Article publié le 2019-02-21 par Souleymane KANAZOE Société
Bassin du fleuve Congo - Ce patrimoine que nous devons préserver coûte que coûte
Kinshasa, RD Congo et le fleuve Congo. Par MONUSCO Photos — CC BY-SA 2.0

Le bassin du fleuve Congo est la deuxième réserve forestière humide après celui de l’Amazonie. Mais ce gigantesque piège à CO2 serait en danger selon les experts en charge des questions environnementales. Dans un écrit, François Soudan revient sur les enjeux de la sauvegarde de cet important patrimoine africain.

En plein cœur de l’Afrique, le bassin de la rivière Congo d’une superficie estimée à 520 millions d’hectares est un écosystème marin et forestier comprenant les territoires de la République démocratique du Congo (RDC), la République du Congo, le Cameroun, la République centrafricaine, la Guinée équatoriale et le Gabon. Avec ses 4 700 kilomètres de longueur, le bassin du Congo est le 8e plus long fleuve du monde, second au monde par son débit soit 80 832 m3/s maximum, et le second plus long fleuve d’Afrique après le Nil. Considéré à juste titre comme le deuxième poumon de la terre après la forêt amazonienne, c’est un grand réservoir de biodiversité. Mais hélas, ses forêts sont victimes d’une exploitation abusive et ses espèces animalières souvent menacées d’extinction.

Cet immense patrimoine fera l’objet d’un sommet des seize chefs d’État d’Afrique centrale et de l’Est, plus le Roi du Maroc, fin avril 2018 à Brazzaville. Les échanges devraient porter sur le rôle du bassin du Congo dans l’équilibre climatique de la planète. Dans son éditorial, François Soudan, directeur de la rédaction de Jeune Afrique affirme que le bassin du Congo constitue un extraordinaire poumon du globe terrestre qui mérite toute notre attention. Selon lui, lorsque les côtes du golfe de Guinée reculent chaque année un peu plus du fait de l’érosion, que les pluies hors saison font s’effondrer des quartiers entiers de Kinshasa, de Luanda voire de Monrovia, lorsque l’avancée du désert multiplie les conflits armés entre agriculteurs et éleveurs tout le long de la bande sahélienne, offrant au jihadisme un terreau fertile, il y a matière à réfléchir sur le devenir de notre planète et sur le rôle primordial que joue le bassin Congo. « Ici se concentre près du quart des forêts tropicales du monde, plus de la moitié des espèces terrestres végétales et animales connues, une biodiversité halieutique unique », souligne François Soudan. Et d’ajouter que si l’on n’y prend garde, il y aura une bombe à retardement en mesure d’asphyxier la moitié de la planète : la tourbière. Une zone humide caractérisée par l'accumulation progressive de la tourbe, un sol caractérisé par sa très forte teneur en matière organique, peu ou pas décomposée, d'origine végétale.

Elle serait à cheval sur la frontière entre les deux Congo avec comme fonction : celle de capturer en son sein, trente gigatonnes de carbone, soit l’équivalent de quinze à vingt ans d’émissions toxiques de CO2 des États-Unis, note François Soudan. Il estime que la protection de cette tourbière s’avère importante car c’est la plus vaste au monde et elle est vitale pour l’humanité. « La protéger et empêcher que son assèchement, déjà envisagé côté RD Congo par quelques prédateurs pétroliers, n’aboutisse à la libération dans l’atmosphère d’une couche toxique dévastatrice sont considérés par les Nations unies comme une priorité écologique absolue », écrit François Soudan.

Le bassin du Congo à la merci de « prédateurs »

Mais il s’inquiète des prédateurs. L’avenir des forêts du bassin est menacé par le commerce illicite du bois, le braconnage des animaux, la présence ou l’apparition de maladies tel le virus d’Ebola. Ces exploitants forestiers qui avec le soutien tacite des dirigeants et au nom de l’idéal économique, exploite à fond nos forêts (bois précieux, pétrole, extraction minière). Et pour cause, la grande forêt du bassin du Congo a perdu 700 000 ha entre 2000 et 2010, presque autant de 2010 à 2018. Les lois et les textes réglementaires existent dans chaque pays, reste maintenant leur application. « En termes de dégradation des ressources forestières du monde, il y a un vide. Chaque année, 14 millions d’hectares de forêts disparaissent. Celles du bassin du Congo ne sont pas en reste », estime M. Jean Prospère Koyo, expert à la FAO. Pour le directeur général de la FAO, Jacques Diouf, le bassin du Congo enregistre chaque année, une perte de 934 000 hectares de forêts.

C’est en cela que François Soudan salue la tenue prochaine de la réunion des chefs d’Etat du bassin du Congo plus le Maroc. Il fonde l’espoir que d’importantes résolutions en sortiront afin de préserver durablement ce patrimoine africain sinon mondial.

Irinnews rappelle que la forêt au sein du bassin du Congo, représente à elle seule près de 200 millions d’hectares, soit 38,4% de la superficie du bassin. C’est donc 30% de la couverture végétale du continent africain qui s’y trouve et 19% des forêts tropicales du monde. Ces forêts disposent de produits ligneux et non-ligneux. Dans ce gigantesque réservoir, 10 000 espèces végétales ont été identifiées, dont environ 3 000 sont endémiques. Le bassin du Congo représente également 440 000 hectares de plantations forestières dominées pour l’essentiel par des essences à croissance rapide tels les eucalyptus et les pins. Dans l’ensemble, les forêts du bassin renferment environ 400 espèces de mammifères, 1086 espèces d’oiseaux, 216 espèces d’amphibiens, 280 espèces de reptiles et plus de 900 espèces de papillons. Le bassin est habité par 80% des gorilles de savane. Quelque 4 000 éléphants et 9 000 chimpanzés y ont été inventoriés. « Ce cheptel est peu connu. Les inventaires ne sont pas fréquents », affirme un expert de Greenpeace, une ONG internationale de protection de l’environnement.