Article publié le 2013-05-12 par Par Jamil Thiam Politique
Célébration de la journée internationale de la femme au Parlement européen à Bruxelles - Un panel sur la situation actuelle des femmes en Tunisie [04-05/2013]
Salma Baccar, Premiere Séance de l'Assemblée Constituante Tunisienne le 22 November 2011 © Tab59

Dans le cadre de la journée internationale de la femme, Julie de Groote, Présidente du Parlement francophone bruxellois, en collaboration avec les membres de l'Association des démocrates tunisiens du Benelux ont organisé une rencontre suivie de débats sur la situation de la femme dans la nouvelle Tunisie. Sur le thème : «Place des femmes en Tunisie : constats et enjeux», cette journée, qui a eu lieu le jeudi 7 mars dernier à Bruxelles, dans l'hémicycle du Parlement francophone bruxellois, avait pour but de mettre à l'honneur les femmes tunisiennes face à la nouvelle configuration sociopolitique et démocratique dans le pays.

Coïncidant avec la célébration de la journée internationale de la femme, le "Jeudi de l'hémicycle", du 7 mars 2013 a été placé sous de le sceau de la place des femmes tunisiennes dans la redynamisation de la construction du pays à la suite de la révolution qui a mis fin au régime de Ben Ali, au pouvoir de 1987 à 2011. En effet, deux ans après la révolution, la situation en Tunisie ne fait pas encore l'unanimité et le pays traverse des situations extrêmement compliquées. Cette rencontre, qui s’est tenue dans l'hémicycle du Parlement francophone bruxellois, a été l’occasion d'accueillir, de rencontrer les femmes tunisiennes d’échanger avec elles par rapport aux enjeux du moment et du futur. Et, les débats ont surtout porté sur les places qu’elles occupent et les avancées qu’elles constatent, aujourd’hui, au sortir du printemps arabe. Cette journée a ainsi mis à l'honneur les femmes tunisiennes qui ont pris la parole dans l'hémicycle pour exprimer leurs satisfactions ou leurs inquiétudes pour l'avenir de la démocratie dans leur pays. Ces femmes, engagées, ont toujours apporté leur contribution au renforcement de la démocratie naissante en Tunisie. Et jusque là, elles n'ont pas renoncé à leurs droits, déterminées à lutter pour défendre leur liberté.

Au moment où les troubles sont encore vivaces en Tunisie, la journée internationale de la femme a donné l’occasion de décliner la révolution tunisienne au féminin. Qu’a-t-elle apporté aux femmes ? Y ont-elles perdu des droits qu’elles pensaient acquis et immuables ? Parmi les illustres panélistes à la matinée d'échanges autour de la thématique : «La situation des femmes en Tunisie : constats et enjeux», figurent Mme Salma Baccar, parlementaire tunisienne du Pôle démocratique moderniste, Mme Bochra Belhaj Hmida, avocate, co-fondatrice et ancienne Présidente de l'Association tunisienne des femmes démocrates, Mme Hélé Béji, écrivaine francophone tunisienne ou encore Mme Zeineb Ben Achour, Présidente de l'Association des démocrates tunisiens au Benelux. En effet, même si le pays a connu quelques avancées sur le plan démocratique, la situation globale et le droit des femmes semblent avancer à pas de caméléon.

Intervenant, Salma Baccar, cinéaste, élue membre de l’assemblée constituante sous l’étiquette du Pôle démocratique moderniste (coalition politique créée à l’occasion des élections législatives d’octobre 2011), a mis l'accent sur la nécessité de promouvoir l'égalité entre citoyens et citoyennes dans la dynamique d'une complémentarité entre hommes et femmes. Elle a néanmoins salué quelques changements historiques, comme le principe de parité sur les listes électorales, une réalité qui n’existe en Belgique que depuis l’an 2000. Cette petite révolution a également permis l’élection de 62 femmes sur les 217 sièges de l’assemblée. La cinéaste s’est en revanche offusquée contre les débats liés aux questions religieuses qui, selon elle, nuisent à la progression démocratique en Tunisie : «Mon identité arabo-musulmane n’est qu’une partie de mon identité tunisienne. Cette question est un faux débat destiné à détourner le pays des vrais enjeux nationaux, à savoir les questions sociales et économiques», s'est-elle-défendue. Quant à Zeineb Ben Achour, Présidente de l’Association des démocrates tunisiens au Benelux, elle a axé sa brillante intervention sur : «La problématique du contexte socio-économique précaire permet difficilement l’application des règles juridiques» et «le maintien de la mentalité patriarcale complique considérablement le progrès». Pour l’écrivaine tunisienne Hélé Béji, également présente dans l’hémicycle bruxellois, il s'avère impérieux d'appliquer pleinement la Constitution existante. "La Tunisie se drape dans une illusion révolutionnaire de démocratie", a-t-elle déclaré. Selon elle, la Tunisie est dans une posture très délicate même si «La liberté d’expression semble enfin acquise».

Mais, à côté de cela, les personnes ne sont pas mieux soignées qu’il y a un an, les transports publics sont catastrophiques, et l’on assiste à un dangereux systématisme du port du voile chez les mineures en milieu scolaire», dit-elle. Inquiète pour l’avenir de son pays, Madame Béji a rappelé la primauté des lois et la valeur du contrat social, dans une société qui pourrait rapidement tomber sous le contrôle d’une forme de police des mœurs. Deux années après le soulèvement populaire qui a provoqué la fuite de l’ancien président Ben Ali, le sort réservé aux femmes en Tunisie n’est toujours pas scellé. Si la condition féminine semble s’être améliorée dans l’un ou l’autre pan de la société, elle reste encore très en deçà des attentes et des espoirs nés du printemps arabe. Il est entendu que des questions fondamentales et des modifications structurelles ne peuvent, pour l'instant, régler d’un tour de manivelle les nombreux défis. Toutefois, les efforts à consentir pour le peuple tunisien restent multiples. Et, il s’agira, pour les pays partenaires, tels que la Belgique, de veiller dans le cadre de la coopération à l’amélioration des conditions de vie des Tunisiens et des Tunisiennes. En attendant de nouvelles élections législatives, la sociologue Simone Susskind a rappelé, en sa qualité de Présidente de l’association "Actions in the Mediterranean" que «Les Tunisiens ne voient pas la démocratie comme nous la voyons. Mais, nous ne sommes pas là pour imposer notre système et nos valeurs, mais encourager la société tunisienne en l’accompagnant dans ses changements», note-t-elle.