Article publié le 2012-01-11 par Par Anthony Vercrusse Politique
Une nouvelle histoire s’écrit [12/2011]
Graffiti, Place Tahrir, Le Caire, Novembre 2011 © Denis Bocquet

L’année qui s’écoule aura été marquée par des crises sociopolitiques dans différentes parties du continent. A l’analyse de cette vague de protestation partie du Nord de l’Afrique pour contaminer le reste du continent, on constate, à une exception près, qu’un nouveau visage se dessine pour le continent.

« Plus rien ne sera comme avant », semble avoir dit l’année 2011 aux Africains. Sur le plan politique, on ne sait comment qualifier les révolutions arabes qui ont secoué les pays de l’Afrique du Nord. De la Tunisie à l’Égypte, en passant par l’Algérie, le Maroc, (la Libye étant une exception), les peuples africains ont d’une seule voie réclamé la liberté et la démocratie. Partie de l’immolation par le feu d’un jeune vendeur, la Tunisie s’est embrasée. Par effet de contagion, les autres pays ont suivi avec des fortunes diverses. Les « dictateurs » ont plié l’échine ; un nouvel ordre de revendication embrasait le continent.

Tunisie, le déclencheur

Le calme apparent de ce pays, sa stabilité politique depuis des décennies cachaient mal la haine de ses habitants. Il a fallu une erreur de la police pour que la paille prenne feu. Les vieux démons du chômage se réveillèrent dans le coeur d’une jeunesse meurtrie et affamée. La colère, le ressentiment leur montèrent au visage. Des revendications corporatistes se muent en un mouvement généralisé. Sans armes, les civils descendent dans la rue et réclament justice. Le pouvoir tente, comme à l’accoutumée, de disperser les manifestations par la force. Un peuple affamé est plus dangereux qu’un lion blessé. Le peuple oppose une résistance hors du commun, le pouvoir cède. Le cas de la Tunisie aiguise et réveille des appétits chez les voisins dont les chefs d’État ont monopolisé le pouvoir. C’est l’élément déclencheur d’un mouvement social qui contaminera le Maghreb en tendant ses tentacules au Moyen-Orient. Durant ces crises, l’Afrique a perdu des fils, tombés sous les balles des forces de l’ordre. Comme par enchantement, les autres pays ont suivi avec des bilans mitigés.

Égypte, le berceau renaît de ses cendres

Le régime de Hosni Moubarak n’a pas attendu longtemps pour être voué aux gémonies. En un tour de main, des manifestants sortis de nulle part réclament d’abord de meilleures conditions de vie et de travail. Le pouvoir essaie de les contenir en leur proposant des réformes politiques. Rien n’y fit. Le peuple semble avoir soif de liberté, de justice et de démocratie. Les mots et les marches auront raison des armes et des promesses du gouvernement. Après plus de trois semaines de revendications, 310 millions de dollars par jour partis en fumée, le verdict tombe. Le pouvoir est obligé de lâcher du lest, de céder. L’armée prend le contrôle du pays pour « éviter un bain de sang et plonger le pays dans le chaos ». C’est la renaissance de l’Égypte. Les anciens du régime sont arrêtés et traduits devant les juridictions compétentes. Une nouvelle ère souffle sur les pyramides. Sans oublier les autres États limitrophes.

Algérie, la contagion

La contagion gagne l’Algérie. En janvier de cette année, les Algériens imitent les Tunisiens. Des jeunes bras valides veulent s’immoler par le feu. La tentation gagne du terrain. Les uns et les autres, côté pouvoir, cherchent leurs marques. L’ancienne colonie française veut s’émanciper. La rue en a assez des promesses non tenues. Elle veut le faire savoir de façon véhémente, à sa manière. Le peuple se dresse. Ce qui a réussi en Tunisie réussira en Algérie. D’émeutes en émeutes, les manifestants deviennent incontrôlables. Le pouvoir rend son tablier sans crier gare. Le vent de la liberté est passé par là.

Maroc : « Touche pas à ma monarchie »

Le royaume chérifien s’est illustré par une révolution singulière. Ici, le peuple a revendiqué sans « foutre en l’air » les fondations de son Royaume. Les Marocains ont semblé dire : « on veut plus de réformes politiques, de justice mais ne touchez pas à notre monarchie ». Le Roi Mohamed VI l’a compris en appelant son peuple à la retenue tout en opérant des réformes politiques. Ces réformes ont eu pour effet de calmer les esprits après des semaines de revendications. Un nouveau gouvernement est formé avec, à la clé, l’avènement d’une forme de démocratie à la « sauce marocaine ». Le Roi reste à son poste tout en gardant son mode de succession. Le Premier ministre est soumis au choix du peuple. Tout rentre alors dans l’ordre.

Libye, l’exception

La crise libyenne est l’exception qui confirme la règle dans ce mouvement social qui a touché le monde arabe. S’il est vrai que Mouammar Kadhafi a passé 42 ans au pouvoir, il est aussi vrai que « la révolution libyenne a été montée de toutes pièces pour en finir avec un trouble-fête ». Dans ce jeu de ping-pong, l’intervention de l’OTAN dans un pays africain est le signe de la domination du monde occidental sur l’Afrique. On le sait, la France n’a pas lésiné sur les moyens pour armer, nourrir et soutenir les rebelles contre le régime de Kadhafi. Dans cette « croisade contre le Guide », l’Afrique est restée muette comme une carpe. Avait-elle le choix lorsque ses intérêts sont dictés par l’extérieur ? La crise libyenne a sonné le réveil de la Françafrique. De façon laconique, elle est le révélateur d’une Afrique désunie, en manque de conviction de la part de ses dirigeants. En Libye, toute l’Afrique a été coupable. Et, il faut avoir le courage de le dire et de l’affirmer.

Au Sud du Sahara, une tempête dans un verre d’eau ?

En Afrique subsaharienne, les mouvements de contestation n’ont pas eu la même ampleur qu’au Nord du continent. Des pays comme le Sénégal, le Burkina Faso, la Guinée Conakry ont connu des agitations sociales avec des fortunes diverses. Au Burkina Faso, de février à mai 2011, des mutineries successives ont mis à mal la quiétude des populations et la stabilité du pays. Las des mutineries des militaires accompagnés de vols et de séquestrations de civils, l’État a dû répondre par la force. Bilan ? Des militaires tués, plus de 500 radiés de l’armée, le changement de tout le commandement militaire et celui de la gendarmerie. Pour calmer les ardeurs, un nouveau gouvernement a été formé avec la prise de mesures pour faire face à la vie chère et opérer des reformes politiques et institutionnelles.

Grosso modo


En bref, le domaine politique a été des plus mouvementés en 2011 en Afrique. Excepté quelques pays dont la gestion politique a balayé du revers de la main les progrès enregistrés par la majorité des pays du continent en matière de démocratie et de promotion des droits de l’homme, le berceau de l’humanité a tiré son épingle du jeu en ce qui concerne sa stabilité politique. Toutefois, Il y a eu des perturbations majeures. Que ce soit au Maghreb, en Afrique centrale, australe, de l’Ouest ou du Centre, malgré des conflits internes sporadiques çà et là, l’Afrique est restée debout. Les nations africaines ont été « politiquement secouées ». Des conflits tels ceux du Darfour, du Tchad, de la Côte d’Ivoire ont été résolus ou sont en passe de l’être. La Guinée-Conakry, grâce aux élections présidentielles qui ont connu la victoire d’Alpha Condé est en train de panser ses plaies malgré quelques troubles sporadiques. Malgré ces crises, l’espoir de pouvoir se forger un destin constitue un fortifiant pour les populations. En Côte d’Ivoire aussi, les élections libres, transparentes ont permis d’inscrire à nouveau ce pays dans le concert des nations ayant renoué avec la paix. Incontestablement, 2011 a été l’année des réformes. Il est à souhaiter que 2012 ouvre une ère de progrès et de prospérité politique.