l'Afrique.