Article publié le 2011-12-15 par Par Alain Traoré Dossier
Dossier Arts africains / Différentes manifestations de l’art - Un tremplin pour des expressions diverses [11/2012]
© Brandon King

On ne peut parler des arts africains sans parler des différentes manifestations, des symboles, des créations de ce domaine. Les différents objets qui rentrent dans la fabrication ou la conception des formes artistiques ont des significations intimement liées au vécu des populations.

Léopold Sédar Senghor disait à propos de la signification des objets dans l’art que « tous les objets usuels, si humbles soient-ils, supportent en général un élément décoratif destiné à les enjoliver, mais aussi à signifier quelque chose, leur appartenance à quelqu’un, leur fonction ou leur importance. Il existe une identité fonctionnelle entre l’art africain et l’art de la Grèce antique ; dans les deux cas, l’utilisation de la statue comme simulacre du dieu, est exclusive ». Les différentes manifestations de l’art sont multiples et variées. Tout a un sens et une portée dans la gestion des oeuvres artistiques. Que ce soit le djembé, les peintures, le masque, le tissage, les bijoux, les appréciations foisonnent dans cet univers.

Le masque

Le masque a une signification particulière pour chaque peuple africain. Sa dimension transversale fait de cet objet d’art un élément essentiel dans la rythmique de la vie des populations. Le poète président affirme à cet effet, que « le masque est conçu comme un intermédiaire entre la réalité et le surnaturel et doit être à ce titre considéré dans un contexte global. Par exemple, chaque membre des sociétés secrètes possède un masque symbole qu’il porte lors de réunions ésotériques et parfois en public à la fin de cérémonies particulières à caractères religieux. Ces sociétés secrètes d’Afrique noire sont généralement chargées de maintenir l’ordre, de faire respecter les lois et d’exercer le contrôle social et politique au sein de la collectivité. Au nombre des activités essentielles de ces sociétés secrètes, l’initiation des adolescents. Le passage à l’âge adulte implique la connaissance des valeurs religieuses et sociales ». Cette affirmation démontre, à plus d’un titre, la valeur intrinsèque et cardinale de la place des masques dans les sociétés africaines. Il est sacré à plus d’un titre. On remarque souvent, dans le cycle de la vie des populations, des manifestations entièrement dédiées à l’expression scénique des masques. Au Burkina Faso, existe le Festival des masques et des arts de Dédougou (FESTIMA), une ville située à l’Ouest du pays. Ce festival est une occasion unique de promouvoir la fonction du masque dans l’univers des populations. Lors de sa 10e édition célébrée en 2010, cette manifestation a rassemblé des centaines de masques venus de différents pays d’Afrique. Ladite 10e Edition du festival international des masques et des arts de Dédougou a accueilli 34 villages ou groupes de sociétés de masques d’Afrique, d’Europe et d’Amérique. Ce festival permet aussi l’observation des divers types de masques traditionnels, notamment, les masques de feuilles, les masques de fibres, les masques de plumes, les masques blancs, les masques de paille, les masques de peaux. Selon un site internet qui traite de la problématique des masques : « Le masque est généralement en bois, façonné à la main et prend différentes formes selon les peuples africains. Chez les Luba, les masques occupaient une place importante dans la tribu. Les plus connus sont ceux de l'institution Kifwebe. Ils sont couverts de lignes parallèles de deux couleurs contrastées. Au Gabon, les masques sont souvent blancs, la couleur qui représente l'ancêtre. Ils célèbrent les naissances, désignent aussi les coupables lors d’un jugement de justice. Au Mali, on trouve des masques Dogon qui évoquent souvent la forme d'un animal selon leur mythologie. Au Cameroun, on peut également voir des masques animaliers. » Les différentes expressions véhiculées par les masques sont le fruit de leur sacralité, de leur présence dans le quotidien des peuples. Ils rythment la vie des hommes.

Le djembé, objet d’art et de musique

Cet objet est particulièrement prisé en Afrique de l’Ouest. Le djembé, par sa fonction artistique et musicale est incontournable dans la vie des musiciens d’Afrique. On le retrouve au Burkina- Faso, en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Mali et au Sénégal. A l’origine, les rythmes jouée par cet instrument sont des messages. Un djembé est considéré comme un griot dans certaines traditions. Il est utilisé pour diffuser un message d’invitation à célébrer un événement ou à faire le deuil d’un illustre disparu. Il annonce de ce fait soit des évènements heureux, soit des événements malheureux. En ce qui concerne sa fabrication, sa matière première est le bois. Pour confectionner un bon djembé, il faut du bois de qualité. Un arbre qui sera arrivé à maturité est essentiel. Les djembés sont taillés dans le coeur de l’arbre d’un seul bloc et façonnés à la main. Chaque instrument est une pièce unique. Quelques grandes catégories de formes trahissent leur provenance, de même que le bois utilisé puisque le djembé africain est toujours fait dans un bois de la région où il est fabriqué.

Les bijoux, synonymes de talisman

Éléments de décoration corporelle, les bijoux représentent des objets d’art très prisés en Afrique. Mis au cou, aux reins, portés comme des bracelets, les bijoux servent généralement à conjurer le mauvais sort. Les anecdotes et les mythes à leur propos sont légions. Certaines ethnies pensent que des bracelets en argent blanc, ou en or, mis au poignet protègent contre les génies. D’autres soutiennent que ces objets sont bénéfiques en tant qu’objets sacrificiels expiatoires pouvant permettre à celui qui les porte d’être à l’abri d’attaques mystiques. Vrai ou faux, on ne saurait le dire puisqu’aucune recherche scientifique n’a pu le démontrer. Le port de bijoux n’a pas la même signification dans toutes les cultures. Pour certaines, les perles et les parures sont synonymes de rang royal. Pour d’autres, elles font partie de la tenue vestimentaire de tous les jours. En Afrique, les perles sont utilisées comme parures depuis la nuit des temps. Les premières perles étaient fabriquées à partir de matériaux naturels, tels que la pierre ou le métal. C’est peut-être la raison pour laquelle, lorsque deux personnes s’unissent pour la vie, ils se passent l’alliance au doigt.

Le tissage

L’oiseau tisse son nid ; le tisserand tisse sa toile. La plupart des femmes africaines des temps coloniaux ont tissé des fils. Cette pratique était presque sacrée dans certaines familles et se transmettait de mère en fille. Ces femmes tisseuses ont un savoir-faire et des techniques différentes selon les régions du continent. Au Burkina Faso, le métier de tisseuse a créé de nombreux emplois. Les femmes de l'Association des tisseuses du Kadiogo en vivent bien et travaillent la plupart du temps à domicile. Le pagne tissé traditionnel est généralement fait à la main. Le tissage peut se faire avec du fil en coton ou avec des fils brillants. Les différents objets tissés ont des significations particulières. Par exemple, en Afrique et dans les pays côtiers, lorsqu’une femme accouche, on lui trouve comme premier pagne à enfiler après l’accouchement, un pagne tissé d’un trait et à la main avec du fil de coton. Ainsi donc, en Afrique particulièrement, le tissage a un sens profond qui va au-delà du conventionnel. Les différentes techniques de tissage permettent d'obtenir toutes sortes de pagnes. Au Burkina Faso, le batik est une technique de teinture de tissu. Plus il y a de couleurs, plus les différentes étapes de trempage, lavage, séchage sont longues. Au Bénin, les tissus d’Abomey sont des bannières qui symbolisent les histoires royales de la région. Au Nord de la Côte d'Ivoire, dans la région de Korhogo, on trouve des tissus traditionnels. Les toiles de Korhogo présentent de sublimes motifs ornementaux. Elles sont peintes avec des bâtonnets de bois. Leur coloration est réalisée à partir de pigments naturels. En outre, les velours du Kasai sont les broderies les plus somptueuses du continent. Ils sont fabriqués en RD Congo par une ethnie Kuba, à partir d’un simple tissu de raphia servant de fond. L’effet de velours est réalisé à l’aide d’un fil de raphia très fin qui passe sous le tissu et ressort par-dessus. Les dessins tracés reproduisent les scarifications corporelles des Kuba.
A travers ces différentes manifestations, l’art montre la dimension historique du vécu des populations. Dans les sociétés africaines, l’art a un rôle social, économique, culturel et politique. Rien ne se fait, ne se dit, ni ne se conçoit au hasard quand il s’agit des objets d’art.