Article publié le 2013-01-16 par Entretien réalisé par Daouda Emile OUEDRAOGO Economie
Alphonse OUEDRAOGO, Directeur Général de l’AMVS - «La volonté du gouvernement est de faire du Sourou un véritable pôle de croissance» [01/2013]
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Avec ses 30 000 hectares potentiels, la Vallée du Sourou, véritable eldorado économique, ambitionne de devenir un pôle de croissance dans les années à venir. A la tête de l’Autorité de Mise en valeur de la Vallée du Sourou (AMVS), le Directeur Général, Alphonse Ouédraogo, essaie d’insuffler un nouveau dynamisme à cette vallée qui, au fil des ans, semblait perdre sa performance. Dans cet entretien à bâtons rompus, le Directeur Général de l’AMVS décline les ambitions, les nouvelles missions et les préoccupations de son Établissement.

Le nouvel Afrique (LNA) : Faites-nous une brève présentation de la vallée du Sourou.

Alphonse Ouédraogo (A.O) : La vallée du Sourou, tout comme la plaine de Bagré, représente un espace de production agricole que l’État Burkinabé souhaite aménager et valoriser afin de soutenir la politique d’intensification et de diversification de notre agriculture. Depuis quelques décennies, le gouvernement lutte contre le phénomène des aléas climatiques à travers la réalisation d’aménagements hydro-agricoles et la maîtrise de l’eau. La Vallée du Sourou fait ainsi partie des zones identifiées dans cette optique car dotée d’un potentiel aménageable estimé à 30 000 hectares et d’un réservoir d’eau de 600 millions de m³, rechargeable lorsque le barrage de Samendeni sera fonctionnel. Sur ce potentiel, la superficie déjà aménagée est d’environ 4000 hectares. Une des perspectives majeures est l’aménagement de 3000 à 4000 hectares de nouveaux périmètres, dans les 3 années à venir, notamment à l’horizon 2015. La vallée du Sourou, c’est également 3503 producteurs expérimentés dans la production irriguée, exploitant les périmètres aménagés et organisés en 14 coopératives et 3 groupements. Une vingtaine de promoteurs exploitent des superficies relativement plus importantes en entreprenariat agricole.

LNA : Après 3 ans à la tête de l’AMVS, quel bilan dressez-vous ?

A.O : Nous sommes arrivés à l’AMVS en juillet 2009. La première action menée a été de donner une vision à cette vallée et à l’AMVS. Ainsi, avec le soutien de notre principal partenaire, le Millenium Challenge Corporation (MCC), à travers son bras opérationnel qui est le MCA-BF, nous avons pensé et élaboré, durant plus d’une année, un «plan stratégique pour le développement agricole durable de la vallée du Sourou». D’un coût évalué à 240 milliards FCFA, le plan stratégique 2011-2025 vise sur les plans social, économique et financier : la création d’emplois, l’accroissement des revenus, la contribution à l’essor économique communal, régional et national, ainsi que l’amélioration de l’accessibilité de la population aux services sociaux de base. En outre, il prévoit un accroissement des superficies aménagées de 12 000 ha et une réhabilitation de l’ensemble des 3 800 ha d’anciens périmètres. Cette réhabilitation s’impose dans la mesure où, aujourd’hui, ces périmètres sont des infrastructures obsolètes qui ne permettent plus aux producteurs de réaliser une production efficiente. C’est une grande ambition car il s’agit de réaliser, en une quinzaine d’années, trois fois les résultats obtenus en 25 ans. Le plan stratégique est décomposé en plans d’actions quinquennaux, de 2010 à 2025, mis en œuvre en vue d’atteindre des objectifs. Entre autres, accroître les superficies irriguées par une extension des aménagements et par une mise en valeur conséquente, notamment une intensification et une diversification des productions agro-sylvo-pastorales et halieutiques, grâce à l’investissement communautaire et privé. Il s’agira aussi d’accroître la valeur ajoutée induite et les emplois générés par l’agriculture irriguée, le développement des autres sous-secteurs de production (végétale, animale, halieutique et sylvicole) et les activités connexes (commercialisation, conservation, transformation, transport, services divers), et de mettre en œuvre des mesures d’accompagnement, notamment l’électrification et le désenclavement de la vallée. Un autre volet est la mise en œuvre des actions de protection environnementale et sociale.

Ainsi, le premier plan d’actions consacre l’exécution des projets majeurs que constitue le projet de développement agricole financé par le Millennium Challenge Corporation (MCC) pour l’aménagement de 2033 ha à Di au Sourou. Il y a la première phase (800 ha) du projet de développement hydro-agricole de 2000 ha à Dangoumana à la Kossi, sur financement de la Banque Islamique de Développement, l’étude d’aménagement de 1200 ha à Bissan, financée par la Banque Mondiale à travers le Projet d’Appui au développement des Filières Agro-Sylvo-Pastorales (PAFASP), la confortation de l’aménagement de 500 ha sous pivots avec l’appui de la Coopération japonaise, et la réhabilitation de l’ensemble des anciens périmètres, soit près de 3800 ha.

LNA : Quelles sont les missions exactes de l’AMVS dans la mesure où certains producteurs sur le terrain font l’amalgame ?

A.O : Conformément à ses statuts, approuvés par Décret n° 2001-001/PRES/PM/MEE du 16 janvier 2001, les missions de l’AMVS sont la recherche, la mobilisation, la mise en place et la gestion des financements, l’étude et le contrôle de l’aménagement et de l’exploitation rationnelle des terres situées dans la Vallée du Sourou, la mise en place et le contrôle des infrastructures indispensables à l’exploitation, en rapport avec les services intéressés à toutes les actions de mise en valeur, la promotion de toutes les actions de création et de mise en place des coopératives et le suivi de leur organisation, de leur fonctionnement et de leur gestion. Il existe aussi la promotion des actions de protection de l’environnement. L’AMVS est aujourd’hui en pleine mutation. Cette mutation qui a déjà été amorcée à travers les études institutionnelles consistera à changer le statut et les missions de l’Établissement. A travers ces changements, l’AMVS recentrera désormais ses missions sur l’entretien des infrastructures d’irrigation et sur la gestion de l’eau, en particulier, le suivi-appui-supervision de l’exécution des travaux de réhabilitation et d’aménagements ainsi que la mise en place d’un système d’information sur les périmètres irrigués et les infrastructures, l’appui à l’élaboration et à la mise en œuvre des plans de maintenance des infrastructures et des équipements d’irrigation ; la mise en place et la gestion du fonds d’entretien des infrastructures structurantes d’irrigation, l’appui à la mise en place et au renforcement des capacités des Organisations d’Usagers de l’Eau Agricole et le suivi de la mise en œuvre des Opérations de Maintenance (O&M). Il y aura aussi le suivi de la mise en valeur et de la fourniture aux exploitants de services techniques par les structures étatiques déconcentrées de l’agriculture, de l’élevage, de l’environnement, etc., ainsi que par les projets, les ONG et les associations, et enfin par le secteur privé ; le suivi-évaluation des activités et l’évaluation des impacts obtenus de l’ensemble des projets dans la vallée du Sourou.

L’AMVS va très prochainement emboîter le pas de la Maîtrise d’Ouvrage de Bagré qui a muté aujourd’hui en Société d’Economie Mixte.

Ces mutations s’imposent d’elles-mêmes dans le contexte actuel de mise en œuvre de la Stratégie de Croissance Accélérée et de Développement Durable (SCADD) et plus particulièrement le développement des piliers de la croissance accélérée par la création des pôles de croissance.

En outre, considérant l’option du Gouvernement pour l’édification d’une économie libérale et sa volonté de faire du secteur privé un acteur principal et responsable dans le domaine agricole, la proposition de la catégorie juridique de société à capitaux publics conviendrait mieux pour l’AMVS. En effet, le statut de Société d’Economie Mixte, par exemple, permettant une implication du secteur privé (producteurs et autres opérateurs économiques) régionaux, nationaux et extérieurs est d’un avantage certain.

LNA : Le Sourou est une «mine d’or agricole» mais les coûts de production à l’hectare semblent élevés. Quelle politique comptez-vous mettre en place pour favoriser la baisse de ces coûts ?

A.O : Vous avez sans doute raison. Les coûts de production au Sourou sont des plus élevés sur l’ensemble des périmètres irrigués de notre pays, du fait des charges liées au pompage de l’eau et à la maintenance des équipements électromécaniques d’irrigation, en l’occurrence ceux des stations de pompage. Cette question épineuse et la problématique de la maintenance et la gestion efficiente de l’eau sont aujourd’hui au cœur de notre mission. Elles sont traitées par le plan stratégique de l’AMVS, respectivement centrés sur les activités d’«entretien et de maintenance des infrastructures et des équipements» et l’«organisation des exploitants et le renforcement de leurs capacités dans la gestion participative des périmètres».

A cet effet, au titre des activités de la composante «Gestion de l’Eau et Irrigation» du «COMPACT», un contrat a été signé le 10 mars 2011 entre le MCA – Burkina Faso et le consortium d’ingénieurs-conseils SHER-GRET (AD7), pour la mise en place d'un système d’Opérations et Maintenance (O&M) durable et fonctionnel, y compris la création, la formation et la structuration d’Associations d'Usagers de l'Eau (AUE) durables.

La question épineuse de la rentabilité et de la profitabilité de la production sur les périmètres irrigués de la Vallée du Sourou a été examinée de long en large par l’étude de la «capacité des producteurs à payer les coûts d’O&M». La capacité à payer correspond à la partie des coûts d’irrigation que les producteurs peuvent raisonnablement prendre en charge, compte tenu des revenus qu’ils tirent de l’irrigation ; l’autre partie étant supportée par des subventions publiques.

Les résultats de cette étude menée sur les anciens périmètres montrent que les coûts d’opération et de maintenance pour les moteurs thermiques des stations de pompage sont quasi équivalents au revenu monétaire du producteur, qui est de 243 000 FCFA/ha pour une rotation riz paddy/riz paddy. Ces coûts sont au-dessus du seuil de 20% généralement admis. Le remplacement du parc par des moteurs électriques baissera les coûts au tiers du revenu monétaire du producteur. Malgré cette baisse, les riziculteurs, dans les conditions de production actuelle, ne pourront pas payer l’ensemble des coûts d’opération et de maintenance.

Par contre, pour les exploitants pratiquant la rotation maïs/oignon, les coûts totaux d’opération et de maintenance représentent 17% de leur revenu monétaire qui est de l’ordre de 1 243 000 F CFA/ha. Cette catégorie d’exploitants aurait la capacité de payer tous les coûts d’opération et de maintenance, même avec des moteurs thermiques.

Plusieurs hypothèses, allant de la réduction de la consommation en gasoil ou en électricité à l’augmentation des rendements, ont été imaginées. La combinaison de ces hypothèses correspond aux objectifs du MCA pour le Sourou, c'est-à-dire, permettre aux périmètres maraîchers de faire face aux coûts d’opération et de maintenance.

LNA : Mais quel est le constat sur le terrain ?

A.O : Le constat sur les périmètres rizicoles reste inchangé, même avec une augmentation importante des rendements du riz à 5.4 t/ha en moyenne sur les deux campagnes. Les périmètres mixtes, en cas de chute des prix des produits maraîchers, voient les coûts d’opération et de maintenance peser davantage sur leurs revenus.

Cette étude montre que la culture du riz irrigué avec pompage au Burkina Faso reste problématique malgré l’avantage significatif que pourront apporter les moteurs électriques. En d’autres termes, l’irrigation avec pompage ne peut être envisagée que pour des cultures à haute valeur ajoutée si les producteurs doivent prendre en charge la plupart des coûts d’O&M. Il faut donc envisager au Sourou un changement du système de production pour mieux valoriser les investissements. Lorsqu’on dépense beaucoup pour produire, il faut produire ce qui permet de rentabiliser cette dépense.

LNA : La Vallée semble être gâchée par l’état des routes. Quel appel avez-vous à lancer en vue de permettre un désenclavement de la vallée avec des routes bitumées et praticables ?

A.O : Oui, vous avez également raison sur ce point. L’état des routes menant au Sourou est aujourd’hui une grande préoccupation pour nous, mais aussi pour les autorités. Les mesures d’accompagnement que nous avons inscrites dans le plan stratégique concernent l’électrification, l’amélioration du système de communication et surtout, le désenclavement de la Vallée qui est une condition essentielle pour atteindre l’objectif «pôle de croissance».

Nous pouvons toutefois nous réjouir de constater que ces préoccupations sont prises en compte dans les priorités du gouvernement en la matière. En effet, comme vous le savez, certains axes majeurs de cette région font l’objet d’études ou sont en cours d’aménagement. Nous pouvons citer le bitumage en cours de la route Koudougou-Dédougou-Nouna-frontière du Mali ; le lancement très prochain des travaux de bitumage de la route sabou-Koudougou.