Article publié le 2011-01-11 par Entretien réalisé par Alexandre Korbéogo et Ali Nyampa Politique
Entretien avec Adama ZONGO, maire de la commune rurale de Tanghin-Dassouri au Burkina Faso [10/2010]
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« Nous voulons bâtir une commune rurale à statut particulier »

Il est le maire de Tanghin-Dassouri depuis juillet 2006. La décentralisation, initiée depuis 1994, fait son bonhomme de chemin avec des expériences fort enrichissantes dans cette entité. Le conseil municipal de Tanghin-Dassouri, commune rurale située à 25 Kms de Ouagadougou au Burkina Faso, met en oeuvre cette nouvelle formule de développement avec comme chef d’orchestre le maire Adama ZONGO. L’homme partage les acquis de sa commune, les réformes opérées, les projets à venir et situe l’ambition de cette entité : « faire de Tanghin-Dassouri, une commune viable et vivable avec toutes les commodités nécessaires. »

Le nouvel Afrique (LNA) : la commune de Tanghin- Dassouri semble fusionner avec celle de Ouagadougou du fait qu’elle est si proche. Faites-nous une brève présentation de cette commune rurale.

Adama Zongo (A. Z) : la commune rurale de Tanghin-Dassouri est située à 25 kilomètres de la Capitale, Ouagadougou. Elle est constituée d’une agglomération de 35 villages et une population de 55.094 habitants (selon le RGPH 2006) avec 56% de femmes et 44% d’hommes.

LNA : Comment vivez-vous la décentralisation au niveau de cette jeune commune ?

A.Z : Tout d’abord, je salue le processus de décentralisation engagée dans notre pays. Elle est une somme d’opportunités nouvelles que nous saisissons en tant que population, pour pouvoir développer notre commune. Nos plus hautes autorités ne se sont pas trompées en optant pour cette voie. Car, même si l’Etat a les moyens, il est souvent très difficile pour lui d’intervenir dans la construction et le développement des communes d’une manière rapide dans la mise en oeuvre de certains projets. C’est cette responsabilité conférée à la commune qui nous a permis d’adopter notre Plan Communal de Développement (PCD) qui répond aux besoins de nos populations. Nous essayons de suivre les réalisations avec l’appui des services déconcentrés et des services techniques de l’Etat. Je pense donc que c’est une bonne chose d’aller à la communalisation intégrale. Nous avons notre PCD (Plan communal de développement) que nous avons élaboré, adopté en octobre 2008 et soumis à la tutelle qui l’a validé. Il est entré en vigueur en 2009. Ce plan comporte toutes les rubriques nécessaires au développement de notre commune. A savoir, la santé, l’éducation, l’agriculture, l’élevage, l’environnement, l’artisanat, le tourisme, l’énergie, la gouvernance locale, le renforcement des capacités bref, tous les volets qui intéressent la vie de la commune. Vous y avez actuellement des projets déjà réalisés et d’autres en cours de réalisation. C’est un plan établi pour cinq ans (2009-2013).

LNA : Dans la mise en oeuvre de la décentralisation, qu’avez-vous fait pour pouvoir mettre en oeuvre vos propres projets ?

A.Z : Les réalisations se situent à plusieurs niveaux et dans tous les domaines. Pour nous, le développement ne se limite pas seulement aux constructions d’infrastructures. C’est un ensemble, un tout. D’autres éléments intéressent la vie de la commune. Si vous prenez une commune où les populations n’ont pas par exemple d’actes de naissance ou les enfants ne sont pas déclarés, il est difficile d’avoir un registre d’état-civil fiable. Il faut donc mettre en place les outils qui permettent ces opérations à la disposition des populations. Nous avons de ce fait commencé par l’état civil et les différents services de la Mairie pour avoir des services beaucoup plus opérationnels par le recrutement de personnel, la réhabilitation de bâtiments, l’acquisition de matériels informatiques, la mise en place de règlement intérieur, etc. Nous avons réorganisé le service de l’état civil et, tenu des audiences foraines qui ont permis d’établir environ 15 mille actes de naissances au profit de nos populations. Par ailleurs, des opérations de délivrance de la Carte nationale d’Identité (CNIB) ont été faites dans la commune à notre demande pour les villages de la commune.

LNA : Et, en ce qui concerne le volet sécurité…

A.Z : Pour le renforcement de la sécurité (vu que la commune est traversée par la route nationale 1), nous faisons des sensibilisations à travers des communiqués sur la radio municipale de Ouagadougou pour attirer l’attention des conducteurs aux entrées et sorties de la commune. Les conducteurs oublient qu’ils sont à l’entrée d’une ville et continuent d’appuyer sur l’accélérateur et, lorsque survient un accident, il est souvent mortel. La police nous aide à sensibiliser les usagers dans ce sens. En outre, nous avons sollicité auprès du Ministère de la Défense, une brigade de Gendarmerie. L’autorisation a été donnée et la construction sur fonds propres des bâtiments est quasiment achevée. Toujours dans le cadre de la sécurité, la Mairie a acquis une moto et un ordinateur pour la police. Egalement, des motos ont été remises à la perception de la Mairie afin de renforcer les capacités opérationnelles des services déconcentrés de l’Etat. Pour l’effectif, nous avons entrepris des démarches avec l’ANPE pour le recrutement d’un comptable, d’une secrétaire et d’un chauffeur. Pour le côté partenariat, nous avons un partenaire qui est Belfort (le conseil général du territoire de Belfort, la Mairie de Belfort). Grâce à leurs contributions, nous avons pu ouvrir la voie qui mène de la RN1 à la Mairie. Ils nous ont soutenus à hauteur de 8 sur 15 millions de F CFA. Ils ont également contribué à la construction d’autres bâtiments (comme celui de l’état civil). En plus de ces réalisations, il y a aussi l’électrification et l’équipement de la Mairie en matériels informatiques. Je salue au passage la participation de la population à toutes les activités de la mairie car, cela est réconfortant.

LNA : Justement pour les taxes, les mairies et les populations sont souvent à couteaux tirés. Qu’en est-il au niveau de Tanghin-Dassouri ?

A.Z : En ce qui concerne les taxes, nous procédons par la sensibilisation. Les populations ont posé le problème de la taxe de développement communal. Je vous confie qu’à chaque fois que nous avons l’occasion de dialoguer avec les populations, nous leur faisons savoir le bien-fondé de cette taxe. Payer sa taxe, c’est construire Tanghin-Dassouri. A ce titre, nous avons approché les ressortissants de la commune qui ont accepté de revenir prendre leur taxe de développement communal dans la commune. Parce que lorsque vous percevez la taxe dans votre commune vous avez d’office les 40% qui vous reviennent et 50 des 60% restants sont partagés équitablement entre les communes et les 50% autres au prorata du nombre d’habitants par commune. La sensibilisation produit ses fruits car à la date du 31 mai, nous sommes largement au dessus de ce que nous avons prévu au niveau du budget 2010. Nous avions prévu de récolter 400 000F CFA mais aujourd’hui, nous sommes à un peu moins de 3 millions de Francs CFA. Les gens ont compris la nécessité de payer leur taxe. Nous contribuons également à l’organisation des examens scolaires, de la pratique du sport à l’école primaire ainsi qu’aux prix d’excellence aussi bien au niveau de la Circonscription d’éducation de Base que de l’enseignement secondaire. Nous prenons aussi en charge la consommation électrique des services déconcentrés de l’Etat. C’est la preuve que les interventions de la Mairie se font à tous les niveaux.

LNA : Et, pour le foncier ?

A.Z : Pour le foncier, nous avons entrepris des démarches auprès de la tutelle pour l’extension des lotissements. Cependant, je profite de votre tribune pour lancer un appel à tout ceux qui ont des parcelles et qui ne les ont pas encore mises en valeur. A ce sujet, nous allons bientôt mettre en place une Commission de retrait. Tous ceux qui ont des parcelles depuis plus de cinq (5) ans et qui n’ont rien fait, doivent être sûrs que la commission va faire son travail. C’est donc un appel que je lance à l’endroit de tous ceux qui sont dans ce cas afin qu’ils sachent que des actions de retrait seront entreprises. Mais l’information sera portée à la connaissance de tout le monde afin que personne ne soit surpris. Nous voulons une ville qui bouge, donc nous sommes obligés d’être aussi regardant à ce niveau. Il y a des projets de l’Etat également en vue. Par exemple, Les constructions d’une partie de la gare Ouaga inter (au profit de la Douane), d’un Centre hospitalier avec antenne chirurgicale et d’un centre de pesage

LNA : Qu’en est-il des projets à venir au niveau interne?

A.Z : Comme projets en cours ou à venir au niveau interne, nous avons déjà démarré la construction d’une aire de vente de bétails, la construction de logements pour infirmiers, la construction d’écoles dans trois villages de la commune, ainsi que des centres de santé et de promotion sociale (CSPS). Nous avons aussi la construction d’une salle d’hospitalisation et du mûr de clôture du centre médical que nous voulons transformer en CMA, l’électrification des huit CSPS déjà existants, la construction d’un collège d’enseignement général (CEG), etc. Au niveau de la zone lotie du Chef lieu, nous avons procéder à l’ouverture des voies et nous prévoyons l’achat d’un véhicule pour la Mairie.

LNA : Certainement qu’avec cette ambition, les difficultés ne manquent pas… !

A.Z : Au nombre des difficultés, il y a le manque de personnel qualifié. Cela fait qu’au niveau des marchés publics, nous avons de petits problèmes de procédure pour le montage des dossiers. Toujours dans le même registre, il y a lieu que chacun des conseillers municipaux et des CVD (Conseils villageois de développement, ndlr) comprenne son rôle pour éviter que la confusion soit un obstacle à la poursuite de l’objectif commun. Il y a également le manque de civisme fiscal. Tout le monde doit comprendre que c’est la contribution des uns et des autres qui fait vivre la commune. C’est comme le disait quelqu’un, « pour que la Commune respire, il faut que les populations transpirent ». Il faut donc qu’elles nous aident dans ce sens. Nous voulons faire de Tanghin- Dassouri une commune rurale à statut particulier.

LNA : quelles sont vos perspectives ?

A.Z : Du point de vue des perspectives, nous voulons, avec la participation de tous, faire de Tanghin-Dassouri un « Tanghin-Dassouri émergent » avec toutes les infrastructures nécessaires à l’épanouissement des populations.