Article publié le 2012-07-04 par Par Anthony Vercruisse Dossier
Contrôle de gouvernance - Des instruments pour mesurer la bonne gouvernance [03/2012]
Mo Ibrahim © UNESCO / D. Bijeljac

Depuis l’avènement de la bonne gouvernance dans les pratiques économiques et politiques des nations, de nombreux instruments de mesure de cette forme de gouvernance ont vu le jour sur le continent. Ces instruments de contrôle, tant sur le plan public que privé, permettent de mesurer avec efficacité les meilleures pratiques en la matière. Décryptage.

Les années se suivent et ne se ressemblent pas en matière de gouvernance en Afrique. Après les années 1990, suivies de l’introduction de la bonne gouvernance dans les pratiques politiques et économiques internationales, des instruments de contrôle, de surveillance, de quantification de cette bonne gouvernance ont vu le jour sur le continent. Ces instruments créés par des ONGs, des personnes privées et morales, des États permettent de jauger, de façon périodique, l’état de la bonne gouvernance en Afrique. Que ce soit sur le plan international ou sur le continent, ces instruments permettent de donner aux États, une lecture de la pratique de cette forme de gouvernance dans leur pays. Parmi ces instruments, certains sont plus en vue tels le Mécanisme Africain d’Évaluation par les Pairs (MAEP), Transparency international, l’Indice Mo Ibrahim sur la bonne gouvernance en Afrique, etc..

Le MAEP, se faire juger par ses pairs

Le Mécanisme Africain d’Évaluation par les Pairs ou entre Pairs (MAEP) est un instrument auquel adhèrent volontairement les États membres de l’Union africaine, un mécanisme africain d’auto-évaluation. Selon le mandat du MAEP, il consiste à s’assurer que les politiques et pratiques des États parties sont conformes aux valeurs convenues dans le domaine de la gouvernance politique, économique et des entreprises, ainsi qu’aux codes et normes de la Déclaration sur la gouvernance démocratique, politique, économique et des entreprises. Le MAEP est un instrument accepté mutuellement par les États parties pour leur auto-évaluation. Quant à ses objectifs, l’essentiel est d’encourager l’adoption de politiques, normes et pratiques en vue de promouvoir la stabilité politique, une croissance économique élevée, un développement durable et une intégration économique sous-régionale et continentale accélérée grâce au partage des expériences et au renforcement des meilleures pratiques et des acquis, y compris l’identification des lacunes et l’évaluation des besoins dans le domaine du renforcement des capacités. Ainsi, le Mécanisme dispose de principes qui lui permettent d’avoir une efficacité dans la mise en oeuvre de ses activités. En effet, au MAEP, toute évaluation entreprise dans le cadre du Mécanisme doit se faire sur la base des compétences techniques et doit être crédible et libre de toute manipulation politique. La participation est libre pour tout État de l’union africaine qui le souhaite. Il suffit pour cela de le notifier au président du Comité des chefs d’État et de gouvernement chargé de la mise en oeuvre du NEPAD. Par cette notification, les États membres concernés s’engagent à se soumettre à des évaluations périodiques entre pairs, à faciliter ces évaluations et à être guidés à cet égard par les paramètres convenus pour la bonne gouvernance politique, économique et des entreprises. Plus de sept ans après, les résultats sont faibles en matière de soumission des États à l’exercice. Peu d’États ont mis en place les instruments du mécanisme. Sur les trente pays ayant adhéré, quatorze ont accepté de se soumettre à l’évaluation. Les pays anglophones dament le pion aux pays francophones. Le Ghana a été le premier pays à se soumettre à l’exercice.

L’indice Mo Ibrahim, une constance dans la mesure

Parmi les «instruments de mesure» de la bonne gouvernance, figure en bonne place l’Indice Mo Ibrahim pour la promotion de la pratique sur le continent. Créé en 2007, l'Indice Ibrahim est la collecte la plus complète de données quantitatives fournissant une évaluation annuelle de la qualité de la gouvernance pour chaque pays africain. Compilé en partenariat avec les experts de plusieurs institutions africaines, l'Indice Ibrahim propose un instrument permettant aux citoyens, autorités publiques et partenaires de mesurer les progrès accomplis en matière de gouvernance. Selon son site web, l'Indice est composé de 86 indicateurs fournis par 23 sources différentes mesurant l'efficacité de la livraison des biens et de la prestation des services publics aux citoyens. Dans ses composantes figure le Prix Ibrahim pour un leadership d'excellence en Afrique. Ce prix, mis en place en 2007 aussi, distingue le leadership d'excellence en Afrique. Il est décerné à un ancien chef d'état ou de gouvernement par un Comité d'attribution du Prix composé de personnalités éminentes, dont deux lauréats du prix Nobel. Le président Joaquim Chissano (2007), le président Festus Mogae (2008) et le président Nelson Mandela (lauréat honoraire) figurent parmi les précédents lauréats. En 2009 et 2010, le Comité d'attribution du Prix n'a pas décerné le Prix Ibrahim. En 2011, c’est le Président cap-verdien Pedro Pires qui a remporté ce Prix. Le prix Ibrahim est décerné à un ancien chef d'État ou de gouvernement africain, élu démocratiquement, ayant quitté ses fonctions au cours des trois dernières années dans le respect des normes établies par la constitution nationale et ayant fait preuve d'excellence au cours de son mandat. Le prix se présente sous la forme d’un montant de 5 millions de dollars sur dix ans complété par 200 000 dollars versés chaque année, à vie. C’est le prix annuel le plus richement doté au monde. La Fondation peut envisager une dotation annuelle supplémentaire de 200 000 dollars, pendant dix ans, pour des activités d’intérêt public ou des grandes causes soutenues par le lauréat..

Transparency international, traquer la corruption

Sur le plan mondial, l’ONG Transparency international semble être l’un des meilleurs instruments de la jauge de la bonne gouvernance. Sa principale activité est la lutte contre la corruption sous toutes ses formes. Elle rassemble des individus dans une puissante coalition mondiale pour mettre fin à l'impact dévastateur de la corruption sur les hommes, les femmes et les enfants du monde entier. Sa mission principale consiste à créer un changement vers un monde exempt de corruption. Cette ONG conteste l'inéluctabilité de la corruption, et offre l'espoir à ses victimes. Depuis sa fondation en 1993, elle a joué un rôle de premier plan dans l'amélioration des conditions de vie de millions de personnes à travers le monde grâce à une organisation dynamique du mouvement anti-corruption. Elle sensibilise l'opinion et diminue l'apathie et la tolérance de la corruption. En outre, elle conçoit et met en oeuvre des actions concrètes pour y remédier. Elle est un réseau mondial comprenant plus de 90 sections nationales établies dans différents pays du monde. Sur le plan local, les sections de Transparency international rassemblent les acteurs concernés du gouvernement, de la société civile, des entreprises et des médias pour promouvoir la transparence dans les élections, dans l'administration publique, dans les marchés et dans les affaires. Politiquement non-partisane, elle n’entreprend pas des enquêtes sur des allégations de corruption ni n’expose des cas individuels, mais à certains moments, elle travaille en coalition avec les organisations qui le font. De par le monde, elle a les compétences, les outils, l'expérience, l'expertise et exerce une large participation dans la lutte contre la corruption sur le terrain, ainsi que par des initiatives mondiales et régionales.