Article publié le 2014-10-19 par Par Alexandre Korbéogo Dossier
L’agrobusiness / Une nouvelle façon de promouvoir l’agriculture [09/2014]
Port d'Abidjan, Cote d'Ivoire © Romain Seaf

Faire du business par le canal de la production agricole, voici la nouvelle trouvaille des producteurs africains. Doté d’espaces cultivables à souhait, l’agrobusiness prend de la proportion au fil des ans dans de nombreux pays. Décryptage.

La chose la mieux partagée par l’agriculture africaine est l’agrobusiness de nos jours. Le Larousse le définit comme l’ensemble des activités et des transactions en relation avec l'agriculture et les industries agroalimentaires. Les pays africains ont fait de la conquête de ce secteur leur cheval de bataille. On parle que d’agrobusiness de Johannesburg au Caire en passant par Dakar, Ouagadougou, la RD Congo. Au vu de l’engouement suscité par cette nouvelle forme de faire du business à travers l’agriculture, les géants économiques du monde agricole sur le plan mondial a jeté leur dévolu sur le continent. À ce propos le site économique de Jeune Afrique se posait la question de savoir si l’agro-industrie ne deviendra pas le futur terreau de la prospérité africaine. Et d’y répondre : « C'est possible, à condition que le continent lève les derniers obstacles en termes de production, d'infrastructures et d'énergie. Mais déjà, les investissements affluents et les usines se multiplient.» La note d’espoir est en train de se concrétiser avec de nombreux projets dans ce sens. Celui de Bagrépôle au Burkina Faso est pertinent en la matière. Ce projet tel que présenté, est l'un des plus grands projets de développement hydro agricole et hydroélectrique du Burkina Faso. Il concerne la moyenne vallée du Nakanbé sur près de 90 km de long. Le projet porte sur l’intensification, la sécurisation et l’accroissement de la production agro-sylvo-pastorale, halieutique et touristique par la valorisation durable des ressources naturelles pour un développement socio-économique de la zone du Projet et à l’échelle nationale.

Voir les choses en grand

Le projet Bagrépôle vise à voir les choses en grand dans le domaine de l’agriculture. Il incite les producteurs à dépasser le stade de l’agriculture de subsistance pour tourner le regard vers celui des affaires dans le domaine agricole. À ce titre Bagrépôle représente l’existence d’un potentiel irrigable de 50.000 hectares dont 7 400 hectares par gravitation ; la présence de plus de 10 000 ha de bas-fonds ; la possibilité de production rizicole en double campagne voire triple campagne annuelle, selon les variétés utilisées. En outre, Bagrépôle vise une production agricole de 450.000 tonnes pour un nombre de 250.000 personnes bénéficiaires, avec la création de 30.000 nouveaux emplois sur l’espace de 50.000 hectares de terres aménageables. À travers l’Afrique, d’autres projets structurants ont vu le jour. En témoigne celui d’une partie de l'industrie agroalimentaire mondiale, dont General Mills, Cargill et DSM, qui lançait alors une organisation à but non lucratif baptisée Partners in Food Solutions. Objectif : travailler avec une quinzaine d'acteurs africains au Kenya, en Zambie, en Tanzanie et au Malawi, et aider par ricochet 60 000 agriculteurs. Dans les cinq ans, l'organisation ambitionne d'appuyer 200 entreprises et 1 million d'agriculteurs dans quatorze pays du continent.

Un gigantesque potentiel à exploiter

Ce mouvement est parti d'un constat sur lequel s'accordent la plupart des industriels de l'agroalimentaire, selon les 121 cadres supérieurs du secteur interrogés par le cabinet d'avocats Norton Rose. «Notre étude met en exergue le gigantesque potentiel de l'Afrique en tant que source de produits alimentaires et agricoles à long terme », analysait Glenn Hall, associé, lors de la publication de l'enquête le 20 mars. D'après Martin McCann, responsable des activités infrastructures, mines et matières premières au sein du même cabinet, « l'Afrique va devenir un acteur aussi incontournable et important que le Brésil au cours des dix prochaines années ». Dans son rapport « L'agrobusiness au secours de la prospérité de l'Afrique », l'Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI) explique : «L'environnement mondial actuel offre la possibilité aux pays africains de diversifier leurs économies. Dans ce contexte, l'agrobusiness représente un vecteur important de développement économique durable. Les expériences du Brésil, de la Malaisie et de la Thaïlande illustrent combien les choix politiques sont essentiels pour renforcer la prospérité économique à travers le développement de l'agro-industrie. Les pays africains sont bien positionnés pour tirer profit de ces enseignements.» Selon Victor Famuyibo, directeur des ressources humaines pour Heineken au Nigeria, « l'avenir est ici ». « Je ne dis pas cela parce que je suis Africain, mais parce qu'il me semble que l'Afrique est prête à prendre le relais de l'Asie en termes de croissance », ajoute-t-il.

Selon l'ONUDI, « les activités liées aux ressources, en amont, et les activités de transformation, en aval, ainsi que la distribution et la commercialisation représentent près d'un cinquième du PIB de l'Afrique subsaharienne et pratiquement la moitié de la valeur ajoutée de l'activité manufacturière et des services de la région ». Le continent - et l'Afrique subsaharienne (hors Afrique du Sud) en particulier - n'a pourtant pas encore levé tous les obstacles à l'industrialisation de son agriculture, notamment en termes d'infrastructures, d'énergie et d'environnement des affaires. En comparaison, la Chine a beaucoup d'avance : elle a investi dans la mise au point et l'adoption à grande échelle de variétés de semences ayant fait leurs preuves, libéralisé le marché des engrais, réformé les politiques tarifaires... «Tout cela a permis de doper la productivité agricole et a servi de tremplin à la croissance du secteur ainsi qu'à ceux de la transformation et des services », rappelle encore l'ONUDI.

Des millions d’euros investis

Du côté des entreprises privées, le mouvement semble déjà bel et bien amorcé. Ainsi, les multinationales n'hésitent plus à déverser des sommes considérables dans le but de tirer profit du milliard de consommateurs africains. Entre 2010 et 2012, le suisse Nestlé aura investi près de 850 millions d'euros pour ouvrir ou agrandir de nouvelles usines et des centres de distribution (Algérie, Angola, Égypte, Mozambique, Nigeria, Afrique du Sud...). Le singapourien Olam a lui aussi multiplié les ouvertures de sites de transformation, conformément à sa nouvelle stratégie visant à être présent de la plantation à l'assiette. Très impliqué en Côte d'Ivoire (il est actionnaire de l'huilier Sifca), où il prévoit d'investir 150 millions d'euros dans l'agro-industrie, le groupe a inauguré fin février à Bouaké, pour 26 millions d'euros d'investissement, la première de trois unités de transformation de noix de cajou ainsi qu'une usine de lait en poudre et de lait condensé sucré à Abidjan. Au Ghana voisin, Olam prévoit d'investir 340 millions d'euros dans le secteur agroalimentaire. Fin février, il inaugurait déjà une minoterie de 40 millions d'euros.

L’agrobusiness, avec le concours des investisseurs a de beaux jours devant lui en Afrique. Terrain fertile pour les investissements, il est du pain béni pour les géants du monde agroalimentaire dans le monde.