Article publié le 2014-10-19 par Par Alexandre Korbéogo Dossier
L’aquaculture / Là où le poisson rejoint la culture [10/2014]
Aquaculture à Rotalgen, Zanzibar, Tanzanie © Leyo - Creative Commons Attribution-Share Alike 2.5

Avec l’évolution de la science, l’on a découvert qu’il est possible d’élever du poisson en cultivant en même temps. Le système a fait son entrée en Afrique et de nombreux pays s’y sont mis avec des fortunes diverses.

Cultiver du riz en élevant du poisson en même temps soit dans le même temps ou soit dans des étangs différents est devenu une réalité sous nos tropiques. Sous l’appellation de rizipisciculture, l’on intègre le riz à l’élevage du poisson. Dans le cas de la rizipisciculture, l’intégration de l’irrigation et de l’aquaculture implique l’association de deux systèmes agricoles, soit sur le même terrain, soit sur des terrains adjacents où les dérivés d’un système sont utilisés comme intrants par l’autre. Le but est d’augmenter la productivité de l’eau, de la terre et des ressources qui y sont liées tout en contribuant à une plus grande production de poissons. Le système d’intégration peut être plus ou moins complet selon le plan général des rizières irriguées et des étangs piscicoles. L’étang peut être localisé soit en amont des terrains irrigués (dans ce cas, le terrain est fertilisé avec l’eau de l’étang), soit sur le même terrain (la symbiose est alors complète), ou encore en aval du terrain irrigué (la pisciculture a alors lieu dans l’eau de drainage provenant du terrain irrigué). Cependant, l’intégration de l’irrigation et de l’aquaculture n’est pas limitée à la rizipisciculture. De petits réservoirs de stockage dans les plans et les canaux d’irrigation peuvent être utilisés pour l’élevage de poissons en cages ou en enclos.

Un secteur de plus en plus développé

L’aquaculture est un secteur de plus en plus développé en Afrique. Elle permet la croissance économique des pays en développement et permet de lutter contre la pauvreté. Le développement de l’aquaculture dans le continent permettra donc d’atteindre l’autosuffisance alimentaire et de créer des emplois. Ce qui va freiner l’exode rural, la délinquance juvénile par le biais d’un encouragement à l’initiative privée. Le continent doit surtout développer l’aquaculture industrielle et commerciale. C’est pourquoi un programme de développement de la pisciculture a été lancé au Sénégal afin de créer des Petites et Moyennes Entreprises. Cela permettra d’améliorer la situation en matière d’approvisionnement nutritionnel et de garantir une production de 150.000 tonnes de poisson d’ici à 2015 dans le pays. Quant au Gabon, il a décidé de réhabiliter les centres de pêche ou de construire des unités de productions spécialisées sans oublier la formation des ressources humaines pour développer son aquaculture. Le développement de l’aquaculture en Afrique doit enfin passer par le financement des besoins en investissement, l’amélioration des capacités des opérateurs renforcé par une suivie technique et organisationnel et un appui à la commercialisation. Toutes ces actions si elles sont bien coordonnées constitueront une réponse à la crise alimentaire et permettront de garantir la sécurité alimentaire et la protection sociale.

Comparaison n’est pas raison

L’aquaculture commerciale contribue également à la sécurité alimentaire en milieu urbain en créant des emplois, et par conséquent des revenus, permettant d’acheter des aliments. Au Chili, les fermes d’élevage de saumon emploient 30 000 personnes dont la majorité vit dans des villes isolées du sud (Infante, 1999). Au niveau mondial, l’élevage commercial de crevettes emploie près d’une personne par tonne produite, soit environ un million (Globefish, 1999). Le nombre d’emplois est même plus élevé quand on considère les effets multiplicateurs. Indirectement, l’aquaculture commerciale crée des emplois dans les secteurs annexes. Une estimation brute du coefficient multiplicateur d’emplois est d’un emploi indirect pour deux emplois directs dans le cas d’élevage de saumon. Sur les 30 000 emplois au Chili, un tiers sont des activités auxiliaires (Infante, 1999). Dans le cas des élevages de crevettes au Sri Lanka, on estime qu’un emploi indirect vient d’un emploi direct (Siriwardena, 1999). Aux États-Unis, les emplois directs dans la production et la transformation ne représentent que 10% des emplois du secteur (Dicks et al., 1996). Le secteur de la distribution, du détail et des services représente les deux tiers des emplois, auxquels il faut ajouter 22 pour cent dans les activités en aval. Dans l’ensemble, le coefficient multiplicateur est estimé à 3,3 aux USA (Dicks et al., 1996). Hishamunda (2000c) estime ce coefficient à 1,4 dans les élevages de crevettes à Madagascar.

Les emplois en aquaculture commerciale sont relativement bien rémunérés. La recherche du profit maximum pousse les fermes commerciales à employer et conserver la main-d’œuvre seulement lorsqu’elle est justifiée par une augmentation de la production. Les entreprises paient la main-d’œuvre salariée la valeur de son produit physique marginal. Comme les ouvriers sont en concurrence pour garder leur emploi ou obtenir des salaires plus intéressants, le ratio production-travail ou productivité du travail aura tendance à être plus élevé sur les fermes commerciales. En conséquence, les salaires payés sur les fermes commerciales sont-ils plus élevés que les salaires imputés ou la valeur du produit physique moyen sur les fermes non commerciales. C’est le ratio production-travail qui dicte les conditions de vie et finalement le niveau de diminution de la pauvreté.