Article publié le 2012-07-04 par Par Alain Traoré Dossier
Démocratie et liberté d’expression - Les deux faces d’une même médaille [04/2012]
Statue de la Liberté © Mark Meeker

La démocratie et la liberté d’expression sont deux entités inséparables. L’une ne va pas sans l’autre dans la gestion de la vie de la cité. Sans liberté d’expression, il n’y a pas de démocratie et vice-versa. En Afrique, la démocratie a boosté la liberté d’expression quand la dernière citée permettait l’ancrage de l’autre.

L’ancien Président Ghanéen, John Jerry Rawlings, disait qu’«aujourd’hui la démocratie en Afrique a été remplacée par le système des élections mais la démocratie va au-delà des urnes. La vraie démocratie consiste à assurer la liberté d’expression, la diversité linguistique et culturelle qui sont des moteurs très importants et les prémices d’un état de droit». Rawlings pose avec acuité la tentation de réduire la démocratie à sa simple expression. Or, cette forme de gouvernance politique va audelà du calcul mathématique des chiffres. La forme achevée de la démocratie s’obtient par la liberté de s’exprimer, de critiquer pour améliorer l’existant, de choisir ceux qui sont aptes à conduire les destinées d’une nation. Il ne s’agit pas là de faire du verbiage quant à la nécessité d’être démocratique ou de ne pas l’être. Aucune démocratie ne se construit si la liberté d’informer, de manifester, de jouir de ses droits légaux, de bénéficier d’une justice équitable n’est pas présente. La liberté d’expression conduit inéluctablement à l’ancrage d’une démocratie participative. Cette démocratie participative découle du pouvoir du peuple à s’exprimer à temps et à contretemps, d’aller au-devant de ses responsabilités sociales, politiques, économiques et culturelles. En Afrique, durant de nombreuses années, bien après l’avènement du multipartisme, les pouvoirs en place ont commencé à libéraliser l’accès aux médias et les canaux de communication. La vraie démocratie consiste à assurer la liberté d’expression. Cette liberté d’expression s’enracine dans la capacité des Africains à prendre en main leur destin. Pour cela, la chose politique doit intéresser la jeunesse au plus haut point car c’est à cette frange de la population de décider de son lendemain.

Éviter d’être traités de moutons de panurge

En Afrique, la jeunesse semble avoir délaissé la politique pour des raisons qui s’expliquent, notamment, la perte de confiance dans les hommes politiques. Cependant, cette réalité ne doit pas démoraliser «la troupe» car, lorsque l’on constate que ceux en qui on a placé notre confiance ne la méritent pas, il n’est pas incongru de se battre pour prendre la place de ces derniers ou travailler à faire élire ceux qui méritent plus de confiance. La jeunesse, à travers différentes voies d’expression, doit éviter d’être traitée en mouton de panurge. La démocratie l’exige, la liberté d’expression aussi. Pour ce faire, la jeunesse doit, de ce fait, participer au débat démocratique. Cette participation peut se faire à travers les canaux de communication qu’offrent les médias. Dans «Médiacratie et démocratie», le Dr Seydou Dramé explique le bien fondé de l’utilisation des médias qui constituent le quatrième pouvoir dont la force de proposition est un atout pour la jeunesse : «Le quatrième pouvoir est devenu un enjeu démocratique. Si l’être humain vit comme un être libre, c’est grâce à l’information, qui lui permet de comprendre son environnement et d’y réagir ». Chacun reconnaît que «qui détient la connaissance, c’est-à-dire l’information, détient le pouvoir». La démocratie ne s’exprime au mieux qu’à travers des canaux de communication accessibles à la population. Savoir identifier les actions de développement, savoir les rendre publiques par le truchement de la communication, sont les atouts des hommes politiques. Rawlings le disait : «Même la voie des urnes ne respecte plus la voix du peuple à la base. Et du moment où le peuple n’a plus de tribune d’expression, l’on ne peut que parler d’un simulacre de démocratie». De prime abord, la connaissance d’un peuple, d’une nation, ne s’exprime qu’à travers sa voix, à travers sa capacité à transmettre ses opinions, ses savoirs, cachés ou révélés, à ceux qui sont chargés de transmettre l’information de génération en génération.

Des exemples sur le continent

Sur le continent, le Botswana, le Niger, l’Afrique du Sud, le Bénin ont fait preuve d’une stabilité politique qui mérite d’être citée en exemple. La particularité de ces pays est qu’ils ont, au fil des ans, travaillé à éduquer et à sensibiliser leur peuple aux bénéfices de cette forme de gouvernance. Cette éducation s’est soldée par la participation du peuple à la construction de la nation par les différentes propositions et idées issues des couches laborieuses. Un peuple éduqué et informé est davantage prompt à prendre en charge son développement qu’un peuple qui ne l’est pas. Si le Ghana a une croissance de plus de 13 % aujourd’hui, c’est qu’il a mis en exergue la démocratie à travers la liberté d’expression. Des centaines de journaux sont publiés au Ghana au jour le jour. Mieux, de nombreux journaux sont publiés en langues nationales. Cela permet de véhiculer l’information auprès du plus grand nombre, auprès de ceux qui ont été alphabétisés dans leur langue maternelle. Ces derniers, informés de l’évolution politique de leur nation, sont outillés pour participer au débat sur son avenir. Ils deviennent des forces de proposition. La liberté d’expression n’a de valeur que lorsqu’elle permet aux individus d’être des forces de proposition pour le développement de leur nation.