Article publié le 2011-10-25 par Par Alain Traoré Société
Kounsoa Kambiré - L’aveugle qui fait des miracles [09/2011]
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Il n’est pas né aveugle. La nature en a décidé autrement. Pour autant, Kounsoa Kambiré, agriculteur de son état dans un village situé à l’Ouest du Burkina Faso, force l’admiration par la manière dont l’homme à su vaincre son handicap.

Agé de 35 ans, Kounsoa Kambiré est devenu aveugle à l’âge de 4 ans suite à la maladie de la variole. Marié et père de 2 enfants, ce jeune agriculteur habitant dans une province du Burkina Faso, plus précisément dans le village de Ségré, à 5 km de la ville de Diébougou, parvient à cultiver son champ, à pratiquer l’élevage et à tisser les tabourets, les lits picots, les chaises. Cet aveugle hors du commun a été baptisé par le journal Sidwaya «d’aveugle combatif». Orphelin avant sa naissance, c’est, selon sa mère, dans sa famille maternelle que le jeune Kambiré est venu au monde. Au décès de son époux, la mère de Kounsoa fut donnée en mariage par le système du lévirat au frère de son défunt époux. Ce dernier, après l’avoir enceintée de Kounsoa, la répudia. Elle alla donc s’installer chez ses propres parents où elle donnera naissance à Kounsoa. D’où le nom de baptême de Kounsoa qui signifie : « c’est par la faute de la mort ». Le destin lui arrache son père avant sa naissance puis ses yeux, à l’âge de 4 ans. En certains milieux en Afrique, on aurait vite crié à la possession démoniaque. Mais Kambiré n’en a fi. Il va, au fil des années, comme il l’a expliqué au journal Sidwaya, se battre pour se faire une place au soleil : « Chez nous, on apprend à cultiver dans les champs d’arachide. Lorsqu’on emmenait les enfants dans les champs, je les suivais. C’est ainsi que j’ai appris à cultiver l’arachide » raconte Kounsoa. Par la suite, l’homme va s’essayer à la culture du mil sur des terrains nus. Il dit préparer les champs pour les semis. Après les semis, c’est lui qui fait le reste. De fil en aiguille, Kounsoa a pu associer le mil aux arachides, et cultive les autres variétés telles que le maïs, le haricot et le riz. Il parvient, selon ses dires à cultiver toutes les variétés. Par son ardeur, ce jeune homme montre que l’on peut vaincre l’adversité de la nature pour créer son bonheur. Kounsoa en donne l’exemple. Orphelin et aveugle, il nourrit aujourd’hui sa famille (sa femme et ses deux enfants), sa mère et la famille de son frère défunt. Il arrive à faire presque tout ce qu’il veut comme travail. Le destin peut souvent permettre à des talents cachés de s’exprimer. Il suffit, comme Kounsoa, de ne pas baisser les bras et de lutter pour triompher des adversités de la nature. C’est cette hargne de vaincre qui permet à Kounsoa de pratiquer l’élevage des porcs, de faire ses courses à pied souvent sur des distances de plus de 5 km, seul et sans assistance. Les performances de Kounsoa lui permettent aujourd’hui de recevoir des commandes de ses oeuvres. Il fait partie de l’association des aveugles et malvoyants du Burkina Faso. Cette association lui permet de bénéficier de certaines formations dans divers métiers.

Un joueur attitré de balafon

Dans son arc, il n’y a pas que les métiers que Kounsoa sait exercer. Le jeune sait aussi se distraire et distraire son entourage. A certaines occasions, il met la joie dans le coeur de ses concitoyens en jouant au balafon, un instrument de musique traditionnelle. Pour ses concitoyens, il est «un balafoniste hors pair». La vie et l’oeuvre de cet homme sont un exemple particulièrement en Afrique où souvent, accusant des handicaps bénins, de multiples personnes s’adonnent à la mendicité. Kounsoa prouve que par la force de l’esprit, le génie des méninges et le courage, l’on peut travailler à créer les conditions de son épanouissement. Certains cherchent le bonheur, d’autres le créent. Kounsoa fait partie de ceux qui créent le bonheur à partir du néant. Galvanisé par ses différentes réussites, l’agriculteur veut faire agrandir son domaine et faire prospérer ses activités. Cependant, les moyens financiers lui font défaut et selon lui, « les banques refusent de donner du crédit aux biens portants, à plus forte raison aux aveugles ». Le souhait de Kounsoa est de pouvoir bénéficier d’un crédit pour faire prospérer ses affaires. Pour l’instant, il tire son épingle du jeu avec le peu qu’il a. Souvent, il ne faut pas de tout pour faire un monde, il faut juste un peu de lumière dans le coeur des hommes.