Article publié le 2014-06-10 par Jamil Thiam Culture
Entre musique, politique et actions humanitaires dans son pays [03/2014]
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En marge de la cérémonie de lancement du Compte à Rebours de la journée mondiale de la culture africaine organisée en janvier dernier à Namur dont il était le parrain, nous nous sommes entretenus avec le musicien guinéen N'Faly Kouyaté, leader du groupe Dunyakan. Dans cet entretien, le chanteur-compositeur qui développe sa musique en alliant les instruments africains et occidentaux, inspirée de la culture traditionnelle «mandingue», revient sur des questions cruciales pour lui : son nouvel album, ses actions humanitaires et la situation politique dans son pays, la Guinée. Le nouvel Afrique (LNA) : Quelles sont vos impressions suite à cet important programme culturel ?

N'Faly Kouyaté (N.K) : Représenter toutes les cultures africaines en Belgique est un grand honneur pour moi. C'est pourquoi, j'ai décidé de reporter mon voyage en Guinée dans le cadre d’actions humanitaires axées, entre autres, sur des forages au bénéfique de la population d’un village. J’incite toute la diaspora africaine francophone, néerlandophone, anglophone à aider l’Afrique en promouvant la culture africaine. Les aînés africains, les mixtes, les afro-européens ou afro-américains sont tous concernés. C'est pourquoi, j’estime ce parrainage comme étant un grand honneur pour moi.

LNA : Parlez-nous de vos projets musicaux, notamment votre prochain album ?

N.K : Je projette de sortir un album tout à fait différent de mes autres albums. Il s'intitule “Change” parce que j'en ai marre de tout ce qui se passe actuellement dans le monde sur tous les plans. Le plus grave étant la menace qui pèse sur l'écologie. Il est urgentissime que tout change maintenant. Les êtres humains sont en danger. Le premier changement doit s'opérer d’abord en soi-même. C’est comme dans un couple. Si ça ne va pas, il faut changer pour que la paix revienne et ce modus vivendi est valable pour toutes les couches sociales. C'est pour cela que mon nouvel album s'appellera “Change”. C’est un album engagé et je l’assume comme tel. J’y condamne la vente d'armes, j’y conseille les gens à faire attention au sida et aux fléaux mondiaux… Je dis aux responsables que le peuple se lèvera et ça ira mal s’ils continuent à abuser de sa confiance.

LNA : Quels sont vos rapports avec la politique?

N.K : Je ne suis pas du tout politicien. Ma politique se passe sur scène. Ma politique est que je suis derrière le peuple. A partir du 12ème siècle et jusqu'à nos jours, mes ancêtres étaient les portes-paroles du peuple. Les griots sont des porte-paroles, des gens qui osent dire la vérité aux chefs, aux populations et aux gouvernants. Dans une certaine mesure, j’assume mon rôle. Je ne veux pas être un responsable politique, je suis avec et derrière le peuple.

LNA : Quelles sont les actions humanitaires que vous développez en Guinée?

N.K : Je reviens de la Guinée qui a fêté ses 50 ans de liberté. Encore aujourd’hui, tout manque en Guinée. Le peuple guinéen souffre du manque d'eau et d'électricité et il est mal formé. J'ai jugé utile de venir en aide à mon peuple en lui apportant une quinzaine de forages et de puits mécaniques modernes afin que la population puisse avoir accès à l'eau. Un hôpital a également été érigé dans ma ville natale de Siguiri. Cela était inimaginable il y a peu de temps. Vous vous imaginez des femmes enceintes qui viennent à la maternité et qui sont obligées de se coucher sur leur propre pagne pour accoucher ? Il n y a ni lits ni aucune matière dans une grande ville de 200.000 habitants. Je me suis décidé à chercher des partenaires pour aider ce peuple. J'envisage à cet effet de procéder à l’équipement de cet hôpital.

LNA : Avez-vous des contacts avec le Président de la Guinée Alpha Condé ?

N.K : Je n’ai jamais eu de problème avec les présidents qui ont exercé en Guinée. Je n'ai jamais eu de problème avec la politique et je ne me suis jamais approché d'elle. Tous ces présidents qui se sont succédé ont fait quelque chose. Le Président Apha Condé commence à faire certaines choses et j'espère qu'il va continuer. Je ne suis pas contre un président comme lui qui fait quelque chose pour le pays. S'il fait progresser le pays et que le peuple est content, je serai heureux.

LNA : Parlez-nous du grand festival panafricain que vous organisez à Bruxelles?

N.K : J'organise ce festival depuis 2 ans. C'est notre 3ème édition. Il se déroule en différents temps dans la même année en Afrique et en Europe. Le ''Festi'konkoba' culturel (masque) symbolise le moment où le griot acquiert le plus haut grade. C’est à ce moment-là qu’il reçoit ce masque comme récompense. Ce festival, qui se passe en Guinée, a pour but de découvrir et de sélectionner de jeunes talents afin de leur donner une chance de se faire connaître. Pour ce faire, nous organisons un concours avec la participation de grands artistes venant de partout afin de montrer l’exemple aux jeunes. Nous assurons la promotion durant un an du gagnant. On l'habille, on lui réalise des clips, des cd s'il le faut, on lui organise des tournées en Guinée et dans les pays limitrophes et, si l'occasion se présente, on le fait venir aux différents festivals européens. Maintenant, le festival qui se tient à Bruxelles est un événement panafricain des arts. Ce n'est pas que la musique mais c'est l'art dans son entièreté et toute l’Afrique qui est concernée et mise à l’honneur. C'est l’occasion d'inviter des artistes africains talentueux susceptibles d'être connus en Europe afin que le monde puisse les découvrir.

Le festival ''Festi'konkoba'' panafricain se tiendra à Bruxelles en octobre 2014.