Article publié le 2012-07-04 par Par Cyrille Momote Kabange Chronique
LES COUPS DU DESTIN [02/2012]
Portrait de Victor Hugo par Léon Bonnat (1879), conservé au château de Versailles.

Les notions de temps, d’immortalité ou d’éternité se recoupent et prennent pour tous les hommes l’allure d’un destin particulier dans lequel toutes ces notions interfèrent sans que jamais les intéressés s’en rendent compte. Dans ce monde dont le fonctionnement nous échappe, y compris la manière dont nous cheminons dans l’histoire, la prudence confine à l’humilité et les deux peuvent seules nous épargner de tragiques surprises.

LE MONDE MARCHE SUR LA TETE

L’éventualité d’une crise mondiale de même amplitude que celle de 1929 a été occultée pendant très longtemps alors même que les effets délétères de l’effondrement économique du monde occidental en 1929 eurent un impact sérieux par exemple sur la situation en Allemagne (la république de Weimar). A cet égard, rappelons que le mark était tellement dévalué qu’il fallait un sac de billets pour acheter un pain. Un itinéraire tragique au long duquel s’amoncelèrent tous les ingrédients d’une déflagration ultérieure : la montée du nazisme, la guerre d’Espagne, l’avènement de Mussolini en Italie, etc. Bref, les cheminements du destin historique sont insondables. Tous les événements ou avènements portaient en eux la mémoire des dérèglements moraux des hommes dont la vanité empêchait de tirer les leçons de l’histoire. Ainsi donc, la grande Histoire grouille de ces actes manqués dont toutes les époques sont affublées. Qu’à cela ne tienne, les choses se passent comme si la destinée conduisait nos semblables à s’aveugler sur leur condition montrant par le manque de prise sur l’avenir, leur finitude.

Aujourd’hui comme hier, les changements à tous les niveaux de l’évolution sociale sont les révélateurs de cette «folie» prométhéenne. L’exemple de ces progrès technologiques et scientifiques révèlent la vanité des apprentis sorciers lesquels manipulent les matériaux vitaux sans savoir où cela les amène, et quelles seraient les conséquences de ces expériences dont on ne maitrise pas les tenants et les aboutissants. A ce jour, les contrecoups des débordements techno-scientifiques se prolongent dans les méandres de l’existence et dominent tout le champ de conscience. Les hommes de ce temps, gonflés comme des baudruches, n’ont de leur destin que les apparences de la réalisation ainsi que le laisse voir l’absence de prévision de la part des grands États européens, y compris les pays moyens qui n’ont pas anticipé au sujet de graves difficultés dont les causes remontent à plusieurs décennies.

1929 aurait dû être l’aiguillon des politiques économiques et financières promues pendant 10 ans et qui ont laissé filer les déficits en même temps qu’ils se sont assis sur les mécanismes tortueux et pervers mis sur pied par les banques au vu et au su de tout le monde. D’où l’incapacité des États de réguler les marchés et ses immenses tentacules, le venin ayant été disséminé dans tout l’espace capitaliste. Certes, l’Europe se bat à ce jour fougueusement contre l’hydre de Lerne et face aux difficultés de la manoeuvre opte pour l’austérité au risque de tuer la croissance, synonyme de remède à ce drame du chômage qui défraie la chronique depuis 4 ans.

Ce coup du destin dévoile les dessous d’une armature des pays industrialisés assez fragilisée par l’excès de confiance en eux des dirigeants. Les allures matamoresques de ces derniers les empêchent d’aller au fond d’eux-mêmes pour appréhender le pourquoi et le comment des choses – et non seulement le comment !

UN SUPPLEMENT D’AME

A l’échelle des rapports entre la science et la politique, les États les plus puissants feraient mieux d’abandonner la vulgate scientiste qui induirait la méfiance vis–à–vis de toute construction spirituelle.

La solution de la grave crise que traversent les démocraties occidentales est à ce prix. En effet, il est de la plus haute importance que les réunions du 68 cessent d’être des messes noires au cours desquelles les prêtres maudits se calfeutrent dans des logiques économistes récitant les mêmes formules qui plombent les valeurs morales. Au contraire, un supplément d’âme est nécessaire à ces haut-dignitaires qui pontifient le plus souvent à Davos en Suisse. Sinon, le modèle matérialiste qui a produit les inégalités et provoqué tant de drames humains sur la planète ne pourrait échapper au déterminisme tragique auquel le vouent ceux qui ferment les yeux devant les innombrables dénis de justice et ne veulent pas remettre en question leur gestion des ressources mondiales. Face aux cataclysmes naturels qui ont un rapport direct avec les options politico–économiques qui privilégient les comptes d’apothicaires des banquiers, à des élans d’altruistes, lesquels prendraient la mesure des vrais enjeux de la planète, la déflagration générale passe du domaine des fantasmes catastrophicistes à une hypothèse plausible.

PERSONNE NE PEUT FAIRE SEMBLANT

Autant que les problèmes économiques et financiers qui assombrissent le visage des habitants de certains grands pays du monde, ceux-ci sont d’autant plus angoissés que la crise les révèle à eux-mêmes comme souvent enclins à l’auto-satisfaction et peu regardants pour les autres. Les faits les plus stressants se rapportent à la géostratégie comme l’état d’esprit des soldats européens engagés en Afghanistan qui voient leurs collègues tombés au champ d’honneur, les menaces de guerre en imaginant les suites qu’aura peut-être un éventuel échec des négociations autour du nucléaire iranien. Sans doute qu’avec un tel chapelet de mauvais présages, la peur a changé de camp dans les pays qui, hier encore, faisaient la pluie et le beau temps dans un monde à leurs pieds.

« L’avenir », écrivait Victor Hugo à l’adresse de Napoléon II qu’il exécrait, « l’avenir n’appartient à personne. Mais à Dieu ». Ainsi donc le destin est un mystère. Rien n’autorise personne à faire semblant.