Article publié le 2016-08-16 par Souleymane Kanazoé Société
La SNC de 1983 à nos jours - Vitrine de promotion des identités et expressions culturelles [05-2016]
Thomas Sankara, septembre 1986, à Harare. © AFP PHOTO DOMINIQUE FAGET

La Semaine Nationale de la Culture (SNC) a été portée sur les fonts baptismaux en 1983 par l’État burkinabè afin de placer la culture au centre des enjeux du développement. Retour sur l’histoire de cette biennale culturelle qui, en 33 ans d’existence, a révélé de nombreux talents artistiques, contribuant ainsi au rayonnement du Burkina Faso.

Tel un bébé applaudi par le cercle de famille, la SNC est venue au monde un jour de l’année 1983, au tout début de la Révolution, au bonheur des autorités burkinabè qui ont œuvré à l’accouchement. Instituée par feu le capitaine Thomas Sankara, la manifestation qui vise essentiellement la promotion de la culture burkinabè dans toute sa diversité, fait son petit bonhomme de chemin. Dans cette dynamique, l’on se retrouve cette année 2016, à la 18e édition qui s’est tenue du 26 mars au 2 avril 2016 à Bobo-Dioulasso, sous le thème : « Culture et cohésion nationale ».« C’est un thème qui sied au contexte actuel, parce qu’il vise à nouer la réflexion sur un aspect spécifique de la culture. Comme vous le savez en 2014 et en 2015, le Burkina Faso a traversé des périodes assez difficiles et nous avons identifié, après des concertations, un thème que pensons être assez porteur », affirme le directeur général de la SNC, Sidi Traoré.

Avant d’avoir résisté au temps et vieilli un peu, l’événement culturel a connu des hauts et des bas, tout comme un individu à la recherche de ses marques. Tenue à Ouagadougou, dans une effervescence certaine, du 20 au 30 décembre 1983, l’édition-pilote avait regroupé 2000 artistes tant au volet festival qu’en compétitions dans les arts du spectacle, les arts plastiques et la littérature. Dès lors, la manifestation avait suscité de l’engouement auprès des populations et des artistes, se positionnant ainsi comme un rendez-vous culturel avec lequel, il faudrait désormais compter.Un an plus tard, soit en décembre 1984, va intervenir la seconde édition de la SNC, avec cette fois-ci comme ville hôte, Gaoua. « La Cité du Bafoudji » deviendra en l’espace d’une semaine, un carrefour culturel. Cette 2e édition, placée sous le signe de la réalisation d’infrastructures et du désenclavement, a contribué à changer un tant soit peu la physionomie de la capitale de la région du Sud-Ouest.

En effet, une salle de spectacles et des infrastructures d’accueil ont été construites, sans oublier l’ouverture de routes, la construction d’un aérodrome et la création d’une radio régionale. En 1985, la SNC a connu une pause, étant donné que les autorités voulaient lui donner une nouvelle orientation. C’est en cela qu’au cours de ladite année, un séminaire national a eu lieu à Matourkou, à quelques encablures de Bobo-Dioulasso, sous la responsabilité du Secrétaire permanent (SP) de la SNC d’alors, Prosper Kompaoré. Les participants à cette rencontre s’étaient penchés sur la périodicité de la manifestation et son contenu artistique.

Au terme des réflexions, des résolutions ont été prises. Il s’agit notamment de la tenue de la manifestation les années paires et de manière tournante, de la redéfinition des disciplines en compétition et de la recherche des stratégies de valorisation du volet festival. Du reste, c’est à la lumière de ce séminaire que la 3e édition de la SNC s’est déroulée en 1986 à Bobo-Dioulasso où elle a connu un succès avec l’« inoubliable » carnaval de plus de 500 masques.

Des groupes célèbres tel le « Théâtre Daniel Sorano » de Dakar avaient également marqué la SNC 86 d’une pierre blanche par leur participation. La SNC va devenir alors une biennale. La 4e édition se tient simultanément dans deux villes, Koudougou et Réo, avant de marquer son retour en 1990, à Bobo-Dioulasso où elle va se sédentariser jusqu’à nos jours.

Une manifestation culturelle qui fait la renommée du Burkina Faso

De fil en aiguille, la SNC va prendre une envergure institutionnelle avec la construction dans la ville hôte, de son siège qui sera inauguré en 2000, lors de la 10e édition. Si jusque-là, la manifestation s’est toujours déroulée sans couacs, ce ne sera pas le cas en 2002, à la 12e édition.La veille, une foire commerciale, introduite pour la première fois, va connaître des imprévus. Un incendie, provoqué par un court-circuit dû à des branchements électriques « pirates », a ravagé 46 stands d’exposition de textile et de produits de la pharmacopée traditionnelle. Le sinistre avait occasionné la perte de plusieurs millions de F CFA. Hormis ce cas malheureux, la SNC 2002 à laquelle le célèbre groupe ivoirien « Magic System » avait pris part, a été celle des innovations majeures. Parmi celles-ci figurent l’institution du principe de parrainage, l’organisation d’un carnaval géant à l’ouverture officielle et la création de plateaux Off.

Et au sujet du parrainage, retenons que le premier parrain de l’histoire de la biennale est Adama Fofana, alors conseiller spécial du président du Faso et ancien ministre chargé des Relations avec le Parlement. Suite à cela, il y a eu les éditions de 2004, 2006, 2008, 2010, 2012 et 2014. L’édition 2016 dont les portes se sont refermées le 2 avril dernier, est la première SNC post-transition et post-insurrection avec un nouveau président : Roch Christian Kaboré. Elle a réuni environ 1300 compétiteurs et des milliers de festivaliers. Comme en 2002, des stands ont été ravagés par un incendie (des94 magasins qui ont été touchés et aucune victime humaine n’a été pour le moment signalée) dont l’origine n’a pas encore été élucidée. D’édition en édition, la SNC s’est donc construite, s’imposant maintenant comme l’une des manifestations culturelles qui fait la renommée du pays des hommes intègres.

Et ce succès, la SNC le doit avant tout à son contenu riche de plusieurs activités. L’on peut noter la foire commerciale, les spectacles du Grand prix national des arts et des lettres (GPNAL), les compétitions en art culinaire, en littérature, en arts plastiques et en sport (lutte et tir à l’arc). À cela s’ajoutent entre autres, des conférences publiques, des plateaux Off et le village des communautés étrangères. Des activités qui, comme l’a démontré l’expérience, permettent aux Burkinabès de vivre pleinement leur culture, tous les deux ans.

« Je voudrais que la SNC constitue un bouclier résistant contre l’impérialisme culturel étranger qui nous impose des visions et des pratiques contraires à nos valeurs », a lancé le ministre de la culture, Tahirou Barry à la cérémonie de clôture de la manifestation. Avant de dévoiler les dates prochaines de la SNC : du 24 au 31 mars 2018.

Quelles ont été les innovations de l’édition 2016 de la SNC ?

Selon le directeur général de la SNC, Sidi Traoré,des innovations ont été apportés à la SNC 2016 parce que depuis sa création en 1983, les missions de la SNC n’ont pas fondamentalement évolué, alors que l’environnement a beaucoup évolué. L’environnement institutionnel, politique et économique ayant changé, il s’agira de faire en sorte que la SNC puisse s’adapter à cette évolution, et évidemment, cultiver toutes les valeurs qui sont sorties de l’insurrection de cette transition.

Le premier volet des innovations, c’est la professionnalisation des acteurs culturels. À ce niveau, il a été introduit des dispositions dans le règlement, afin que les différents groupes artistiques qui participent à la compétition en arts de spectacle puissent se spécialiser. « Avant, nous avions des groupes qui pouvaient prendre part à la compétition dans deux, trois, quatre, voire cinq disciplines, question de maximiser leurs chances de remporter un prix. Alors, nous nous sommes dit qu’il fallait que les groupes aillent vers la spécialisation pour développer au mieux leurs talents dans une discipline donnée », a indiqué M. Traoré. À cela, il y a eu une valorisation des prix. Les prix sont passés de 750 000 FCFA à 1 000 000 FCFA.

Le second volet, c’est la promotion : nous avons réédité le marché des arts pour faire en sorte que les promoteurs culturels nationaux et étrangers viennent découvrir nos artistes, et que cela débouche sur des contrats de prestations artistiques, a ajouté Sidi Traoré.

Le 3è aspect des innovations, c’est essentiellement lié au site et à la programmation des activités. Il y a certains lieux d’activités qui ont changé. Notamment le village des communautés qui se tenait sur l’esplanade de la mairie centrale de Bobo, du fait de son état et de son exiguïté, a été délocalisé sur un autre site. Il en est de même pour le démarrage de la compétition qui a eu lieu le premier jour, pour permettre à certains jurys d’avoir deux jours entiers pour délibérer.

Source : www.snc.gov.bf