Article publié le 2012-11-11 par Par Daouda Emile Ouédraogo Dossier
Mode Africaine / Mode africaine - La touche des créateurs [11/2012]
Défilé Alphadi © afrikavision

La mode africaine a été, depuis la nuit des temps, considéré comme une laissée pour compte. Or, elle a fait ses preuves. Mais, les uns et les autres l’ont considérée comme n’étant pas une entité capable de faire bouger les réalités de la création dans le style du monde.

La création africaine a sa place dans le concert de la mode mondiale. Style à part entière, cette création, au delà du mimétisme, essaie de se faire une place au soleil. Sans tambours ni trompette. La mode africaine a une exigence que la réalité du monde contemporain ignore, pour paraphraser l’adage. Les plus grands artistes africains ont fait leur preuve lors de la présentation de leurs différentes créations sur les plateaux du monde. Pathé’O, Alphadi, Anderson D, Angy Bell, pour ne citer que ceux-là, parmi tant d’autres, ont, par leur amour de la création, du beau, montré que l’Afrique a de la valeur à revendre. Ces valeurs portent sur la création de styles, de modèles, basés sur la réalité des valeurs ancestrales de l’Afrique. Il existe une mode africaine qui bouge. Il existe des créateurs africains qui s’inspirent des savoirs locaux pour créer des pièces uniques. Il existe, enfin, des couturiers, pour montrer la face cachée de la beauté de la mode africaine. Cette création est sculptée, et dressée, dans la pure tradition de la création. Elle met l’accent sur la finition et le savoir. Éléments clés de la création. Au Sénégal, par exemple, à Dakar, Collé Sow Ardo, une couturière, rompue à l’art de la création, emploie une centaine de tisseuses, de modélistes et de tailleurs. Elle s'est spécialisée dans le pagne tissé de luxe, fait main, où elle mêle le coton au lin ou à la soie. Écharpes, sacs, chaussures sont des pièces uniques. Le problème qui se pose est l’accessibilité de cette création en fonction des coûts de production. Le premier mal constitue le coût de production par rapport à la demande du marché. Tant il est vrai, que pour ce genre de création, écharpes, sacs, chaussures sont des pièces uniques, le prix sur le marché n’est pas à la portée de l’africain moyen. Pour une robe longue en pagne tissé, comptez 230 000 F CFA ; pour une chemise, 90 000 F CFA. Cela montre, à tous points de vue, que la qualité a un prix. Il n’empêche, par rapport à cette réalité propre à la survie des créateurs, que l’arbre ne doit pas cacher la forêt.

Conformer la réalité du terrain à la demande

Les créateurs africains sont pris entre le marteau et l’enclume. D’un côté, l’on veut conquérir le marché international. Et, de l’autre, satisfaire la clientèle basée sur le continent. D’où un imbroglio. Les créateurs africains ont du talent à revendre. Mais le manque d’opportunités, de communication, font que leurs créations semblent être vouées à une classe sociale donnée. Pourtant, l’Afrique a une clientèle qui aime le beau, le vrai, le style. Lorsque les grands hommes d’État tels que Théodore Obiang Nguéma, Paul Kagamé et d’autres ont décidé de soutenir la création africaine, on a vu que l’Afrique a de la valeur à revendre. Cette valeur se conjugue avec la toute puissance de l’inspiration des créateurs africains. Colé Sow Ardo du Sénégal, n’a rien à envier aux créateurs du Nord. Pathé’O, par ses créations, a sillonné les plus prestigieux plateaux du monde. Lors de ses défilés (Pathé’O), il ne rentre pas dans son atelier avec les fruits de sa création. «Après un défilé, je ne rentre jamais avec mes créations», précise le créateur. «Elles sont toutes vendues dans la foulée». Pourquoi doit-on nier à l’Afrique le droit et le devoir de faire vendre sa propre création et son propre style ? Question délicate. Pourtant, des hommes et des femmes ont bâti leur fortune dans la mode, en étant en Afrique, et dans un pays africain. C’est sur ce continent que des créateurs ont fondé des ateliers qui emploient une centaine de personnes. C’est en Afrique que l’on a vu des Hommes s’investir, corps et âme, pour se bâtir un monde meilleur à travers la couture. Malgré tout, une menace pèse.

Faire face à la menace chinoise

L’Afrique fait face à une menace importante dans la vulgarisation de sa mode. La pire des menaces vient de la Chine. Cette menace se manifeste dans la confection des tissus destinés à créer des modèles en vue d’être mis sur le marché international. Pour un tissu original qui coûte à la rigueur de son prix, il est vendu à vil prix par le marché chinois sur le sol africain. Les faibles revenus des populations et la profusion d'étoffes sur les marchés contribuent au succès de ces tailleurs. «Au début des années 2000 et rien qu'en Afrique de l'Ouest, on estimait que, chaque année, 1,5 million de mètres de pagnes wax étaient disponibles sur les marchés. Aujourd'hui, chaque année, 1,5 milliard de mètres de pagnes en provenance d'Asie sont distribués sur les marchés», précise Patrick Liversain dans le journal «Jeune Afrique». Wax et bassins de contrefaçon ont fait chuter les prix des tissus : 45 000 F CFA en moyenne pour une pièce originale de pagne wax, 7 000 F CFA pour une version asiatique. Le problème ? Il est montré que les consommateurs, happés par le gain facile, vont vers le moins cher, au détriment de la qualité. Malgré tout, la mode africaine avance. Et, avec succès.