Article publié le 2013-05-12 par Par Pr Mamadou Koulibaly Economie
Développement (suite et fin) - Pourquoi certains pays sont dits émergents et d’autres pas ? [04-05/2013]
Cape Town © Damien du Toit

Comment reconnait-on un pays émergent?

Les pays émergents ont un certain nombre de traits caractéristiques.

1- Des appareils statistiques fiables.

D’abord, ces pays ont des appareils statistiques fiables. Les données économiques et sociales sont moins trafiquées que dans la plupart des PVD. Sur la base de ces données, on constate que ces pays ont des taux de croissance du PIB et du PNB par tête en hausse ; le volume de leur commerce international est élevé et ils ont des monnaies nationales avec des réserves de change substantielles. Dans ces pays, la hausse des taux de croissance signifie aussi une bonne vitesse de circulation de la monnaie. L’argent circule et il n’y a pas que les États qui travaillent avec lui. Les populations, dont on connait assez correctement le nombre, travaillent elles aussi avec lui. Les profits des entreprises sont élevés, ce qui encourage l’investissement et fait augmenter encore le PIB et le niveau de vie des populations qui sont les chevilles ouvrières de l’activité économique.

2- Un leadership régional

Ces économies émergentes sont de véritables locomotives locales dans leurs régions avec une forte population, des ressources naturelles substantielles, de grands marchés de consommateurs avec un certain pouvoir d’achat. Dans ces pays, une très grande proportion de la demande potentielle est transformée en demande effective, donc solvable.

3 - Des politiques macroéconomiques ouvertes et responsables

Avec ces dotations naturelles en hommes motivés et en ressources, ces pays ont adopté de bonnes politiques macroéconomiques qui ont stimulé l’émergence des marchés. Ces politiques créent des marchés financiers où les capitaux peuvent découvrir des opportunités de placement qui rassurent les investisseurs. Ces politiques macroéconomiques portent sur l’ouverture de leur système bancaire aux marchés mondiaux et la libéralisation des marchés financiers locaux pour les rendre susceptibles de recevoir les IDE et les capitaux privés. Elles portent aussi sur des politiques monétaires prudentes et responsables agencées à des politiques fiscales qui maîtrisent les déficits publics et assurent le remboursement de la dette publique intérieure et extérieure. Elles s’engagent dans des opérations de privatisation des entreprises du secteur public et du patrimoine foncier de l’État. Dans ce cadre, ces pays procèdent à un cadastrage de toutes leurs terres qui sont cédées aux privés comme moyen de lutte contre la pauvreté et d’encouragement des populations rurales à participer à l’économie par les marchés nouveaux qui émergent de partout.

4- Une rupture avec les structures traditionnelles inefficaces

Dans ces économies, le choix a été fait clairement de rompre avec les structures traditionnelles politiques et économiques archaïques pour en adopter de plus modernes et de plus simplifiées. Elles sont donc en transition avec des réformes structurelles de fonds aussi bien dans le domaine économique que dans les domaines politique et social. Les anciennes structures fondées sur l’action de l’État, puissance publique, ont été jugées inefficaces ou inutiles. Les réformes ouvrent et libèrent des marchés qui apportent la croissance économique au pays, l’emploi aux populations et la stabilité politique aux citoyens. La tradition, dans ces pays, était, par exemple, en matière de commerce international, d’exporter des produits bruts sans y apporter de valeur ajoutée. Mais, très rapidement, avec l’arrivée des capitaux privés et des IDE, les exportations ont été diversifiées et se sont intégrées correctement dans l’économie mondiale non pas par le protectionnisme ou par l’assistance d’autres États mais par le commerce libre et la finance privée. Ces nouveaux marchés en retour créent des opportunités profitables à tous et permettent à ces économies, qui traditionnellement souffraient du moindre choc exogène, de devenir plus résistantes aux chocs, ce qui rassure les investisseurs et stabilise encore plus les pays. La valeur ajoutée dans les activités exportatrices est devenue de plus en plus forte et les recettes fiscales des États se sont aussi élevées, ce qui leur a permis de réduire leurs dettes et les déficits publics tout en réalisant d’ambitieux programmes sociaux en direction des populations les plus vulnérables.

5- Une reconnaissance au niveau international

Avec des réformes réussies, ces pays se font respecter sur le plan international comme des interlocuteurs crédibles. Les décisions importantes aussi bien sur les plans politique qu’économique tiennent compte de leurs options. Leur part dans le commerce mondial est encore faible mais en hausse régulière et ils ont un pouvoir d’achat, ce qui fait d’eux de bons clients mais aussi de bons investisseurs mondiaux. Ils payent leurs dettes et ne sont plus concernés par les politiques de type PPTE. Ils ne sont plus considérés comme des pays indigents.

Peut-on devenir émergent par miracle?

Le miracle est un évènement extraordinaire que l’on apprécie ou souhaite et que le bénéficiaire attribue à la providence dans son infinie bonté. Dans le langage courant, on parle souvent de miracle économique, surtout ces derniers temps en ce qui concerne la Côte d’Ivoire. On avait déjà évoqué un premier miracle entre 1965 et 1970, lorsque l’État ivoirien s’était surendetté sans calcul et s’était retrouvé en faillite en 1977, incapable qu’il était de faire face aux charges de remboursement des capitaux empruntés et des intérêts subséquents. Plus de trente cinq ans après, nous peinons à rembourser cette dette. C’était le miracle de la faillite d’un État qui avait pourtant, disait-on à l’époque, un avenir prometteur. Un second miracle serait en gestation. S’il est similaire au premier, nous préférerions en être épargnés car il n’y a pas de vrai miracle en économie. Les économies, dans leur forme naturelle, sont d’abord caractérisées par le dénuement des hommes à l’origine. La pauvreté des peuples n’est pas une fatalité. Au commencement l’homo est pauvre et c’est par son travail, son génie qu’il arrive à s’émanciper de cette pauvreté originelle. Adam Smith, le fondateur de la science économique, a été le premier économiste du développement. Il vivait dans l’Angleterre de la révolution industrielle. Le titre de l’ouvrage qui en a fait un homme aussi célèbre à son époque que Napoléon l’Empereur est «Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations». Son analyse montre que le progrès économique, partout où il s’est produit aussi bien dans l’Europe du 17e siècle que dans le monde du 21e siècle, n’a qu’un ressort : la liberté. La liberté d’innover, d’entreprendre, d’échanger, d’investir, d’épargner, de rompre en toute responsabilité avec les craintes des fétiches et tabous des communautés traditionnelles archaïques, est à la base du progrès de l’humanité.

Cette liberté, et la responsabilité qui va de pair, sont le socle de la confiance que les hommes et les États peuvent avoir dans leurs activités. Une société qui n’a pas confiance en elle-même, dont les membres ne se font pas confiance, et qui passe son temps à cultiver la méfiance, ne peut accéder au développement et à l’émergence. L’émergence ne se construit pas sur la méfiance. Elle n’est pas non plus le fruit d’un miracle. Elle est le résultat de volontés exprimées par des peuples qui ont tiré les leçons de leurs erreurs et errements et qui ont décidé d’établir, en toute confiance, les règles de la responsabilité et de la propriété privée. Ils cultivent la confiance en eux-mêmes, la confiance dans les autres et la confiance en l’avenir. Les pays émergents, quant à eux, ont une dynamique qui associe deux mouvements conjoints :

1- La mutation vers une économie de marché

D’abord, après de longues années de politiques publiques hasardeuses menées par des États hyper-centralisés, protectionnistes, interventionnistes et marqués par la croyance en l’économie d’endettement et en l’APD, après de longues années de politiques tiers-mondistes de développement économique, après de longues années de politiques d’ajustement structurelles mal ficelées et mal appliquées, après des décennies perdues de lutte contre la pauvreté organisée et mise en application par des États tentaculaires aussi inefficaces que budgétivores, ces pays en sont arrivés au constat que, si la finalité de l’action publique est d’enrichir les populations, de leur permettre d’avoir des emplois et du bonheur, alors l’investissement privé, les apporteurs de capitaux frais, de technologies efficientes et de produits mondialement demandés, sont bien plus efficaces que les hommes politiques et les États qu’ils dirigent. Ces économies ont su tirer les leçons des échecs de leurs politiques de développement et se sont alors tournées vers de nouvelles méthodes et connaissances plus propices à une croissance économique enrichissante. Ces pays ont fait le choix de l’économie de marché qui apporte confiance, propriété privée, liberté des échanges par le «laissez faire, laissez passer», responsabilité, efficacité, solidarité, prospérité individuelle et progrès social. Ces pays ont abandonné l’économie protectionniste, reposant sur la méfiance, pour l’économie de marché et de confiance. Tel a été le premier mouvement.

2 – Des marchés financiers émergents

Ensuite, pour se financer, ces pays ont abandonné les méthodes classiques et traditionnelles qui sont proposées aux pays en développement à travers l’aide publique au développement avec ses différentes formes d’appuis budgétaires, de prêts publics bilatéraux ou multilatéraux offerts par la Banque mondiale, le FMI, la Banque africaine de développement et toutes les agences qui utilisent des fonds publics pour politiser à l’extrême les relations financières mondiales avec l’efficacité qu’on leur connaît. Ces États étant considérés comme pauvres et endettés, ils n’étaient éligibles qu’aux guichets des prêts concessionnels. Ils s’endettaient pour s’offrir des infrastructures, de la santé, de l’éducation, des logements. Mais ils s’endettaient aussi pour rembourser les capitaux contractés et leurs intérêts. En général, ils échouaient et se retrouvaient hyper-endettés avec des arriérés qu’ils essayaient de rééchelonner sans jamais pouvoir les solder. Les dettes publiques courantes se traduisaient par des hausses d’impôts et des créations de taxes qui entrainaient des mouvements de contestation, des coups d’États, des guerres, toutes sortes de conflits, la misère et la pauvreté.

Pour sortir de ces trappes de la dette publique, les créanciers obligeaient des États en développement à mettre en place des politiques de restructuration économique et d’assainissement des comptes de l’État qui étaient très souvent mal tenus. Ces mesures, négociées ou imposées, augmentaient encore les tensions politiques et sociales. La pauvreté des populations tranchait face à la richesse des dirigeants bien souvent corrompus. Ces visions cauchemardesques hypothéquaient les ressources locales et l’avenir. Même quand ces pays, au gré de hausses du cours des matières premières qu’ils exportaient, faisaient un peu de croissance économique, les sommes dégagées servaient au remboursement de la dette. Les populations entendaient certes parler de croissance mais ne voyaient jamais le développement qui aurait dû l’accompagner. Ces pays ont tiré les leçons de cette spirale de la pauvreté. Les dépenses publiques n’étaient pas des investissements ayant fait l’objet de calculs de rentabilité et d’efficacité capables d’assurer de la croissance durable et de l’emploi en grand nombre. Ils ont alors décidé de se tourner vers les investisseurs privés nationaux et étrangers et vers les apporteurs de capitaux à la recherche d’opportunités profitables. Ils ont trouvé dans ces investisseurs privés des partenaires mondiaux auprès desquels ils ne s’endettaient pas mais pour lesquels ils créaient un climat des affaires rassurant. Le secteur privé est alors devenu dans ces pays un vrai partenaire du développement. Dans la logique nouvelle, le secteur privé ne vient pas pour aider le gouvernement, comme c’est le cas dans les pays en développement, mais pour trouver des hommes d’affaires locaux, faire des affaires avec eux, investir et produire en partenariat, de façon compétitive, des produits dont le cycle leur impose dans les pays d’origine la multinationalisation, l’internationalisation, la délocalisation. Pour attirer ces investisseurs et leurs capitaux, ces pays ont fait des réformes pour faire émerger des marchés de capitaux qui n’existent pas traditionnellement dans les pays en développement. Ces marchés et l’environnement propice qui les accompagne en termes de justice transparente, de sécurité crédible, de système bancaire libre, de monnaie et de politique monétaire stable, ont été instaurés pour attirer les capitaux et les capitalistes qui sont, à l’échelle mondiale, à la recherche d’opportunités, de sécurité et de rentabilité. Ces réformes vont faire émerger effectivement des marchés pour l’investissement direct étranger, des marchés pour les prêts bancaires privés et des marchés pour les placements de portefeuilles d’actions et d’obligations d’entreprises privées et d’États. On dit alors que dans ces pays, on a des marchés émergents de capitaux ou des marchés financiers émergents.

Donc, au total, lorsque, d’une part, des pays en développement ont fait le choix de l’économie de marché plutôt que l’économie protectionniste et que, d’autre part, ils choisissent de faire émerger des marchés de capitaux, on dit qu’ils sont devenus des Économies de Marchés Émergents (EME). On retiendra alors que les pays ne deviennent émergents qu’après avoir réussi à construire des économies de marchés émergents. De même, on retiendra que les pays émergents ne sont rien d’autre que des EME.

Dans la suite de cet exposé, nous parlerons alors désormais d’économies de marchés émergents plutôt que de pays émergents car le terme EME est plus expressif du contenu dont on parle que la seconde appellation qui laisse trop facilement la porte ouverte à des slogans qui vident le concept de son contenu et ne lui laisse qu’un fond de propagande démagogique.

Quels défis pour la mise an place d’Économies de Marchés Émergents ?

Pour qu’un pays soit dit émergent, il faut qu’il opte clairement pour l’économie de marché et qu’il instaure des marchés émergents de capitaux libres. Réussir de telles avancées ne peut se faire sans difficultés et les défis à relever sont multiples. Mais, les perspectives de progrès devraient permettre de relever le challenge.

Défi 1: Rompre avec l’aide publique

Rompre avec les politiques traditionnelles de célébration de l’aide publique au développement (APD) et de l’assistance bilatérale et multilatérale n’est pas chose aisée, surtout après plusieurs décennies de pratique qui créent des réseaux, des intérêts, des connivences inavouables, de la dépendance, des privilèges injustifiés, de la corruption et des passe-droits.

Défi 2 : Maîtriser l’action de l’État

Avec les EME, l’État n’est plus le seul agent capable d’apporter le développement aux populations. Le secteur privé devient un partenaire de premier choix dans l’offre de biens, de services, d’infrastructures sans que cela n’entraîne un accroissement de la dette et des impôts futurs. Les nationaux, quant à eux, ne peuvent plus se considérer comme les seuls capables de développer leur pays. Le pays s’ouvre au monde entier sans discrimination. Un défi majeur est d’arriver à reprofiler l’État, à préciser son rôle ainsi que la place et la mission du gouvernement et des hommes politiques quel que soit celui qui gouverne. Dans les EME, on se préoccupe moins de savoir qui va gouverner que de préciser ce que le gouvernement doit faire ou non et ce qu’il doit laisser au secteur privé et aux marchés qui émergent.

Défi 3 : Adapter la législation à l’environnement nouveau

L’instauration de marchés de capitaux implique la révision de toutes les législations anciennes, les procédures judiciaires, la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite. Cela implique que le droit des affaires et le droit du travail soient simplifiés, que la sécurité soit garantie pour tous ; que les entrepreneurs étrangers et locaux soient traités de la même façon sans discrimination ; que les politiques budgétaires et monétaires ne soient pas hasardeuses et que l’État de droit soit la norme.

Défi 4: Rompre avec le franc CFA

Toutes les EME ont leurs propres monnaies et sont connectées au reste du monde par des taux de change flexibles. Dans le jeu de leur ouverture sur le reste du monde, et par des procédures de marchés libres, les EME acceptent d’assumer le rôle de leader économique dans leur sous-région et influencent de ce fait leur voisinage avec des effets externes positifs. Le défi consisterait à créer une monnaie commune avec les voisins de l’actuelle zone franc. Sans rupture avec l’actuel franc CFA et ses mécanismes protectionnistes, point d’EME. Comment y arriver ? A supposer que l’on puisse être une EME avec le franc CFA, comme le prétend le Dr Ouattara, peut-il nous dire par quel mécanisme il compte procéder ? Comment construire un marché des capitaux crédible et efficace avec le franc CFA et les mécanismes du compte d’opérations ?

Défi 5: Faire le cadastrage des terres

Les EME ne sont pas encore des pays développés mais sont dans une phase de transition dans laquelle les structures institutionnelles sont relativement faibles avec beaucoup de déséquilibres sociaux et de pauvreté. Des tranches de la population sortent de la pauvreté mais nombreuses sont celles qui y resteront encore pour quelque temps. Pourtant, ces populations pauvres méritent d’être intégrées aux circuits officiels du crédit pour qu’elles puissent financer leurs activités. Dans le cas d’un pays comme la Côte d’Ivoire, le remède serait de faire le cadastrage des terres ; de donner des titres fonciers aux populations rurales et agricoles et de faire émerger un marché hypothécaire pour faciliter le financement de la production agricole. Sans cela, toutes ces populations resteront en marge de l’émergence des marchés et réduiront de ce fait les performances de l’EME.

Défi 6 : Contrôler l’enrichissement personnel des dirigeants

Dans le même ordre d’idée, avec l’EME, les décideurs publics ne peuvent plus utiliser la politique comme juteux moyen d’enrichissement rapide. Dans le PVD traditionnel, les gens qui ont de l’argent sont ceux qui ont le pouvoir politique. Or, ceux qui ont ce pouvoir oublient de financer les services sociaux de base qu’ils n’utilisent pas eux-mêmes directement. Malades, ils vont se faire soigner à l’étranger aux frais du contribuable. De surcroît, ils s’arrangent pour ne pas payer leurs impôts et n’hésitent pas à proposer des augmentations des prix des denrées de grande consommation pour financer leur niveau de vie et leur gaspillage. L’inégalité, l’iniquité sont de vrais freins à l’EME car, avec ces pratiques, tous les secteurs ne participent pas pleinement et positivement à l’émergence et cela en réduit la portée et l’effet.

Défi 7: Désenclaver les zones les plus pauvres

Dans les EME, de grands projets d’infrastructures sont engagés mais très souvent ces projets ne sont pas financés par la dette publique mais par l’investissement privé. Par ailleurs, les infrastructures sont construites dans les zones de grande pauvreté traditionnelles, exclues des bénéfices des biens et services publics. Les routes, les ponts, les logements, les services publics de santé doivent être offerts aux zones les plus pauvres. Mais dans l’approche traditionnelle du développement, les dépenses d’infrastructures sont effectuées d’abord pour les bénéfices des gens qui sont au pouvoir et de leurs proches dans les cités urbaines et les quartiers où ils habitent eux-mêmes.

A côté de la difficulté à relever ces défis, les avantages à en tirer sont significatifs. Lorsque les pays font le choix de l’EME, les échanges marchands de capitaux et les investissements entre opérateurs économiques nationaux et étrangers privés sortent les pays traditionnellement en voie de développement de la logique de dépendance pour une logique d’interdépendance mondiale. Cette possibilité offre aux EME de disposer d’informations en quantité et en qualité. Les décisions doivent être prises rapidement dans un environnement complexe et cela est facilité par les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). Ainsi, un plus grand nombre de gens dans le pays sont assurés qu’ils peuvent s’enrichir par le commerce libre, l’investissement rentable et l’échange volontaire. L’avenir reste ouvert et toutes les barrières peuvent être levées puisque les frontières nationales ne sont plus que virtuelles. Cette option amplifie le sentiment de liberté, ce qui est très stimulant pour l’entreprenariat, la confiance et la paix.

Conclusion

Il n’est pas compliqué d’être une EME mais on ne peut pas dire qu’il est facile de le devenir miraculeusement. Dans les EME, l’argent circule et les hommes travaillent, produisent, vendent, commercent, achètent avec lui. Lorsque l’argent travaille et que les hommes sont au chômage, il est difficile d’arriver à l’EME. Partir d’un taux de croissance de -5,8% et prétendre être arrivé à un taux de 9% en un an, tout en augmentant les prix de denrées alimentaires de base, peut être proclamé par n’importe quel gouvernement ou par n’importe quel bureau présidentiel. Mais, être ou devenir une EME demande bien plus qu’un arrêté ministériel, un décret, une loi ou même des campagnes de communication. Les gouvernements des EME n’ont pas proclamé qu’ils voulaient être émergents. Ils ont fait émerger des marchés de capitaux avec l’appui des mécanismes de marchés et le monde a constaté qu’ils avaient des marchés émergents de capitaux et des places financières de grande valeur.

Le gouvernement ivoirien, dans le système financier dans lequel il est, peut-il faire émerger un marché de capitaux ? Les EME ont fait le choix de l’économie de marché alors que la Côte d’Ivoire est encore sous l’emprise de politiques de relance par la dépense publique financée elle-même par l’endettement.

Les EME ont rompu avec les vieilles méthodes surannées de gouvernance économique et politique. Elles ont ouvert les portes à l’investissement direct étranger par la culture de la confiance alors qu’en Côte d’Ivoire, le choix est tourné vers l’APD.

Les EME ont leur monnaie et des places financières alors que la Côte d’Ivoire est soumise au franc CFA et ses réserves de change sont déposées dans les coffres du Trésor public français.

Les EME ont engagé des réformes de leurs systèmes de retraite, de santé, d’éducation pour en faire des mécanismes de mobilisation de l’épargne domestique. Nous sommes loin de cela en Côte d’Ivoire où le dialogue social est brisé sous le poids d’un étatisme primaire et démobilisant.

Cette analyse montre que l’émergence n’est pas impossible mais qu’elle nécessite impérativement à la fois des réformes structurelles audacieuses et des politiques conjoncturelles efficaces et clairvoyantes. Autant les bases statistiques fausses peuvent être utilisées pour décréter la croissance économique, même si elle est illusoire, autant l’émergence ne se décrète pas.

Au-delà des mots, au-delà de la communication politique visant à séduire un électorat et surtout la communauté internationale, il y a de réels enjeux. L’impact premier d’une EME est le recul de la pauvreté, objectif primordial dans un pays pauvre très endetté.