Article publié le 2012-09-15 par Par Mouhamadou Moustapha Thiam Diaspora
En marge de la conférence du mois d’octobre prochain à Bruxelles - L’asbl Maison Afrique Centrale prône l’intégration… [08/2012]
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Autour d’un échange fructueux, nous nous sommes entretenus avec les responsables de l’a.i.s.b.l. Maison Afrique Centrale, anciennement appelée Maison CEMAC. Selon Monsieur Pacôme Elouna Eyenga, Administrateur Général de ladite association, leur noble initiative demeure une nécessité pour mutualiser les atouts de la diaspora en vue de travailler pour une intégration positive et appropriée par les peuples d’Afrique centrale (CEMAC). Tel est le thème de leur dernière conférence, au lendemain de la 4e Journée de la Communauté Économique et Monétaire de l’Afrique Centrale : «L’intégration sous-régionale en Afrique Centrale : quelle nécessité ?». Une autre conférence, initiée par l’association, est prévue au mois d’octobre 2012 à Bruxelles

La Maison Afrique Centrale est une Association Internationale Sans But Lucratif qui a vu le jour par la volonté des ressortissants des pays de la Communauté Économique et Monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC) résidant au Benelux (Belgique, Pays-Bas et Luxembourg). Au travers de cette initiative, ils ont souhaité marquer leur soutien à la politique d’intégration sous-régionale initiée en 1964 avec le traité instituant l’Union Douanière et Économique d’Afrique Centrale (UDEAC), et redéfinie en 1984 par le traité de la CEMAC. En effet, la Maison CEMAC, désormais dénommée Maison Afrique Centrale, entend animer des réflexions autour de sujets relatifs à l’intégration et au progrès. Il importe en effet que la question de l’intégration soit également appropriée par les peuples. Une partie substantielle des activités de l’Organisation sera toujours orientée vers cet objectif, ce qui a fait d’ailleurs le succès de la conférence du 17 mars 2012. Cette volonté de la diaspora d’Afrique Centrale de se positionner en support du processus d’intégration se justifie d’autant plus que si la volonté politique de mener un projet intégrateur avait été affichée, force est de constater un déficit d’engouement populaire et d’esprit communautaire qui lui sont pourtant indispensables. Ce projet de la Maison Afrique Centrale a pour visée de faire de l’Afrique Centrale un espace «prospère», «paisible» et «harmonieux» tant sur le plan économique que socioculturel et environnemental. C’est dans le but de réaliser ses objectifs que la Maison CEMAC a.i.s.b.l. a organisé, le 17 mars 2012 à l’Université Libre de Bruxelles, en collaboration avec le Cercle des Étudiants congolais (Rdc) de l’ULB, une conférence suivie d’un débat portant sur l’intégration dans la Sous-région à l’occasion de la 4e Journée de la CEMAC.

L’intégration, un viatique de la Maison Afrique Centrale

Aujourd’hui, si les autorités nationales et régionales continuent d’apparaître comme les premiers acteurs de ce projet politique, certains acteurs de la société civile manifestent désormais leur intérêt pour le processus d’intégration longtemps mené par les politiques. La proportion de citoyens s’intéressant au sujet reste néanmoins marginale, tant auprès des populations locales que de la diaspora. La conférence du 17 mars 2012, intitulée «L’intégration sous-régionale en Afrique centrale : quelle nécessité ?», répondait donc à cet objectif, que la Maison Afrique Centrale s’est assigné, afin d’éclairer et d’intéresser la communauté africaine, et notamment l’Afrique Centrale, mais aussi le public européen en général, au processus d’intégration en cours dans la sous-région. Les enjeux et les perspectives de l’intégration sous-régionale, sans en oublier les aspects institutionnels, constituent quelques-unes des thématiques que le panel d’orateurs avait abordées. C’est le campus du Solbosch de l’Université Libre de Bruxelles qui a servi de cadre à cette première conférence. Le choix du site a été dicté par la volonté d’avoir le regard du monde académique et un examen dynamique de la thématique traitée. Le partenariat avec le Cercle des Étudiants congolais (RDC) dans l’organisation y aura été tout aussi déterminant. La conférence a enregistré une forte participation. Parmi le public on pouvait remarquer : des étudiants, des chercheurs ou des professeurs d’universités ; des employés, des cadres ou encore des entrepreneurs ; des ambassadeurs et représentants de missions diplomatiques de pays d’Afrique Centrale à Bruxelles, en l’occurrence : les ambassades d’Angola, du Gabon, de Guinée Équatoriale, et du Tchad. Les responsables de la Maison Afrique Centrale a.i.s.b.l dont le Président, Monsieur Pacôme Elouna Eyenga, se sont félicités, d’une part de la présence de tous les participants et personnalités, ainsi que l’intérêt qu’elles manifestent pour les échanges courtois et enrichissants qui ont caractérisé les débats. La Maison Afrique Centrale entend ainsi prendre appui sur les acquis communautaires déjà engrangés et constituer un centre de projets à vocation communautaire, réunissant notamment les ressortissants de la sous-région. Un des souhaits de l’association à cet effet est le renforcement de la représentativité de l’ensemble de la sous-région au sein de l’aisbl Maison Africaine Centrale qui est ouverte ainsi à toute personne intéressée. Même si la Maison CEMAC association internationale sans but lucratif a changé de nom, il n’en demeure pas moins que les principaux axes de travail demeurent inchangés. Ils ont avantageusement été enrichis par les enseignements découlant des travaux issus de la conférence du 17 mars 2012.

Historique de la Maison Afrique centrale

Selon le président Pacôme Elouna Eyenga, l’a.i.s.b.l Maison Afrique Centrale est légalement née au mois de mars 2011 sur l’appellation CEMAC. « On l’a créée en tant que ressortissants de l’Afrique centrale. On a eu cette idée de créer cette association avec pour ambition de promouvoir et de soutenir l’intégration des pays de la CEMAC qui est réel, dont les résultats sont très mitigés, et aussi parce qu’il n’existe pas un engouement populaire autour de la cause. Ce qui nous a amenés à nous lancer dans cette initiative de manière bénévole», soutient-il. Pour lui : «Nous tous, on a un travail à côté des activités de la maison africaine. Il y a un juriste gabonais, Philippe Menie M’Essono comme Secrétaire Général ; deux agronomes dont Maïnna Doumro qui est Tchadien. Moi, je suis ingénieur d’origine camerounaise ; il y a un pharmacien et un ingénieur d’origine camerounaise», nous a-t-il expliqué dans cet entretien. En fait, il existe des activités d’intégration dans les pays de la CEMAC, mais il y a un organisme de défense des intérêts et même de la diaspora. Mais, aux États-Unis et en Europe, les diasporas n’ont pas cette connexion. «Qu’on ait cette possibilité de circuler librement comme on le fait en Belgique, au Benelux en général», dit-il. En effet, l’Afrique de l’Ouest est déjà très avancée dans ce domaine. Et pourtant, c’est loin d’être une constante pour les pays de l’Afrique centrale. On voit bien les réalités et les difficultés d’intégration au sein de la CEMAC. C’est là que l’association Maison Africaine Centrale peut être une valeur ajoutée pour la sous-région, notamment sur des sujets particuliers, comme les négociations commerciales. « Il vaut mieux négocier un seul accord commun qui serait avantageux pour tout le monde que d’aller négocier de petits accords. Ça c’est ce que la diaspora peut apporter», souligne Pacôme Elouna Eyenga. Une autre difficulté pour les pays de la CEMAC est que la diaspora n’est pas encore reconnue dans les textes sous-régionaux. «On doit se battre pour se faire reconnaitre comme étant membre de la société civile et ayant la parole et qu’on peut dire quelque chose et proposer des solutions. On parle de réguler la société civile, mais il n’existe pas certains textes dans les documents. Comment peut-on avoir cette légitimité ? C’est en travaillant, en proposant, en montrant ce qu’on est capable de faire, que l’a.i.s.b.l Maison Afrique Centrale est une valeur ajoutée et qu’on peut attirer une certaine légitimité dans l’instance. Qu’on ne reconnaitra que le travail que nous menons au bon sens. Mais, en tant que citoyens de la sous-région, on est censé s’intéresser aux questions majeures de la sous-région surtout lorsqu’elles mettent l’accent sur l’intégration et le développement», dixit le Président de la Maison Africaine Centrale accompagné par deux membres de l’association, en l’occurrence Maïnna Doumro et Roland Tchaha qui en est le Chargé des affaires culturelles et sociales.

Les initiatives …

La plus grande activité réalisée par la Maison Africaine Centrale a été la conférence du 17 mars dernier, qui est la plus grande conférence portant sur les enjeux d’intégration sociale, économique et culturelle en Afrique centrale. En dehors de cette activité majeure, il y a eu d’autres activités, explique en filigrane le président Pacôme Elouna Eyenga. «On est allé rencontrer des groupes d’association ; on a rencontré toutes les ambassades des pays d’Afrique centrale. On a reçu beaucoup de conseils et, à partir de là, on a décidé de voir nos orientations stratégiques. On a eu à organiser deux types de débats : des débats publics comme la conférence du 17 mars dernier, et celui du mois d’octobre prochain», a soutenu le sieur Pacôme Elouna Eyenga. La Maison CEMAC se réjouit ainsi d’avoir pu tenir des débats sur la question de l’intégration. Et, se fiant aux diverses sollicitations reçues, on peut sans conteste dire qu’il y a matière à poursuivre la réflexion sur l’intégration sous d’autres angles. Il est également permis de revenir sur la question de la nécessité du processus débattu, telle que posée dans l’intitulé de la conférence, à savoir la nécessité d’avoir un projet d’intégration et politique viable de la sous-région qui peut se dégager simplement à partir de la plus-value que constituerait une mutualisation des atouts dont dispose la sous-région pour résoudre des difficultés souvent d’une grande similarité. Au terme de ces programmes d’activités, l’association tient toujours à saluer le concours des autorités des pays issus de la CEMAC tout en insistant sur son objectif premier qui est de promouvoir des rencontres et de stimuler des échanges entre les peuples d’Afrique Centrale.

L’a.i.s.b.l. Maison Africaine Centrale : le sentiment d’appartenance à un ensemble commun

L’existence d’un ensemble régional en Afrique Centrale, ce malgré les difficultés évoquées plus haut, ne peut être dénié. Par contre, le sentiment d’appartenance à cet ensemble, et donc le fait de partager une destinée commune, est quasi inexistant. Cela s’expliquerait notamment par la faible implication des États membres et le manque de volonté manifeste à respecter les engagements communautaires et en assurer la mise en œuvre. Cette absence de volontarisme politique se traduit conséquemment auprès des populations locales par un défaut d’intérêt, voire une ignorance complète des préoccupations d’ordre communautaire. Il peut alors incomber aux OSC régionales, telles que l’association Maison Africaine Centrale, de demeurer un soutien utile et constituer un chaînon indispensable de la promotion d’un esprit communautaire. La société civile et la diaspora doivent donc s’organiser et se structurer, un autre domaine vers lequel la sous-région doit porter ses efforts. D’autre part, les OSC de la sous-région doivent développer suffisamment de partenariats et de collaborations entre elles, le cas échéant se coaliser, afin de constituer des groupements d’envergure, susceptibles de peser sur le processus d’intégration, ont laissé entendre les responsables de la Maison Afrique Centrale. Concernant la diaspora, un constat analogue, voire plus sévère, s’impose. Si, à la décharge des OSC locales, ces dernières ne disposent pas de moyens logistiques et financiers suffisants pour leur permettre d’assurer pleinement leur fonctionnement et de tenir régulièrement des réunions communes, l’excuse peut difficilement valoir pour la diaspora, en particulier celle de la sous-région en Europe. La diaspora, souvent plus outillée, doit pouvoir tirer bénéfice de l’avantage dont elle dispose en termes d’infrastructure et de potentiel organisationnel. Elle est ainsi à même d’avoir une meilleure appréhension des enjeux régionaux communs et de s’organiser en groupements à vocation régionale, c’est-à-dire regroupant les ressortissants des États membres de la CEMAC et de la CEEAC. L’organisation de la diaspora sous-régionale peut participer au développement d’un sentiment d’appartenance communautaire, et avoir finalement une influence positive au niveau local. Parallèlement à cette nécessité d’organisation, la diaspora d’Afrique Centrale, à l’image de la Maison Afrique Centrale, veillera à sa reconnaissance par les textes constitutifs de la CEMAC et de la CEEAC. En plus de pouvoir être un catalyseur du vivre ensemble et du développement d’un sentiment d’appartenance communautaire, une diaspora organisée, structurée et dynamique pourrait également constituer une vitrine exceptionnelle pour la zone Afrique Centrale. Il s’agit de la pleine insertion de l’Afrique Centrale dans les circuits des échanges mondiaux pour profiter de la mondialisation et cumuler ainsi les richesses pour améliorer les standards de vie, mais aussi pour stabiliser les balances de paiement de la plupart des pays de la Zone qui sont restés chroniquement déficitaires depuis plusieurs décennies. Tel est le viatique de l’association selon les trois membres que nous avons rencontrés.

La géo-économie, au cœur des pays de l’Afrique Centrale

La sous-région doit tirer parti des mutations de la géo-économie globale, avec une intensification du commerce Sud/Sud qui, depuis 2010, a dépassé les flux de commerce Nord/Sud. Le Commerce Sud/Sud ou le Commerce intra-africain présente particulièrement un fort potentiel de développement. Et les pays de l’Afrique Centrale, pour bénéficier de cette évolution, doivent renforcer leur tissu productif, accroitre la compétitivité de leur production et développer des économies de filières en spécialisant chaque pays dans la production et la transformation des ressources locales. C’est un des moyens pour favoriser la marche vers l’industrialisation de la sous-région et sortir celle-ci de l’économie de rente qui favorise les pulsions de prédation et de corruption. Car dans le schéma actuel, le rapport de force qu’imposent les multinationales aux pays d’Afrique Centrale a pour effet de les empêcher d’effectuer ce saut qualitatif accompli par les économies émergentes. Et bien que le crédo actuel de tous les gouvernements de la région soit de se doter d’une vision et de politiques d’émergence, celles-ci se révèleront inefficaces si elles ne passent pas par le renforcement préalable de l’intégration régionale. Une attention particulière doit être accordée aux partenariats qui irradient l’ensemble du continent et dont les pays d’Afrique Centrale tiennent la vedette, tant leurs potentialités sont immenses. Ces opérations de séduction débouchent invariablement sur des contrats et des réalisations d’infrastructure. Mais les infrastructures sans transfert de technologies vont-ils permettre à ces pays de préparer la transition vers une architecture économique postérieure à l’exploitation des énergies fossiles ? L’acquisition des terres par certaines économies émergentes pour poser les bases de la sécurité alimentaire de leurs populations, est-elle sans risque pour la sécurité alimentaire des pays d’Afrique Centrale ? La vitalité démographique de l’ensemble des pays de la région impose d’anticiper non seulement sur les besoins immédiats et à venir d’une immense population jeune en termes d’emplois, de biens de consommation et d’une urbanisation maîtrisée. Si des politiques volontaristes ne sont pas mises en avant, la mise à mal de la paix et la conflictualité qui sont déjà des traits dominants de la région ne vont que se renforcer, étant donné que les batailles pour la survie et la captation des ressources connaitront une recrudescence. En l’absence de politiques régionales volontaristes qui facilitent les brassages de populations pour évacuer la peur de l’étranger, comment l’Afrique Centrale si hétérogène peut-elle faire face à ces défis ? L’Afrique Centrale où on observera au mieux la mutation d’un continent morcelé, tenaillé par la division et les querelles de leadership vers une Afrique prospère. Aujourd’hui, la Maison CEMAC constitue un laboratoire d’incubation d’idées et un partenaire plein et entier du processus d’intégration en Afrique Centrale. Pour évoquer les réalités et les perspectives du processus d’intégration en Afrique Centrale, elles semblent prometteuses en matière de promotion et de renforcement d’une « coopération harmonieuse et d’un développement équilibré et auto-entretenu dans tous les domaines de l’activité économique et sociale, notamment, à réaliser l’autonomie collective, à élever le niveau de vie des populations, à renforcer les étroites relations pacifiques entre les États membres et à contribuer au progrès et au développement du continent africain» .

Les six pays de la CEMAC

Actuellement, la CEMAC regroupe six États : Cameroun, Congo, Gabon, Guinée Équatoriale, RCA et Tchad. Les États membres doivent œuvrer à l’effectivité d’une libre circulation des personnes, des biens, des capitaux et des services dans l’espace communautaire. Assurer l’harmonisation des réglementations sectorielles ou encore, garantir la stabilité monétaire de la zone, relèvent également des attributions de la CEMAC. Dans tous les cas, l’objectif de la Maison Africaine Centrale s’inscrit dans le PER pour parvenir à la réalisation d’un Espace intégré et émergent d’ici 2025. Elle pourrait même lui être favorable dès lors que les conditions d’une rationalisation et d’une harmonisation des politiques seraient réunies et si un leadership se dégageait pour faire avancer le processus d’intégration. Un contexte pacifique et stable est très important pour la mise en œuvre de ces politiques d’intégration. Pour la Maison Africaine Centrale, il urge d’intensifier la coopération institutionnelle, par le biais notamment d’actions de politique publique communautaire. Le processus de rationalisation des deux entités et le développement de synergies entre elles participeraient également à offrir un meilleur positionnement à la sous-région dans le cadre des négociations internationales. Enfin, l’établissement d’infrastructures de projets intégrateurs dans le but de créer des biens communs, et la promotion, tant par les instances nationales que régionales, du sentiment du vivre ensemble communautaire auprès des populations doivent tout aussi être renforcés. Dans cette optique, on ne saurait faire l’économie d’un dialogue récurrent avec la Société civile ni celle d’une définition du rôle à assigner à la Diaspora sous-régionale.