Article publié le 2011-10-25 par Entretien réalisé par Hilaire Hubert (HH) Culture
AURORE BRUN, 28 ANS. Ne vous fiez pas à sa jeunesse car le talent n'a pas d'âge… [09/2011]
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Une amie me dit " Hilaire, va au 48b rue des Chartreux et tu ne seras pas déçu ". Faisant confiance à l'oeil expert de mon amie, je ne réfléchis pas et parti directement à l'adresse mentionnée. Passant la porte du N°48, mon regard fut directement attiré par une veste grise très structurée. Je suis resté admiratif et demandai à une personne le nom du styliste. La réponse vint " AURORE BRUN ", son atelier showroom est au premier étage. Je montai les escaliers d'un pas pressé. En voyant les silhouettes, je suis tombé sous le charme d'un style que j'appellerais "STRUCTURE SENSUELLEMENT FEMININE "… Je vous le disais, le talent n'a pas d'âge…

Le nouvel Afrique (LNA):  Aurore BRUN, est-ce un nom de scène ?

On dirait? Non pas du tout c'est mon vrai nom. Parfois je préfèrerais me cacher derrière un nom de marque inventé, mais il faudrait tout recommencer. Il paraît que donner un nom inventé à une marque renforce son identité, mais garder son vrai nom, à mon sens, traduit l'authenticité, la création.

LNA : Vous êtes Française. Pourquoi avoir choisi de faire vos études de modélisme à La Haute Ecole Francisco Ferrer de Bruxelles et non à Paris ?

AB : Je suis Française mais je vis ici depuis que j'ai 3 ans. Je suis complètement bruxelloise, même si mes racines sont dans le sud. Quand j'ai commencé à étudier à Francisco Ferrer, je n'avais pas forcément décidé d'y faire tout le cursus. Mais on y apprend très bien la technique. Il est vrai que j'ai dû chercher toute seule et au fond de moi pour forger mon style, et cela m'a sûrement pris plus de temps que si j'avais étudié à la Cambre. Mais au moins, mon style est plus personnel, même si on n'échappe pas aux influences de tout ce qui nous entoure.

LNA : L'histoire de la mode vous intéresse beaucoup. Cela a-t-il conditionné votre choix de faire vos stages de fin d'étude au Musée de la mode de Marseille et au Workshop le Vestiaire, à Bruxelles ?

AB : Au musée de la mode bien sur. J'avais besoin de me nourrir intellectuellement. Et puis j'ai toujours été nostalgique des périodes que je n'ai pas connues. Il me semble impossible de comprendre ce qu'est la mode si on ne sait pas comment elle a évolué. Pour le Vestiaire, c'était tout le contraire. La boutique atelier avait été créée par deux stylistes, Caroline Foulon et Céline Collard, et je voulais absolument faire mon stage dans une petite structure, pour être sûre d'avoir du boulot, d'être utile. Je ne voulais pas m'ennuyer ou compter les boutons. J'avais aussi envie de toucher à tout, le patronage, la création, la vente,… C'était très enrichissant. Et puis je trouvais leur travail génial. Il l'est toujours d'ailleurs, même si la boutique n'existe plus. Ce stage m'a aussi influencée dans ma manière de travailler aujourd'hui et dans ma relation avec mes stagiaires.

LNA : Vous aimez accumuler les expériences. Vous avez travaillé comme styliste pour un magazine de mode. Quel était ce magazine et qu'avez vous tiré de cette expérience ? Et pourquoi ce voyage en Asie du Sud Est ?

AB : J'ai travaillé pour le magazine Victoire. C'était mon premier vrai boulot après les études. Je n'étais pas très bien rodée et être styliste de presse est un métier exigeant et difficile. J'ai adoré travaillé làbas et j'ai beaucoup appris. Mon voyage en Asie était déjà prévu depuis très longtemps et j'ai donc dû arrêter de travailler. On a toujours voyagé avec mes parents et j'ai toujours adoré ça. J'ai besoin de découvrir le monde, je suis très curieuse des autres pays. Il fallait que je fasse ce voyage parce que je savais que je n'aurais plus l'occasion de partir aussi longtemps. Quand je suis revenue, j'ai eu besoin d'un retour à l'essentiel. Ce que j'avais vu et vécu la bas était tout sauf Fashion, à part Ho Chi Min City, qui regorge de boutiques incroyables. Cependant, c'était un voyage extrêmement inspirant, plus les semaines passaient, plus ma machine à coudre et mes ciseaux me manquaient.

LNA : A votre retour d'Asie vous commencez à travailler chez vous et participez à de multiples événements de mode. Quels sont ces événements et dans quel but ?

AB : Il s'agissait essentiellement d'événements bruxellois, même si l'année dernière j'ai participé à l'événement mode Trash & Treasures lors du Salon Mode Fabriek à Amsterdam. A Bruxelles j'ai participé deux fois à Labelle, au parcours Modo, aux événements du WhiteHotel (l'effervescence bruxelloise!) et depuis quelques années aux Ventes Modo. C'était à ces moments là que je présentais mes collections. Certains événements sont de vrais expos lors desquels on peut s'exprimer jusque dans le décor. Ils permettent de se faire remarquer autant que de se faire des copains dans la mode et ça c'est très important, parce qu'on se soutient. C'est aussi lors de ces moments que j'ai créé ma clientèle, qui me suit encore aujourd'hui, à l'atelier.

LNA : Enfin arrive l'année 2010. Le Grand Pas avec l'ouverture de votre atelier showroom au 48b rue des Chartreux en collaboration avec une autre créatrice, " DESIGNERS ABOVE THE CORNER SHOP ". Atelier mais aussi salon de réception pour les clientes qui vous font des commandes particulières sans compter la visibilité pour votre collection. Avoir ouvert rue des Chartreux dans le quartier des créateurs a été un bon investissement ?

AB : Je ne sais pas si on doit parler d'investissement, ça a été un super tremplin. Je me sens beaucoup plus crédible depuis que je travaille dans la rue des Chartreux. J'ai un vrai espace de travail, une vraie clientèle qui passe, par hasard, par le bouche-à-oreille, ou parce qu'elle revient tout simplement.

LNA : Votre style est très structuré. Il faut avoir un sacré coup de ciseaux et connaître parfaitement l'harmonie du corps féminin pour faire des silhouettes aussi structurées tout en étant sensuelle avec ce côté rétro. Exprimez-vous votre partie cachée ?

AB : C'est très bien défini! Le coup de ciseau je l'ai appris. Avec ma formation, je peux réaliser à peu près tout en chaine et trame. Ma partie cachée? Je ne sais pas si vous voulez parler de mon inconscient ou de ma part de timidité, mais il est sûr que si on choisit de faire un métier créatif et manuel, c'est pour se dissimuler derrière ses propres créations, sinon on choisit d'être chanteur ou comédien. Et puis la part cachée évolue tout au long de la vie, comme la créativité. Ce que je peux vous dire, c'est que les créations dont je suis le plus fière surgissent dans ma tête dans la phase de demi sommeil, juste avant le réveil.

LNA : Vous aimez la soie, le jersey, les matières légères et fluides. Des tissus qui mettent avec subtilité le corps de la femme en évidence. Le glamour vous inspire ? Et comment réagissent vos clientes ?

AB : Mes clientes prennent un peu peur quand elle découvre mes robes à moitié transparentes. Je peux comprendre qu'un dos décolleté à porter sans soutien-gorge puisse freiner certaines, mais mes clientes n'ont pas froid aux yeux, elles ont assez d'imagination pour accorder leurs tenues avec leur corps.

LNA : Vous avez eu le coup de coeur du Magazine ELLE Belgique pour le Mièle Catwalk. Les cadors de la mode parlent beaucoup de vous. Vous avez donc le vent en poupe. Comment vivez-vous cette ascension ?

AB : J'espère qu'ils parlent de moi en bien! Etant donné que mon ascension va à un rythme plutôt serein, je le vis assez bien. Il faut pouvoir suivre derrière, c'est surtout ça qui m'importe. Si après le défilé je suis surchargée de commandes, il me faudra trouver des solutions. De manière générale, j'essaye d'avoir un rythme de vie sain et régulier, j'évite la fatigue et je ne sors plus tous les soirs comme il y a quelques années. Quand on tire soit même la locomotive il faut être en forme au quotidien pour faire face à tout : le travail, le stress, les coups durs, les remises en question, le rythme des saisons et puis garder la pêche pour fêter ça! Je pense que j'ai beaucoup bossé pour arriver à ce résultat et ce que j'aime par dessus tout c'est l'accomplissement du travail bien fait. Cela dit tout reste à faire, ce n'est que mon premier défilé. Mais je ne vais pas vous mentir, je suis très heureuse d'avoir gagné ce concours.

LNA : Pour faire parler de soi, le talent ne suffit pas. Avez-vous un plan de communication précis vis-à-vis de la presse ?

AB : Je travaille actuellement avec une collaboratrice qui me conseille et prépare pour moi des communiqués de presse. Pendant longtemps je n'ai eu aucun plan de communication et ça m'a manqué. J'espère faire évoluer tout ça.

LNA : En ce qui concerne les consommateurs, comment faitesvous pour communiquer ?

AB : Je compte beaucoup sur internet et sur le bouche-à-oreille. C'est cette dernière méthode qui marche le mieux pour le moment. Et j'ai aussi un blog, qui permet à mes clientes et aux personnes qui s'intéressent à mon travail de me suivre et de mieux me connaître. J'aimerais vraiment avoir plus de temps pour m'en occuper parce que j'adore écrire, et j'ai toujours plein d'idées d'articles. C'es très frustrant, il faudrait ne plus voir ses amis, sa famille, rester chez soi et ne faire que travailler, mais ce n'est pas une vie. Je ne sais pas comment font les autres!

LNA : Mis à part le marché Belge, visez-vous l'international ?

AB : Ah oui bien sur, dés que j'aurai trouver un bon atelier de production, et un moyen de me dédoubler.

LNA : Pour développer son nom sur le marché international il faut offrir un concept qui soit à la hauteur des attentes de la clientèle et l'attirer par des petits plus qui font la différence par rapport aux concurrents. Avez-vous un concept et quels sont vos plus ?

AB : Je n'ai pas de concept arrêté. J'en invente tous les jours, je vais peut être me fixer un jour. Mes "plus" à moi sont dans les détails, mais je ne vais pas les révéler ici, comme vous dites, la concurrence guète… Il faut venir essayer. Mais je vous donne un indice : habiller les femmes c'est une chose, moi j'aime penser à la manière dont on les déshabille… J'aime donner l'envie d'aller voir plus loin.

LNA : Quelle est votre politique de prix vis-à-vis de votre clientèle ?

AB : J'essaye de garder un prix raisonnable mais les clientes doivent pouvoir faire la différence entre les qualités, les produits et les services qu'on trouve sur le marché. Comme je produis tout moi même, c'est sûr que c'est plus cher que chez Zara, pour toutes les raisons que les consommateurs connaissent de plus en plus. Mais aujourd'hui, je propose des collections que j'adapte sur mesures pour mes clientes, et ça, c'est un plus.

LNA : Pour vous le chic est t-il lié à la " Parisienne " ?

AB : Bonne question! A chaque fois que je vais à Paris, je me dis que les filles sont vraiment « chic ». Mais il y a aussi le chic anglais qui n'est pas négligeable. En fait le chic est plutôt lié à un style de vie, une exigence personnelle et au bon goût.

LNA : Pour être fashion et non victime quelles sont les questions qu'une femme doit se poser avant de faire sa garde-robe ?

AB : Avant de faire sa garde robe, il faut la défaire. Il y a différents vêtements à garder : ceux qu'on aime, les intemporels. Ce qui ne sont pas intemporels mais dans lesquels on se sent irrésistible. Ceux qui sont hyper confortables, qu'on a trop aimés et trop portés et qui se transforment en pyjama stylé. Il y a enfin ceux qui sont trop beaux, vintage, indémodables, dans lesquels je ne rentrerai plus jamais mais que je garde en espérant que ma fille les portera un jour (non je n'ai pas encore de fille, et alors?), les pièces de collection en quelque sorte.

Ensuite vient le moment des achats, des nouveautés à chaque saison. Il est très important de connaître ses faiblesses et ses atouts, mais il faut aussi oser essayer quelque chose qu'on a jamais osé porté, parce que nos goûts changent et la vision de notre propre corps change aussi. C'es très important de se connaître, pour mieux s'assumer. Et pour être fashion, ne pas faire de faute, le mieux est de sélectionner les points shopping, savoir ce qu'on achète, d'où ça vient, dans quelles conditions il a été conçu. Etre fashion, c'est aussi un comportement d'achat. Pour ne pas être victime, il faut suivre son intuition. Pour conclure, je dirai qu'il faut savoir jongler entre l'intemporel et craquer sur ce qui nous parle parce que la mode n'est pas un éternel recommencement mais une terre fertile faite pour nous régaler et renforcer la personnalité de chacun.

LNA : En ce moment, vivez-vous " L'AURORE " de votre carrière ?

AB : Ah, on ne me l'avait pas encore faite celle-la, mais la réponse est oui, et j'ai envie de faire plein de choses, d'apprendre encore et de continuer à créer.

LNA : Merci à vous Mademoiselle AURORE BRUN de m'avoir reçu pour Le nouvel Afrique dans votre Atelier Showroom et pour votre joie de vivre.

DESIGNERS ABOVE THE CORNER SHOP
Aurore Brun
48b rue des Chartreux - 1000 Bruxelles- Belgique
Entrance via Mandarina Duck. First floor.
T+32 477 71 70 59
brun.aurore@gmail.com
www.aurorebrun.be