Article publié le 2010-12-13 par Par Noël Obotela Rashidi Environnement
La biodiversité en RDC, Deux pistes prometteuses [06/2010]
Vue de Walikale Nord Kivu © Julien Harneis

Le recouvrement d’un environnement durable constitue le fondement du septième Objectif du Millénaire pour le Développement (OMD). Il implique l’impérieuse nécessité d’intégrer les principes du développement durable dans les politiques et les programmes nationaux. En RDC, deux expériences méritent d’être notées. L’une porte sur le combat inégal mené par les populations dites autochtones en vue de préserver leur habitat naturel. L’autre repose sur ce travail d’éducation mené dans le but de protéger les espèces rares tels les singes Bonobos.

Protéger les ressources par le renforcement des capacités

La forêt demeure l’habitat naturel des populations autochtones qui leur procure la subsistance. Les nouvelles dispositions légales en vigueur en RDC empêchent ces populations au libre accès à ces ressources. En effet, l’octroi des vastes étendues forestières aux grandes compagnies ne prend pas suffisamment en compte les droits ancestraux des communautés autochtones. A cela, il faut ajouter leur pauvreté et leur analphabétisme. Pourtant la protection de la forêt par ces populations figure parmi les aspects susceptibles de contribuer à la mise en place d’un environnement durable.

Discrimination

Ces communautés dites Batwa ou Pygmées souffrent des discriminations de tous genres. Elles accusent également des lacunes inhérentes à la défense de leurs droits. Cette méconnaissance d’accès à la terre et aux ressources naturelles et de la spécificité de leur organisation sociale, incite à mener un combat. Comment des populations aussi vulnérables pourraient-elles entreprendre une telle croisade ou défendre leurs droits face à des structures étatiques et privées aussi puissantes et outillées?

Les populations autochtones

L’application du code forestier vient renforcer la stigmatisation dont les populations autochtones font l’objet. Représentant plus de 10% de la population totale de la RDC, les autochtones ayant quitté leur milieu naturel se retrouvent aux côtés des Bantou et vivent diverses fortunes allant des travaux manuels à la mendicité. Cette vulnérabilité ou précarité les jette en pâture à des groupes ou à des personnes prétendant assurer leur défense. La protection des ressources passe par un véritable renforcement des capacités au profit des acteurs non étatiques et des populations victimes. Deux volets sont à retenir: d’abord, éradiquer la méfiance et la méconnaissance liées à l’accès à la justice; ensuite, contribuer à la sensibilisation de la population par une communication de proximité.

L’ignorance des lois

Dans son rapport présenté, le 2 juin 2008, à la huitième session du Conseil des droits de l’homme à Genève, Leandro Despouy signale les principales entraves à la justice, à savoir l’impossibilité d’acquitter des frais judiciaires, les barrières linguistiques, les distances séparant les justiciables des institutions judiciaires. L’évaluation faite en 2005 par Global Rights (avec le financement de l’USAID) reconnaît l’ignorance des lois pour défendre ses droits par une très grande frange de la population. Cette même insuffisance frappe aussi certains acteurs du secteur de la justice et les autorités coutumières portées sur la coutume. Toutes ces faiblesses réunies plaident pour le renforcement des capacités de tous les acteurs (notables ou représentants des communautés, personnel attaché au pouvoir judiciaire, ONG tant nationales qu’internationales).

Une justice de proximité

Plaider pour une justice de proximité en invitant les représentants ou notables des communautés à avoir confiance dans le système judiciaire par maîtrise des textes fondamentaux et des principaux instruments juridiques. Une telle formation devra adapter les matières et user d’une pédagogie appropriée qui utilise la langue du milieu et un langage propre aux concernés. Le personnel de la justice, les autorités politico- administratives et coutumières évoluant loin des centres urbains travaillent sans support ou utilisent des documents dépassés. Un recyclage périodique de mise à niveau demeure nécessaire sans oublier de les exhorter à être à l’écoute de ces populations autochtones. Se souvenir que les populations autochtones n’ont pas souvent de chef désigné dans la mesure où leur organisation est collective et que les décisions se prennent en commun.

Une communication de proximité

Les intervenants extérieurs devraient être initiés aux us et coutumes en vigueur au sein du système judiciaire congolais. Parvenir à surmonter les obstacles découlant notamment de la lenteur dans l’exécution d’un jugement, au blocage d’un dossier pour raison de «motivation», implique la maîtrise du milieu de la justice. Des séminaires d’information ou des ateliers méthodologiques restent indispensables. Eradiquer la méfiance ne pourra se passer d’une communication de proximité à travers la sensibilisation et la vulgarisation. Outre les textes ou documents courants rédigés en langues locales, une autre procédure consiste à l’emploi des supports appropriés telles la bande dessinée et les radios locales.

La BD et la radio

La bande dessinée constitue un support ou mieux un vecteur utilisable pour transmettre un message et à le faire intérioriser par une population analphabète. L’utilisation de la radio peut davantage servir à diffuser un message sur une étendue aussi vaste que la RDC. Il faut néanmoins que la radio s’appuie sur une série de relais formés par les radios clubs disséminés sur l’étendue territoriale occupée par cette population. Par cette méthode, non seulement elle écoute les messages, mais elle suit également ses propres émissions, c’est-à-dire celles préparées avec son concours.


Construire un «paradis» pour les espèces rares, une solution envisageable

D’aucuns ignorent le sort que connaissent la plupart des animaux considérés comme rares. En RDC, un ruminant tel l’Okapi fait l’objet d’une protection spéciale et en même temps, il est une proie recherchée par tous les trafiquants pour sa peau. C’est aussi le cas du primate connu au Congo sous l’appellation de «Bonobo» dont la population n’a cessé de diminuer suite au braconnage. La «chasse» à cette espèce prisée notamment pour sa viande se pratique dans les forêts de la RDC malgré les lois qui interdisent sa vente et sa détention.

Le ABC

L’exemple d’une européenne Claudine André mérite d’être cité. Sa passion de protéger les animaux lui est certainement venue de son père qui était vétérinaire. Elle s’est investie dans la protection de cette espèce en créant, en 1998, le «Lola ya Bonobo» ou le «Paradis des Bonobos» sous le couvert d’une institution dénommée «Amis des Bonobos du Congo» (ABC). Deux objectifs guident la réalisation d’un tel sanctuaire. Il y a d’abord la mise en place d’un havre de paix pour ces animaux traqués et pourchassés impitoyablement. Il y a ensuite le but pédagogique qui, à notre avis, constitue une opportunité pour l’avenir.

La création de clubs

Les «Amis des Bonobos du Congo» ont, en plus de la protection et des soins aux animaux récupérés, deux missions d’une extrême importance. La première consiste à favoriser la sensibilisation de nombreux visiteurs par l’éducation. Ce qui paraît intéressant dans cette phase, c’est le fait d’impliquer une cible spécifique, les écoliers et élèves qui viennent en groupe sous la bannière de leurs écoles. L’action qui semble encore plus porteuse réside dans la création de clubs au niveau de chaque école. Il y en a 17 dans les différentes institutions scolaires de Kinshasa. Un dernier aspect de cette stratégie concerne le plaidoyer mené dans les villages environnant le milieu naturel des Bonobos. La finalité, c’est de créer un environnement prêt à recevoir les Bonobos qu’il faut

Allier l’utile à l’agréable

Le mérite de «ABC», c’est d’avoir allié l’utile à l’agréable. Certes l’attraction de ce type de singe demeure évidente du point de vue touristique. L’afflux des visiteurs en dit long à ce sujet. Nyangolo Malaïka Jojo a dénombré une moyenne annuelle de 27 000 visiteurs. «Lola ya Bonobo» peut être comparé à une vitrine qui sert de plate forme pour la sensibilisation et l’éducation au respect des espèces menacées. Etant donné le succès enregistré par cette expérience, il serait indiqué que des modules d’enseignement y relatifs soient inclus dans le programme des cours dispensés dans les écoles primaires et secondaires.

Sans armes

Combattre la prédation sans armes, tel est le cas de ces deux expériences. La sensibilisation, l’éducation et le renforcement des capacités forment des pistes prometteuses susceptibles de replacer les Pygmées privés d’accès à leur habitat naturel par les exploitants forestiers et les Bonobos menacés d’extinction, dans leurs droits. Un travail

Noël Obotela Rashidi est Historien de la population et Enseignant-chercheur à l’Université de Kinshasa (RDC).