Article publié le 2011-01-10 par Par Cyrille Momote Kabongue Chronique
Signe des temps qui s’achèvent ? [09/2010]
...

Curieux moments que ceux partagés par des milliards d’êtres humains sur la planète, à l’heure des progrès scientifiques et technologiques extraordinaires. Ce sont des temps qui entremêlent avancées dans la solution de graves problèmes que connait l’humanité (santé, développement durable, la lutte contre la faim, le raccourcissement de la distance entre le réel et le fictionnel grâce aux technologies de l’information etc...) et les cataclysmes naturels auxquels les scientifiques accordent plus d’intérêt qu’autrefois. Pourtant, les progrès dans la connaissance de leurs causes ne font rien présager de définitif par la manière de les contrer.

L’actualité la plus récente a démontré cette impuissance qui prend pour ainsi dire à la gorge les grandes nations face à un déchainement brutal des éléments atmosphériques qu’on pensait néanmoins, contenir sans dégâts excessifs. Hélas ! Les énormes moyens techniques et financiers de la Russie et de la Chine ne sont pas venus à bout pour la première fois d’un incendie dévastateur consécutif à une canicule peu habituelle (30 degrés à Moscou) et pour la seconde fois d’un cataclysme coulée de boue qui a continué à détruire des zones entières dans une région au centre du pays, rallongeant le nombre de morts (plus de 2 000) au moment où nous écrivons ces lignes. Le gigantisme de ces deux foyers de grandes peurs éclipserait presque la catastrophe du Pakistan, intervenue au même moment tant cette dernière tragédie est encastrée dans l’image banalisée d’un pays en voie de développement aux prises un peu partout, avec l’absence de moyens ainsi que d’une bonne gouvernance.

Au volet climatique de la crise, s’ajoute un autre qui est au confluent de la psychologie et de la spiritualité. Le fait que cet écheveau à première vue inextricable concerne l’Homme dans ce qu’il a de particulier : son intelligence qui lui fait craindre le pire et le fait douter. Métaphoriquement, le visage humain de la misère morale est dans le retour de la peur collective, apanage disait-on, du Moyen-âge dont se sont nourries les doctrines millénaristes (ex : Témoins de Jéhovah).

Et pourtant !

Et pourtant ! L’histoire semble faire son com back, avec cette différence qu’en ces époques reculées la personne était en Occident chrétien au centre de l’Univers parce que la terre fut supposée plate à la suite du géocentrisme voulu par Dieu pour consacrer la supériorité de l’Homme sur toute la création, l’Eglise étant la garante de cette Révélation.

Au dessus, il y a Dieu, ses saints, ses anges et d’autres forces indéterminées. Les catastrophes, généralement des guerres au demeurant menées pour de bonnes raisons, étaient saintes ex : Croisades conquêtes territoriales au profit des rois et seigneurs – ces derniers étant consacrés par la formule de Saint Paul : « tout pouvoir vient de Dieu ». Et lorsque survenaient des cataclysmes naturels tels la peste noire ou d’autres fléaux dévastateurs (tremblement de terre, éruption volcanique) ils correspondaient à un châtiment des entités cosmiques dont la colère peut être apaisée par des rites sacrificiels ou pour l’individu chrétien, par le fait de l’indulgence.

De nos jours, bien entendu, nous sommes sortis de la Gangue féodale – Nous ne cherchons plus à justifier le réchauffement terrestre, les tsunamis et autres ouragans périlleux par le courroux de je ne sais quel Dieu. En revanche, il y a comme un malaise sournois qui hante les esprits et que les technologies de l’information soulignent à la différence du Moyen-Age, leur étendue planétaire. La question des limites humaines par conséquent, celles de la science, n’embarrasse plus seulement le commun des mortels mais également le savant ou l’économiste. Quand éclate en 2008 la crise économique et financière la plus dure depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les traders, cette espèce de prêtres vaudous, qui avaient mis au point des algorithmes sophistiqués dignes des cadrans solaires aztèques, ont filé à l’anglaise alors que le capitalisme financier qu’introduisaient leurs pratiques douteuses s’écroulait, entrainant la faillite des banques et jetant dans une misère noire des gens par milliers aux Etats-Unis. Dans la foulée certains Etats de la sphère européenne ont sombré comme l’Islande et la Grèce. Même si les Etats occidentaux se sont organisés depuis pour conjurer le mauvais sort, un homme comme Jacques Attali écrivain, penseur et économiste de haut vol désespère au point que le titre de son nouvel essai est ainsi intitulé « Tous ruinés dans dix ans, Dette publique : la dernière chance » aux Editions Fayard. Dans une récente récession de cet ouvrage, Suzanne Jamet du mensuel « La revue » juillet-avril 2010 écrit : « Pour comprendre les raisons profondes qui peuvent conduire des Etats comme la Grèce et l’Islande à la faillite, Jacques Attali retrace l’histoire de la dette publique, qui est aussi celle de la constitution de la fonction souveraine et de ce qui menace de la détruire. Attali envisage un scénario très sombre : une augmentation du surendettement des Etats, suivie d’une hausse des taux d’intérêt qui pourrait provoquer une désolidarisation des pays de la zone euro, puis une faillite de la monnaie unique. Les Etats-Unis pourraient, par ricochet, être les victimes suivantes avec une économie ralentie et une dette telle que le dollar pourrait s’écrouler. On assisterait ensuite à la dépression et à l’effondrement de l’Asie. Si les annonces de plans de rigueur se succèdent en Europe, on se demande à la lecture du livre, comment ces mesures pourront parvenir à empêcher le déroulement de ce scénario catastrophe.

Que faut-il en penser ? Au-delà de l’incapacité d’envisager une sortie de crise économique rapide, il subsiste une peur fondamentale la même que celle qui paralysait les multitudes de crédules du Moyen-Age, que le ciel nous tombe dessus. Les mystères de la vie et de la mort se rejoignent dans le questionnement capital : d’où vient l’Univers, quelle en est l’origine ? Ce n’est pas un hasard si les documentaires sur l’astrophysique, les phénomènes dits surnaturels et les émissions relatives à la réalité de l’au-delà squattent la télévision, la radio et les journaux ces derniers temps. Savants, médiums et spécialistes des médias y confrontent leurs points de vue mais ne sont pas loin d’une sorte de consensus : il existe des choses que l’entendement humain ne peut saisir.

Comme si le ciel réagissait à la suite de nos peurs ou de nos accès soudains de lucidité, les catastrophes naturelles accélèrent leur fréquence et exacerbent du coup les imaginations au point que la clôture du calendrier Maya élaboré au Moyen-Age est devenue la date butoir à laquelle se consumera l’Univers. Le mystère de la fin du monde cesserait brusquement le 12 décembre 2010.

Et dire que les Evangiles rétorquent impérativement : « Vous ne saurez ni l’heure, ni le jour ». Enfin, Inch Allah !