Article publié le 2011-01-10 par Propos recueillis par Kenza Garba et Charlotte Morantin Culture
Je danse donc je suis, Une formation artistique pour des jeunes en difficultés [07/2010]
Des élèves en spectacle pendant la restitution publique de la séance à ANERSER à Ouaga en avril 2010 © Moustapha Sawadogo et Innocent Kabore

Le programme «Je danse donc je suis», initié par Africalia en partenariat avec Donko Seko -Atelier danse et recherche chorégraphique à Bamako et le Centre de Développement Chorégraphique- La Termitière à Ouagadougou, a été lancé fin janvier 2010 dans la capitale burkinabé. C’est un programme triennal de formation artistique pour des jeunes en difficultés qui bénéficie du soutien financier de la Commission Européenne à travers son programme «Investing in People-EuropeAid».

Convaincus de l’impact des pratiques artistiques sur les jeunes en difficulté et vu le manque d’initiatives dans ce secteur, Africalia et les deux centres de formation à la danse contemporaine cités ci-dessus mettent en place au Burkina Faso et au Mali un programme d’initiation, de création et de diffusion chorégraphique spécifique pour une quarantaine de jeunes en situation difficile de 2010 jusque fin 2012. L’objectif principal est de favoriser leur épanouissement personnel, leur développement socio-culturel et leur intégration sociale.


Des danseurs africains

Au programme: une série d’ateliers assurés par des danseurs africains, des actions de sensibilisation et de diffusion de ‘work in progress’ dans les quartiers populaires des deux villes et des échanges régionaux entre les jeunes participants ouagalais et bamakois. Un suivi filmé de ce programme et des actions de réflexion, de suivi et d’évaluation permettront de mesurer l’impact de l’initiation artistique sur ces jeunes. Dans la réalisation de ce travail et de cette mission, les deux centres de formation artistique sont accompagnés et appuyés par deux organisations sociales locales accueillant des jeunes en difficulté. Il s’agit à Bamako de Réseau des Intervenants auprès des Orphelins et des Enfants Vulnérables (RIOEV) et à Ouagadougou de l’Association Nationale pour l’Education et la Réinsertion Sociale des Enfants à Risques (ANERSER).

Le Nouvel Afrique a rencontré Salia Sanou, Directeur du Centre de Développement Chorégraphique (CDC) La Termitière à Ouagadougou et lui a posé des questions sur son souhait de mieux faire partager aux jeunes, et aux populations qui les environnent, le fruit de son travail et de ses recherches en tant que danseur et chorégraphe, à travers ce programme d’initiation artistique/chorégraphique composé de diverses actions dans le but de contribuer à l’intégration sociale et communautaire des jeunes en difficulté à travers les arts et la culture.

LNA: Votre Centre de Développement Chorégraphique joue un rôle majeur au niveau de l’accompagnement artistique et pédagogique des groupes cibles d’une part et de l’accompagnement méthodologique du programme d’autre part.
Salia Sanou: «Vu notre expérience en matière d’initiation et de formation à la danse contemporaine, nous assurons effectivement l’accompagnement artistique et pédagogique des jeunes à Ouagadougou. Leur accompagnement social et psychologique est la responsabilité de l’organisation sociale ANERSER, tandis que le suivi méthodologique est une coresponsabilité des entités concernées. L’initiative est importante dans la lutte contre la pauvreté et le processus de changements de mentalités, et est également une expérience pertinente sur le plan méthodologique, car elle permettra de mesurer l’impact de l’initiation artistique sur ces jeunes. Cela mérite d’être capitalisé. Je suis donc très content que Africalia, dont l’objectif général est de faire de la culture un vecteur de développement humain durable, ait initié ce programme triennal en partenariat avec le CDC-LaTermitière et Donko Seko, afin de contribuer à l’atteinte des Objectifs de Développement du Millénaire (ODM) et de renforcer les partenariats avec la société civile en Afrique.»

LNA: Quel est le groupe-cible exact du programme «Je danse donc je suis»?
SS: «Ce sont des jeunes en situation difficile. Sous ce terme, est considéré l’ensemble de la population (adolescents et jeunes adultes) confrontée à des difficultés d’ordre socio-économique et socio-culturel. Il s’agit entre autres de jeunes en rupture familiale, de jeunes abandonnés, de jeunes de parents inconnus ou malades mentaux et de jeunes victimes du VIH / SIDA. Ils ont entre 12 et 18 ans et sont encadrés par l’association sociale locale.»

LNA: Quels sont les résultats que vous visez?
SS: «Afin de pouvoir atteindre les résultats souhaités, il est essentiel de développer des relations de confiance entre les jeunes, les formateurs artistiques et les éducateurs sociaux. ‘Je danse donc je suis’ vise en effet plusieurs résultats à long terme. Tout d’abord il s’agit de favoriser l’épanouissement personnel, le développement socioculturel et l’intégration sociale des jeunes participants à Ouagadougou et à Bamako à travers l’initiation artistique. Un outil pédagogique (vidéo) témoignant des expériences vécues par les jeunes et les formateurs, ainsi que de l’impact de l’initiation artistique sur les groupes cibles en termes d’intégration sociale et de changement de regard des bénéficiaires finaux vis-à-vis de ceux-ci, sera réalisé. De plus, des recommandations pour des actions futures dans ce secteur seront formulées .»

LNA: Quelles sont les activités que vous comptez entreprendre à Ouagadougou pour arriver à l’épanouissement personnel de ces jeunes?
SS: «Il s’agit d’un vaste programme d’initiation artistique et d’une stratégie cohérente de suivi et d’évaluations d’actions qui a déjà débuté. Nous avons lancé un premier séminaire sur le programme, qui a eu lieu à Ouagadougou du 18 au 22 janvier 2010. Ce séminaire nous a permis de développer un certain nombre d’outils méthodologiques de suivi et d’évaluation commun par l’ensemble des entités concernées. La sélection des jeunes participants, en collaboration avec les organisations sociales locales, nous a permis la mise en route des premiers ateliers d’initiation chorégraphique en février 2010. Nous tenons plusieurs réunions de comités de suivi et d’évaluation par an et nous visons un séminaire d’évaluation finale en décembre 2012 à Bamako. Au cours du programme, les jeunes apprennent à développer une confiance en eux et des compétences qui anticipent d’une vie meilleure. Le programme artistique leur permet également de s’épanouir personnellement sur le plan physique et sur le plan intellectuel. Vers la fin en 2012, le jeune qui a participé au programme ‘Je danse donc je suis’ doit être capable de valoriser sa propre identité culturelle. Nous, les organisateurs, artistes professionnels, sont là pour les encourager. Ils bénéficieront tous d’une reconnaissance sociale à travers leur participation aux oeuvres artistiques et leur diffusion.»

LNA: Pendant trois ans, les jeunes sont accompagnés par des danseurs africains professionnels internationalement reconnus. Comment cela se passe en pratique?
SS: «Au cours des trois ans les jeunes sont invités à explorer différentes facettes de l’art à la danse. Depuis l’étape de la conception jusqu’à celle de la diffusion, ils apprendront principalement le langage chorégraphique, mais également d’autres langages artistiques, échangeront avec des artistes lors des rencontres, verront et commenteront des spectacles et productions artistiques, présenteront leurs propres travaux et réalisations dans un contexte local et régional, participeront à des actions de sensibilisation locales et des échanges régionaux. C’est un moyen d’éveil de leur potentiel créatif. Mais nous offrons aussi un encadrement extra-scolaire et des pédagogies ludiques. Le travail s’effectuera en groupe pour favoriser une participation forte et active. Des activités d’initiations culturelles diverses complètent le dispositif. Les travaux feront l’objet de représentations publiques. Les représentations des ‘work in progress’ se dérouleront dans les quartiers, les rues, les marchés, les lycées ou les hôpitaux en visant particulièrement les bénéficiaires finaux. Certains spectacles pourront être montrés lors des festivals organisés par les partenaires locaux (Dialogues de Corps et Dense Bamako Danse).

LNA: Est-ce que ce n’est pas un programme qui laisse la population de Ouagadougou à un grand écart?
SS: «Non, au contraire. Nous en bénéficierons tous mais les bénéficiaires finaux du programme sont les habitants des quartiers populaires de Ouagadougou, ainsi qu’un public plus large, notamment les familles étendues, les jeunes en général et les milieux culturels. L’impact attendu est que les arts encouragent le désir d’ouverture des habitants et élargissent l’horizon culturel des quartiers habituellement exclus de l’action culturelle. Le programme contribue à un changement de regard du public large. Je tiens aussi à dire que le programme participe à la démystification positive des jeunes en difficulté et anticipe une diminution des préjugés à l’égard de ceuxci. Surtout les jeunes des quartiers pourraient s’identifier aux groupes-cibles qui auront oeuvré pendant trois ans.»

Le programme «Je danse donc je suis», financé par la Commission Européenne à travers son programme «Investing in People – EuropeAid», est initié par Africalia en partenariat avec Donko Seko et RIOEV (Bamako) et le CDC – La Termitière et ANERSER (Ouagadougou).
www.salianiseydou.net
www.donkoseko.org
www.africalia.be