Article publié le 2013-06-21 par Daouda Emile Ouédraogo Société
Impact de la crise malienne sur le Burkina Fortunes diverses dans certaines zones frontalières [06/07-2013]
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Avec l’avènement de la crise malienne, les zones frontalières du Burkina Faso d’avec ce pays connaissent des fortunes diverses. Si en certains endroits, un boom économique a été constaté, en d’autres lieux les populations ressentent durement l’impact de la crise. A Koloko, zone frontalière avec le Mali à l’Ouest du Burkina, la crise malienne a favorisé l’afflux par le poste douanier de nombreux gros porteurs, tandis que celui de Faramana se vidait progressivement.

«Avant la crise, ma recette d’un client constituait la recette de toute une journée après le début de la crise. Cela veut dire que nous ressentons durement la crise malienne ici à Faramana.» Ernest, le tenancier du maquis restau non loin du poste de douane de Faramana à plus de 400 Km à l’Ouest de Ouagadougou ressent durement l’impact de la crise malienne sur son quotidien. La preuve est que son maquis tourne au ralenti. Auparavant lieu de convergence de tous ceux qui passent ou font escale dans cette bourgade, la ville est devenue l’ombre d’elle-même. La morosité a pris le relais des vrombissements des moteurs des gros porteurs. Le quai de stationnement de la douane, vide, révèle le traumatisme de cette commune suite au déclenchement des hostilités entre les forces maliennes soutenues par la MISMA et les barbus du Nord-Mali. Depuis le 11 janvier sur initiative de l’armée française à qui Dioncounda Traoré a fait appel en dernier ressort, les répercussions de cette guerre entre la MISMA et les « fous d’Allah » n’ont pas tardé à se faire sentir sur les zones frontalières. Avant la crise, la situation des échanges commerciaux entre les commerçants de Faramana et ceux du Mali étaient au beau fixe. «On partait vendre nos productions agricoles telles que la tomate, les oignons à Kouri (localité malienne située à 25 Km de la frontière). Lors du déclenchement de la crise, notre production n’a pas eu d’acheteurs du côté du Mali car il était impossible d’y pénétrer » explique Amidou Touré, agriculteur. Durant cette période, l’homme confie avoir, suite au pourrissement de ses récoltes, fait une perte d’environ 2 à 3 millions de F CFA. Aujourd’hui, le trafic semble avoir timidement repris entre Kouri et Faramana, mais les échanges ne sont plus au beau fixe à cause de différents facteurs sécuritaires qui limitent les actions des commerçants burkinabé sur le territoire malien. Aboudramane Sako est boutiquier. Il ressent les effets de la crise malienne sur son commerce. A titre d’exemple, il pouvait vendre plus de 200 plastiques d’eau et de sucreries en 2 semaines avec ses clients maliens. Mais depuis le début de la crise, «je n’arrive plus à écouler 100 plastiques en un mois», témoigne le jeune homme. Quant aux boissons énergisantes, il écoulait en moyenne 30 à 40 paquets par mois. «Aujourd’hui, cela n’est plus faisable», explique Aboudramane. Mieux, le flux du trafic à deux roues pour le commerce a baissé selon M. Sako. «Certains motocyclistes partaient au Mali faire des affaires. Depuis le début de la crise, ils n’y vont plus à cause des tracasseries policières», affirme Sako. Même son de cloce du côté de Sayouba Ouédraogo, commerçant de son état. L’homme reconnait l’impact négatif de la crise sur son commerce. «Le trafic commercial est devenu difficile entre les villes frontalières. Il est difficile d’entrer et de sortir dans les marchés des villes frontalières», explique-t-il. Il confirme le fait que plusieurs personnes ont abandonné le commerce transfrontalier pour s’adonner à autre chose car les clients se font rares. «Avant, on payait des produits moins chers chez eux, tout comme ils le faisaient chez nous. Mais aujourd’hui, cela n’est plus possible. Les produits sont devenus chers», clame M. Ouédraogo. La population de Faramana semble ressentir les effets néfastes de la crise au Nord Mali. Cependant, du côté des autorités administratives, tout semble «rose».

«Il n’y a pas d’impact négatif» selon le préfet de Faramana

La crise qui frappe les populations de Faramana est un leurre à en croire les propos des autorités administratives. Pour le préfet de cette entité administrative, Harouna Sawadogo «il n’y a pas d’impact négatif sur les activités commerciales.» Selon lui, «les gens vont et viennent sans être inquiétés. Rien ne montre qu’il y a une crise de l’autre côté par rapport à Faramana». Mieux, du côté sécuritaire, «la situation actuelle ne souffre pas de grande difficulté», clame M Sawadogo pour qui «il faut poursuivre sur cette lancée.» Sans entrer dans les détails, le préfet reconnait que les forces de sécurité exercent leur travail quotidien de surveillance de la frontière et de contrôle de la migration.

Si à Faramana, l’autorité administrative semble coupée des réalités des populations, cela n’est pas le cas du côté de Koloko, ville frontalière burkinabè située à 4km de la première ville malienne Hèrèmakônô. Ici, la situation est tout autre. Le boom créé par le flux des migrants a eu des avantages dans cette localité. Selon le maire de Koloko, Salou Traoré, «la crise a eu des effets positifs dans la mesure où le flux de réfugiés a quelque peu contribuer à dompter le marché des fruits, des céréales et des légumes. Certains commerçants ont fait de bonnes affaires.» Le seul bémol dans cette embellie est le problème foncier posé avec la récurrente problématique du conflit entre agriculteurs et éleveurs. Mais l’autorité rassure : «il y a eu quelques dégâts causés par les troupeaux des éleveurs mais le problème est résolu», a expliqué le maire Salou Traoré. Un autre problème soulevé par cette crise est le vol des animaux et celui des engins. «Grâce à la collaboration entre les autorités, ce problème est en passe d’être résolu dans la mesure où les forces de sécurité veillent au grain», précise le maire. Dans cette bourgade, l’activité commerciale est au beau fixe. La vue des multiples gros porteurs stationnés au poste de douane témoigne d’une activité commerciale en mouvement. Bakary Sanou est transitaire. Depuis 2004, il exerce dans cette localité. Selon lui, l’activité commerciale avait ralenti au début de la crise. Mais, actuellement, elle a repris de plus belle. Par ce corridor, les camions en provenance du Mali et/ou du Sénégal transportent du ciment, du poisson, de l’engrais, du matériel des travaux publics, du sel, etc. Pour Bakary, «la population ne ressent pas l’impact de la crise malienne dans cette zone.» Cette affirmation est corroborée par Seydou Konseibo, boutiquier à Koloko. Si à Koloko, la situation est un peu reluisante, Orodora ressent un peu plus la crise du fait de la baisse du flux des transferts de fond entre les deux communautés vivant de part et d’autre de la frontière. Pour Tiahé Nazaire Konaté, premier adjoint au maire d’orodara, «avec la crise, de nombreux ressortissants au Mali n’envoient plus de l’argent à leurs familles. Cela joue sur les affaires», précise-t-il. Toutefois, l’autorité municipale lance un appel à la vigilance et à la solidarité avec le peuple malien même si elle ne déplore pas d’incident particulier depuis le début de la crise malienne. La crise malienne a eu des répercussions tant positives que négatives sur l’économie des villes frontalières. Si en certains endroits, le début de la crise a été difficile à supporter pour les ménages, les populations ont su s’adapter pour dompter l’adversité de la nature. Le pire semble être derrière elle-même dans la mesure où la paix se fait sentir du côté de Bamako.


 

Chronologie de la crise au Mali


FIN 2011-DÉBUT 2012

Avec la chute de Mouammar Kadhafi, plusieurs centaines de Touaregs ayant combattu dans l'armée de l'ex-Guide libyen se réfugient au Mali avec des armes prélevées dans les arsenaux et renforcent la puissance de feu des indépendantistes touaregs du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA).

2012

21-22 mars - Des soldats attaquent le palais présidentiel à Bamako. Les mutins dirigés par le capitaine Amadou Sanogo annoncent qu'ils se sont emparés du pouvoir devant l'incapacité des autorités à mater la rébellion touarègue dans le nord.

25 mars-1er avril - Les rebelles du MNLA et des milices islamistes, dont Ansar Dine, exploitent la situation et progressent rapidement, prenant Kidal, Gao et Tombouctou, les principales villes du Nord. Le 6 avril, ils proclament l'indépendance du Nord-Mali, une sécession immédiatement rejetée par l'Union africaine, l'Algérie, les Etats-Unis et la France.

14 avril - Dans une vidéo, deux otages français enlevés en novembre 2011 dans le nord du Mali par Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) demandent de l'aide à la France.

27 mai - Les rebelles touaregs du MNLA et l'organisation islamiste Ansar Dine décident d'unir leurs forces et de créer un Etat islamique indépendant dans le nord du Mali. Les rebelles annoncent qu'ils instaureront la charia (loi islamique) dans le nouvel Etat d'Azawad, mais pas sous une forme stricte. Quelques jours plus tard, l'accord est dénoncé par la rébellion touarègue qui le juge contraire à ses principes laïques.

12 juin - L'Union africaine demande au Conseil de sécurité des Nations unies d'adopter une résolution autorisant une intervention militaire au Mali. Le 17, le Nigeria, le Niger et le Sénégal s'engagent à fournir l'essentiel d'une force de près de 3.300 militaires pouvant être dépêchée dans le nord du Mali.

27-28 juin - Les islamistes liés à Al Qaïda évincent les rebelles touaregs de la ville de Gao et disent avoir pris le contrôle total du nord du Mali.

8 septembre - Dans une vidéo diffusée par un site internet mauritanien, quatre otages français détenus depuis septembre 2010 par des islamistes dans le Sahel demandent à leurs familles, à la compagnie Areva et au président François Hollande de tout faire pour les libérer.

Employés du groupe nucléaire Areva et d'un sous-traitant, ils ont été enlevés le 16 septembre 2010 à Arlit, dans le nord du Niger, avec trois autres personnes, libérées depuis. C'est la première preuve de vie de ces hommes depuis un an et demi.

18 septembre - Les dirigeants maliens par intérim demandent au Conseil de sécurité de l'Onu le vote d'une résolution sous le chapitre VII de la charte de l'Onu donnant le mandat à une force internationale d'"aider l'armée malienne à reconquérir les zones occupées du nord du Mali".

19 septembre - Al Qaïda au Maghreb islamique menace de mort les six otages français détenus au Mali et accuse la France de préparer une invasion du nord avec des pays africains.

12 octobre - La résolution 2071 du Conseil de sécurité de l'Onu appelle les groupes armés au Nord-Mali à se dissocier des mouvements terroristes, sous peine de sanctions, et appelle les organisations régionales africaines et les Nations unies à présenter sous 45 jours un plan d'intervention visant à reconquérir le Nord-Mali.

Le lendemain, les islamistes du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) menacent d'exécuter les otages français si Paris poursuit ses appels à une intervention internationale.

21 novembre - Les autorités françaises confirment qu'un Français a été enlevé au Mali, près de la frontière avec la Mauritanie et le Sénégal, portant à sept le nombre de ressortissants français détenus au Sahel.

20 décembre - Le Conseil de sécurité de l'Onu adopte à l'unanimité la résolution 2085 qui autorise le déploiement d'une force africaine d'assistance aux forces maliennes (Misma) pour une période initiale d'un an.

2013

4 janvier - Réagissant à l'initiative du Conseil de sécurité, les islamistes d'Ansar Dine renoncent au cessez-le-feu proposé le mois précédent au gouvernement, qu'ils accusent de ne pas prendre les négociations au sérieux et de préparer une intervention militaire.

10 janvier - Les insurgés islamistes progressent vers le sud et chassent l'armée de la localité stratégique de Konna, à 600 km environ au nord-est de la capitale, Bamako, au terme des affrontements les plus acharnés depuis le début de l'offensive des combattants touaregs et djihadistes.

Réunis en urgence à la demande de la France, les membres du Conseil de sécurité des Nations unies expriment leur "profonde inquiétude" face à cette reprise des hostilités.

11 janvier - Répondant à un appel à l'aide des autorités maliennes, et dans l'attente du déploiement de la Misma, la France intervient militairement dans le cadre d'une opération baptisée Serval qui bloque l'avancée des islamistes.

16 janvier - En ALGERIE, des islamistes attaquent une installation gazière à In Amenas en affirmant agir "en réaction à l'ingérence flagrante de l'Algérie autorisant l'usage de son espace aérien par l'aviation française pour mener des raids contre le nord du Mali". Les forces algériennes mènent l'assaut. Le 21 janvier, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, annonce que 37 otages étrangers et 29 djihadistes ont été tués.

17 janvier - Washington accède à la demande de Paris de mettre des moyens aériens à sa disposition pour acheminer des troupes et de l'équipement au Mali. Le secrétaire à la Défense, Leon Panetta, déclare qu'il n'est pas prévu de dépêcher des troupes américaines sur place et que les opérations de sécurité au Mali incombent aux puissances régionales.

18 janvier - Les forces françaises et maliennes reprennent le contrôle de Konna. Le 21, deux autres villes, Diabali et Douentza, sont reprises.

24 janvier - Une faction des Touaregs d'Ansar Dine, l'un des groupes islamistes qui contrôlent le nord du Mali, quitte l'organisation et annonce être prête à des négociations avec le gouvernement de Bamako. "Nous voulons mener notre propre guerre, pas celle d'Aqmi", déclare Alghabass Ag Intallah de la ville de Kidal, bastion d'Ansar Dine. "Il faut mettre en place un cessez-le-feu pour entamer des négociations."

26 janvier - Les forces françaises et maliennes reprennent Gao, l'une des trois grandes villes du nord, à 950 km au nord-est de Bamako.

Réunis à Addis-Abeba, les chefs d'état-major de la région décident de porter à 7.700 soldats les effectifs promis dans le cadre de la Misma.

28 janvier - La ville de Tombouctou est à son tour reprise par les forces françaises et maliennes. "Nous sommes en train de gagner cette bataille", déclare François Hollande à l'Elysée.