Article publié le 2012-07-04 par Par Alexandre Korbéogo Dossier
Libre entreprise - Climat des affaires en Afrique - Les meilleurs pays réformateurs à la loupe [06/2012]
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En Afrique, de nombreux pays ont mis au centre de leurs préoccupations la promotion des entreprises. A cet effet, de nombreuses réformes ont été entreprises pour faciliter la création des entreprises et du coup, donner un coup d’accélérateur aux économies. Sur le continent, les 10 premiers pays champions dans la facilité de faire des affaires sont des exemples à suivre.

Avoir des données fiables et transparentes sur la qualité des entreprises, leur «pouvoir de frappe», leur chiffre d’affaires sur le continent, n’est pas oeuvre aisée. En effet, la rétention de l’information est le sport favori de certains magnats des affaires. Or, la communication en entreprise fait partie de l’un des critères d’efficacité d’une société. Malgré cet état de fait, de nombreux pays africains ont engagé des réformes pour favoriser un plein épanouissement du monde des affaires. Le rapport « Doing Business 2012 » fait l’état des pays qui ont opéré des actions majeures pour faciliter les affaires sur leur territoire. En Afrique, 10 pays se distinguent. Ce sont l'Île Maurice, l'Afrique du Sud, le Rwanda, la Tunisie, le Botswana, le Ghana, la Namibie, la Zambie, le Maroc, et le Kenya. Comment ces pays sont-ils parvenus à impulser une dynamique au monde des affaires ? Quelles sont les qualités qui ont joué en leur faveur ? Ce sont autant de questions qui méritent que l’on jette un coup d’oeil sur ces champions des reformes.

Maurice, la championne

L’Île Maurice se distingue depuis des années comme le champion des pays réformateurs. Depuis 2008, elle tient la cote en termes de pays africain ayant opéré le plus de réformes permettant d’y créer des entreprises et de monter des affaires. Elle est la première économie subsaharienne en termes de facilité réglementaire globale à faire des affaires. Le pays a adopté une nouvelle loi sur l'insolvabilité, créé une nouvelle division commerciale spécialisée au sein des tribunaux, facilité les transferts de propriété et accéléré les processus commerciaux. Sa principale force provient du fait qu’elle a mis l’accent sur la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption. En matière de promotion des produits commerciaux, l’île joue sur ses propres forces. Le premier produit à faire ses pas dans l’économie du pays fut le sucre. Dans les années 70, celui-ci était le produit d’exportation principal. Pris dans la tenaille des fluctuations incessantes du prix du sucre, le pays n’a pas eu d’autres choix que de s’intéresser à d’autres domaines. Face à la concurrence souvent acerbe des géants tels que le Brésil et autres, le pays va se porter vers la diversification. Les textiles entrent alors en jeu. Ainsi au sucre s’ajoutent les textiles, le tourisme et les finances. Ces domaines deviennent les branches économiques les plus importantes de l’île. Le PIB est constitué par 5% de l’agriculture, par 26% de l’industrie et par 69% du secteur tertiaire (le commerce, les finances, le tourisme). A titre d’exemple, toute une gamme de produits est fabriquée à Maurice. Parmi ceux-ci, les principaux sont les pulls en laine, le textile, les vête ments, les articles en cuir, les bijoux, les jouets, les meubles, les montres, les maquettes de bateaux, les conserves, etc. le pays est le 3e exportateur mondial de pulls en laine. L'exportation des produits de zone franche à ce jour représente environ 70% de l'économie mauricienne et le sucre exporté environ 27%. Grâce à sa vitalité côtière et à son projet de développement durable, le tourisme connaîtra une évolution rapide. En 2007, environ 907.000 touristes ont visité l’île Maurice. La plupart d’entre eux viennent de France, de Grande-Bretagne et de la Réunion. L’industrie du tourisme se pose comme objectif d’attirer 2 millions de touristes par an jusqu’à 2015. Ne voulant pas se cantonner à cette réussite, le pays va explorer d’autres pistes en vue de renforcer ses capacités économiques. Les services de la communication seront ciblés avec, en ligne de mire, le développement des services de délocalisation. Les techniques de communication et d’information prennent toute leur place sur l’île.

Promouvoir le développement durable

Secoué par les impacts des changements climatiques, l’île Maurice a élaboré un programme qui vise à contenir les effets des changements climatiques sur son écosystème et ses populations. Le MID (l’initiative Maurice Ile Durable) a donc été lancé. Ce programme, initié en 2008, vise à assurer l’approvisionnement de 65% des besoins énergétiques du pays à partir d’énergies renouvelables produites sur place à l’horizon 2025. Cet ambitieux programme s’est soldé par des résultats probants, dès son lancement. Notamment, «la subvention de 58 millions de roupies (Rs) pour l’achat de chauffe-eau solaires. 4600 familles en ont bénéficié ; le financement de 700 000 lampes basse consommation, l’installation de deux turbines éoliennes». En outre, l’installation de quatre autres turbines éoliennes entre 2010 et 2011, la modification du système d’éclairage des routes, des écoles, des hôpitaux et de l’ensemble de l’éclairage public, pour le rendre plus performant afin de réaliser des économies d’énergies, a été mis en branle. Maurice veut, à travers ses projets, faire du développement durable son crédo. Elle ambitionne de se positionner comme la meilleure en matière d’utilisation d’énergies renouvelables. A cet effet, l’île ambitionne de construire un aéroport écologique. Selon le journal «Les Afriques», «testé la première fois cette année, le passage à l’heure d’été a permis une baisse de la consommation d’énergie chiffrée à 36,4 millions de roupies par le Central Electricity Board (CEB). Et pour stimuler l’achat des voitures moins polluantes (hybrides) comme la Toyota Prius, une réduction de 50% des droits de douane a été décidée en juillet 2008.» Aujourd’hui, la croissance économique atteint en moyenne 5% par an. L'Ile Maurice a un revenu annuel de 3 400 dollars US par habitant et un des plus hauts Indices de Développement Humain dans la région sub-saharienne (0.825). Le taux d'imposition varie de 0% à 35%. Incontestablement, l’Île fait école.

Afrique du Sud, l’un des 4 producteurs d’énergie la moins chère

Le pays du Président Nelson Mandela (le premier Président noir) est connu pour sa richesse diamantifère. En plus de cette richesse, il se classe aujourd’hui parmi les 4 pays les moins chers en électricité dans le monde. Lorsqu’on sait que les facteurs de production jouent sur le rendement des entreprises, on comprend aisément qu’une entreprise investisse plus dans un pays que dans un autre. Il fournit les deux tiers de l’électricité en Afrique. En termes de promotion des affaires, il est aujourd'hui l'un des plus sophistiqués et prometteurs sur les marchés émergents au niveau mondial. La principale force de ce pays réside dans le fait qu’il a pu combiner une infrastructure économique très développée avec une énorme économie de marché. Cela a favorisé une dynamique dans les investissements des entreprises dans un environnement favorable. L’Afrique du Sud se distingue aussi par sa diversité ethnique avec de nombreuses langues reconnues par la Constitution. Cela permet aux entrepreneurs et aux hommes d’affaires de monter facilement leur projet.

Rwanda, le champion dans l’enregistrement des entreprises

Une fois tournée la page du génocide de 1994, le Rwanda s’est vite remis au travail. Les résultats sont tangibles près de 10 ans après la guerre civile. Le pays de Paul Kagamé (du nom du Président de la République) est le 3e pays africain le plus réformateur dans le classement «Doing Business 2012». Sa force réside dans l’enregistrement des entreprises. Grâce aux efforts du Gouvernement, le délai de 24 h est passé à 6 h pour enregistrer une entreprise. Cela a été rendu possible grâce à la réduction des formalités et à la création d’un guichet unique pour la création des sociétés. En plus de cette donne, le pays a classé le secteur privé au premier rang des réformes. Avec le retour à la stabilité politique, le secteur privé connaît une vitalité renouvelée. Il y a 2 ans, ce pays avait une croissance de 7,5%. Cette croissance était soutenue par le secteur tertiaire. Pendant ce temps, le secteur financier et les assurances faisaient un bond en avant de 24%. La main-d'oeuvre est dévouée, énergique et désire vivement être formée. Le gouvernement, par l'intermédiaire du Rwanda Investment Promotion Agency (RIPA), est disposé à travailler avec les investisseurs pour réaliser leurs objectifs et conduire l'économie vers un avenir meilleur. Il y a beaucoup d'opportunités pour les investisseurs possédant des idées dans ce pays qui oublie petit à petit les affres de la guerre.

Tunisie, la tête hors de l’eau

La révolution arabe n’a pas retiré à la Tunisie son caractère de pays réformateur. Juste un mois après les évènements, les affaires ont repris en Tunisie et de plus belle. Pour mieux faire prendre conscience aux populations de la nécessité de s’engager dans le processus des réformes économiques, l’État tunisien a décidé de mettre l’accent sur le dialogue social. Ce dialogue social tripartite réunit autour d’une même table le gouvernement, les syndicats et la société civile. Ce dialogue social se fera en même temps que la mise en chantier des réformes économiques en vue de donner aux provinces tunisiennes un rayonnement économique conséquent. A cet effet, à l’occasion de ces 100 premiers jours à la primature, le Premier Ministre, Hamadi Jebali, lors de son bilan, a fait siennes 5 priorités, à savoir, l’égalité pour les provinces désavantagées, les secteurs vulnérables, l’emploi, la fin du renchérissement du coût de la vie et de l’augmentation des prix. M. Jebali a souligné que son gouvernement allait réserver 6,4 milliards de dinars (3,2 milliards d'euros) au développement des provinces. Un montant estimé à 511 millions de dinars (255,5 millions d'euros) sera affecté à l'emploi, toutes choses qui permettront à la Tunisie de reprendre du poil de la bête sur le marché international.

Botswana, la chance du diamant

La performance de l’économie du Botswana a gagné en notoriété à cause d’une gestion rationnelle de ses ressources diamantifères. Dans ce pays, la malédiction des ressources minières n’a pas eu lieu. Classé parmi les pays les moins avancés du monde lors de son accession à l’indépendance en 1966, le Botswana a pu rattraper son retard en se classant aujourd’hui parmi les nations à revenu moyen. L’une des causes de cette envolée économique est la découverte du diamant qui a littéralement favorisé une croissance jamais égalée dans l’histoire de ce pays. Entre 2000 et 2008, les revenus du diamant ont représenté en moyenne à peu près 40 % du PIB. Durant la dernière décennie, ce pays enclavé de 2 millions d’habitants a fait passer son revenu par habitant de 3 180 $ US à 6 890 $ US. Cette performance est le fruit d’une politique avisée entre la gestion de la pression démographique et la gestion de la pression économique. En effet, entre 1966 et 1993, le pays a connu une croissance du PIB réel de 11% par an en moyenne alors que la pression démographique gravitait autour de 3,2%, soit une croissance du PIB réel par habitant d’environ 8%. En termes d’indicateurs, le progrès social induit est éloquent. En 2009, 96,5% de la population avait accès à l’eau potable. Le ratio dépenses de santé par habitant était de 600$/hab. et plus de 95% des habitants avaient accès à un centre de santé dans un rayon de 8 kilomètres autour de leur domicile. La gratuité des frais de scolarité est une réalité au primaire et au secondaire, il est financé à 95%. Ce sont des réalités qui ont fait de ce pays l’un des plus adulés sur le continent.

Ghana, Namibie, Zambie, ils n’ont pas démérité

En termes de promotion des réformes économiques et de la libre entreprise, le Ghana, la Namibie et la Zambie n’ont pas démérité. Pays anglophone très regardant sur la promotion des affaires, le Ghana est l’un des rares pays en Afrique de l’Ouest à avoir une croissance à 2 chiffres. La Namibie de son côté, tout comme le Kenya, a su mettre l’accent sur la réforme de son secteur touristique pour faire en sorte que les bénéfices de la faune et de la flore profitent aux investisseurs privés et à l’État.

Maroc et Kenya, le bout du tunnel n’est pas loin

Le Royaume chérifien et le Kenya sont, en Afrique, les 2 pays sur les 10 meilleurs réformateurs à boucler la marche. La principale force du Maroc réside dans la promotion des Petites et Moyennes Entreprises (PME). Il est l’un des champions dans ce domaine en Afrique. Le dernier rapport de la Banque mondiale montre que le Maroc a fait une très nette progression dans le domaine de la performance logistique, en passant de la 113e place mondiale en 2007 à la 50e en 2012 sur la base des Indicateurs de Performance Logistique (LPI). Ce qui fait du Royaume, l’un des pays qui ont réalisé des améliorations de leurs performances de logistique commerciale «supérieures à la moyenne» dans le groupe des pays à revenu intermédiaire. Quant au Kenya, l’un de ses principaux atouts est sa stabilité politique avec, à la clé, une gouvernance politique et économique, à la hauteur des attentes des Kenyans et de la Communauté internationale. Car, là où il y a la paix, il y a développement. Et, là où il y a développement, les réformes économiques sont mieux acceptées et mieux exploitées.