Article publié le 2014-03-11 par Alain Traoré Culture
Hommage à Tabu Ley Rochereau Le silence éternel d’une voix inoubliable de la rumba congolaise [12/2013]
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Sa voix s’est éteinte à jamais. Rochereau Tabu Ley, de son vrai nom Pascal Emmanuel Sinamoyi Tabu, a tiré sa révérence. Celui qui est considéré comme le monstre sacré de la rumba congolaise a passé l’arme à gauche à la suite d’une attaque vasculaire-cérébrale à l’âge de 73 ans. C’est l'hôpital Saint-Luc de Bruxelles qui a été le témoin de son dernier soupir le 30 novembre dernier.

Son nom ne peut se prononcer sans la musique congolaise. Il a donné à la « rumba » ses lettres de noblesse. Tabu Ley Rochereau a été et demeure le maître incontesté de la rumba congolaise. C’est lui qui, inspiré par le style et la richesse de cette musique y a introduit la batterie. Dans le cercle de ses contempteurs, ses surnoms ne manquent pas : « le seigneur », « le baobab de la rumba congolaise », « le messager » etc., sont autant de dénominateurs communs à ce « grand monsieur » dont la vie et les actes ont écrit les plus belles pages de sa vie. Amoureux des femmes devant l’éternel, sa progéniture ne peut pas se compter du bout des doigts. Sa vie, ses chansons, ses rythmes ont dessiné les caricatures de la musique congolaise. Au son de voix, de son tempo, aucun congolais de la génération des années 1970 ne pouvait rester sans bouger ou fredonner ses airs de musique. Rochereau a été à la musique congolaise ce qu’à été le roi Pélé ou Diego Armando Maradona au ballon rond. Mais, qui est cet homme dont la vie n’a été que mouvement et qui mettait de la joie dans la vie et le cœur de millions d’hommes et de femmes ?

De la chorale aux podiums internationaux

Né à Banningville (aujourd'hui Bandundu), Pascal Emmanuel Sinamoyi Tabu commence par chanter à l'église et dans les chorales des établissements scolaires qu'il fréquente avant de rejoindre, en 1959, l’Éducation nationale du Congo. Il entame alors une carrière de fonctionnaire, d’abord comme secrétaire administratif au Fonds du Bien-être indigène puis en tant que responsable administratif et financier à l’Athénée de Kalina (l’actuel Institut de la Gombe). Marié à Georgette Mowana (alias « Tété »), il a cinq enfants : Blackson Matthieu, Mireille-Esther, Colette, Gisèle et Isabelle. Homme ayant un faible pour les femmes, il vécut un amour idyllique avec la Miss Zaïre 1969 Jeanne Mokomo avec qui, il a également six autres enfants : Carine, Laty, Bob, Abel, Pegguy et Flore. Dans un article du Parisien, le rappeur Youssoupha affirme que "la star de la rumba congolaise" Tabu Ley Rochereau est son père et qu'il aurait 68 enfants. Youssoupha le prend en plaisantant : "Ça fait partie du folklore de la grande star africaine qui a beaucoup d’amour et qui en donne beaucoup". Ainsi le père et son fils se retrouvent dans l'album Noir D**** de Youssoupha pour le titre "Les Disques de mon père". Ils chantent en duo le 7 mai 2012 à l'Olympia.

Un succès internationalement reconnu

Il commence à composer dans les années 1950. En 1956, il participe à une séance d'enregistrement avec le musicien Grand Kalle (Joseph Kabasele). C'est le début de sa carrière. Tabu propose ses chansons à l'African Jazz, qui l'engage. Il prend alors son nom de scène de Rochereau, en hommage au gouverneur de Belfort, Pierre Philippe Denfert-Rochereau. D'après d'autres sources, le surnom de Rochereau lui a été donné par ses camarades de classe car, il était la réponse à une question d'histoire auquel il était le seul à connaître la réponse. Ses premiers titres, comme Kelya, Adios Tété et Bonbon sucré le font connaître du public. Il est alors proche du Mouvement national congolais de Patrice Lumumba. Il quitte l'African Jazz et rejoint l'orchestre Jazz Africain en novembre 1960, puis crée la formation African Fiesta Flash en 1965. Il y composera, entre 1964 et 1968, près de 200 chansons. L'orchestre se rend à Brazzaville puis à Montréal à l'occasion de l'exposition universelle de 1967. En 1969, Rochereau recrute des danseurs et un groupe de danseuses appelées «les Rocherettes», qu'il emmène à Paris l'année suivante pour ses concerts à l'Olympia. La tournée est écourtée suite à la découverte d'une affaire financière qui met en cause la gestion du groupe. Comme l'avait fait Kallé son mentor, Rochereau a apporté avec son orchestre l'African fiesta National pas mal d'innovations dans la rumba congolaise. En adoptant tout d'abord la batterie, à l'image de ce que l'on trouvait dans les groupes de pop ou de rhythm 'n' blues. C'est Seskain Molenga, un des fondateurs de l'orchestre Bakuba, qui fut le premier batteur à inaugurer le genre dans le groupe de Rochereau qui se produisit à l'Olympia. Cette mode entraîna la création de plusieurs orchestres comme les Bella Bella des frères Soki. De la culture à la politique, il n’y a qu’un pas. Et, Rochereau l’a franchi en étant successivement député de la transition, vice-gouverneur de Kinshasa et, ministre provincial de la Culture.