Article publié le 2012-07-04 par Par Anthony Vercruisse Economie
Diamant au Botswana -«La malédiction des ressources» n’aura pas lieu [05/2012]
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Le Botswana est en train d’écrire l’une des plus belles pages de son évolution économique. La découverte du diamant dans ce pays a accru de façon exponentielle le produit intérieur brut. Les Botswanais se frottent les mains car les revenus du diamant profitent à la population.

Classé parmi les pays les moins avancés du monde lors de son accession à l’indépendance en 1966, le Botswana a pu rattraper son retard en se classant aujourd’hui parmi les nations à revenu moyen. L’une des causes de cette envolée économique est la découverte du diamant. Cette découverte a littéralement favorisé une croissance jamais égalée dans l’histoire de ce pays. Entre 2000 et 2008, les revenus du diamant ont représenté en moyenne à peu près 40 % du PIB. Durant la dernière décennie, ce pays enclavé de 2 millions d’habitants, a fait passer son revenu par habitant de 3 180 $ US à 6 890 $ US. Cette performance est le fruit d’une politique avisée entre la gestion de la pression démographique et de la pression économique. En effet, entre 1966 et 1993, le pays a connu une croissance du PIB réel de 11% par an en moyenne alors que la pression démographique gravitait autour de 3,2%, soit une croissance du PIB réel par habitant d’environ 8%. En termes d’indicateurs, le progrès social induit est éloquent. En 2009, 96,5% de la population avait accès à l’eau potable. Le ratio dépenses de santé par habitant était de 600$/hab. et plus de 95% des habitants avaient accès à un centre de santé dans un rayon de 8 kilomètres autour de leur domicile. La gratuité des frais de scolarité est une réalité au primaire et au secondaire, il est financé à 95%. Barack Obama le disait «l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais d’institutions fortes». Les autorités botswanaises l’ont compris, elles qui, dès l’accession à l’indépendance, ont travaillé à mettre en place des institutions facilitant les investissements et la liberté économique. Une meilleure gouvernance dans la gestion des ressources et des politiques macroéconomiques responsables a été instaurée. Le bienfait de ce système a permis la création d’une épargne interne.

Diversifier la structure productive

Face à sa dépendance accrue au diamant, les autorités ont compris que pour faire de l’industrie une locomotive capable d’entrainer plusieurs secteurs, il fallait diversifier les sources de production de richesses. Le diamant doit entraîner les autres secteurs. Pour ce faire, 2016 a été visé pour faire de cette économie une économie émergente. La stratégie consiste à mettre en place un processus de diversification de la structure productive et de la spécialisation. L’effet d’entrainement du diamant sur les autres secteurs de l’économie a été bénéfique. Les activités annexes à la production diamantifère ont permis au pays de développer un système social efficace. A cet effet, Tyrrell Duncan, Keith Jefferis et Patrick Molutsi, dans une étude publiée par l’Unicef, pensent qu’on peut s’inspirer de l’expérience du Botswana en la matière. «L’expérience du Botswana en matière de développement social est d’abord intéressante dans la mesure où elle a permis aux indicateurs sociaux de ce pays de progresser considérablement au cours des 30 dernières années. Rien que sur cette base, on pourrait tirer des enseignements utiles de l’expérience du Botswana en matière de prises de décisions politiques, de développement institutionnel et d’allocation des ressources», affirment-ils. Une économie tournée vers le social produit toujours des bénéfices considérables. Toutes les études ont montré qu’une personne n’ayant pas de soucis à se faire sur la manière d’assouvir ses besoins primaires (manger, se soigner, avoir un toit pour dormir, se vêtir) est plus productif que celui qui a du mal à joindre les deux bouts. Une économie prospère est celle qui allie création des richesses avec environnement des affaires favorable. Sur ce territoire de 582 000 km2, l’État a renforcé les incitations à l’amélioration du climat des affaires et a assoupli la rigidité des marchés. Conséquence : un changement structurel progressif a été observé avec une diminution relative du secteur primaire (25,9% du PIB en 2009 contre 38% en 2005) au profit du secteur tertiaire (26% contre 20,8%) et, de façon timide, des industries manufacturières (4% contre 3,5%).

Une stabilité politique payante

L’une des forces de l’économie de ce pays est sa stabilité politique. Le Botswana a pu gérer son unicité et sa pratique démocratique grâce à la clairvoyance de ses dirigeants. Constitué pratiquement d’une seule ethnie, le pays a su appliquer ses réformes de façon constante durant ces vingt-cinq dernières années. L’étude publiée par l’Unicef affirme que, grâce à la stabilité de sa situation politique et à la santé de son économie, le Botswana est l’un des rares pays à avoir conservé les mêmes principes et à avoir poursuivi les mêmes objectifs de développement pendant plus de 25 ans, en établissant et en appliquant ce qui s’est avéré une stratégie de développement national à long terme, et ceci avec une bonne dose de cohérence, d’engagement et de prudence. Il est pratiquement parti de zéro pour bâtir un modèle de développement social. Ce modèle qui fait école en Afrique s’est opéré grâce à l’utilisation rationnelle des ressources diamantifères. «Le modèle de développement de l’État botswanais a été centré sur la maximisation de l’efficience économique de la rente issue des ressources naturelles pour briser le cercle vicieux du sous-développement en finançant ses propres investissements et ses dépenses sociales, tout en évitant de tomber dans le piège de la dette», témoigne un analyste économique. La montée fulgurante de cette économie dans le gotha des nations émergentes témoigne si besoin en était que l’Afrique a les ressources pour se développer. Il suffit de savoir organiser son économie pour que les retombées puissent profiter à toute population.