Article publié le 2010-12-11 par Par Benjamin Tollet Culture
Terrakota les united colors de Lisbonne [05/2010]
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Si l’on dit Lisbonne, on pense au fado. Pourtant, la capitale portugaise est bien plus que ça, et Terrakota est là pour le prouver. Le groupe mélange sonorités africaines avec du reggae, un zeste de salsa et de soukouss, des rhytmes afro-cubains, une pointe de hiphop et de musique indienne pour créer une musique métissée particulièrement réussie. À l’instar de la ville métisse que Lisbonne est devenue.

« Même si elle ne le parait pas, Lisbonne est une ville cosmopolite. Il y a une grande présence de gens des anciennes colonies, Angola, Cap Vert, Mozambique, Guinée-Bissau et Brésil. Mais pas seulement des colonies, il y a des communautés de presque toute l’Afrique ainsi que pas mal d’Indiens. C’est dans cette grande diversité que nous puisons notre musique. Lisbonne n’est pas que le fado. Cette image de ville du fado et de musique portugaise triste est une chose du passé. C’est une image antique que l’on veut absolument garder comme tradition. Mais cette tradition néglige le métissage qui caractérise la ville de nos jours. Le Portugal d’aujourd’hui est le résultat de son passé: c’est un mélange de personnes et de peuples», raconte Romi Anauel, la ravissante chanteuse et danseuse de Terrakota, elle-même d’origine angolaise.

LNA: Cela se reflète dans la musique?

Romi Anauel: Oui, surtout dans la musique des jeunes, qui ont des idées plus contemporaines. Quand nous avons commencé le groupe il y a dix ans, on était pionniers dans le genre de musique métissée qui incorpore plusieurs styles des communautés immigrées. Depuis lors, plusieurs groupes ont suivi notre exemple.

LNA: On peut considérer Terrakota comme ambassadeur de cette multiculturalité portugaise?

RA: Oui, quand on a commencé, il n’y avait pas de groupes qui faisaient notre style de musique. Les groupes portugais étaient plus ‘mainstream’ et recherchaient toujours une connexion avec la culture américaine ou européenne, surtout le rock et la pop.

LNA: Quelles sont vos influences musicales?

RA: Terrakota s’inspire surtout de l’Afrique de l’ouest (Sénégal, Mali, Burkina Faso) et aussi l’Afrique du Nord (Maroc, gnawa). Et après ça, le parcours de Terrakota est aussi le parcours que l’Afrique elle-même a fait, c’est-à-dire le chemin desesclavesversleNouveauMonde.LeCubapar exemple, avec sa musique afro-religieuse et la salsa, ainsi que la musique afro-brésilienne et un peu de samba. Et puis il y a d’autres ingrédients, comme les racines musicales d’Inde et la musique orientale. Notre objectif est de mélanger tout ça avec nos personnalités, avec les influences que les sept membres du groupe portent en eux.Maiscen’estpasn’importequelmélange,on cherche un sens dans le métissage musical que l’on fait. Ce n’est pas facile de faire une bonne fusion. Il faut avoir une certaine connaissance et sentir la culture d’où ces musiques viennent. On s’est plongé dans ces cultures et traditions pendant d’innombrables voyages.

LNA: Vous ne faites pas de musique angolaise?

RA: Terrakota n’a pas tellement d’influences angolaises, sauf évidemment le fait que je suis angolaise, mes racines se trouvent là-bas. On est en train de rechercher dans la musique traditionnelle d’Angola. Mais pas de kuduro (1) car on recherche vraiment les racines de la musique alors que le kuduro est contemporain. Ce qui ne veut pas dire que le kuduro ne soit pas intéressant, c’estunemusiquequivientdesquartierssociaux, comme le hiphop. Les danseurs et chanteurs expriment ce qu’ils vivent à travers le kuduro. Surtout la danse est spectaculaire, il y a une créativité brutale. Nous, on recherche plutôt dans les musiques de racine angolaise comme le semba et le merengue. Il y aura deux morceaux avec le grand auteur-compositeur angolais Paulo Flores sur notre nouvel album qui sort ce mois-ci.

LNA: Contrairement à la musique portugaise, votre musique est loin d’être de la musique triste.

RA: Notre musique est en effet joyeuse, mais c’est une musique avec une certaine conscience de notre société en général et de notre planète. Notre musique est un reflet de notre temps mais aussi une révolte ironiquement transformée en fête. On ne part pas en guerre mais on va faire la fête pour essayer de changer ce monde. Pour se battre contre les injustices que l’on aperçoit dans l’histoire de l’humanité. Il y a beaucoup d’injusticesmaislaplupartdesgensparaissentendormis, ils ne voient même pas ces injustices. Certains veulent aborder ce thème via l’art d’une manière subtile, nous non, tous nos thèmes sont des révoltes. Pacifiques bien entendu, nous ne voulons pas de guerre. Ce n’est pas via la guerre que l’on fait la révolution, mais c’est une révolution spirituelle au niveau énergétique. On veut semer une semence consciente de la situation dans laquelle notre planète et notre société se trouvent.

LNA: Ce qui frappe pendant vos concerts, c’est le positive feeling. Les gens restent bouche bée de l’énergie positive que vous véhiculez.

RA: C’est quelque chose que je recherche consciemment. Je veux donner aux gens et recevoir des gens. Nous voulons que les gens sortent du concert en ayant une espérance de changement. Tout le monde sait ou ressent que notre histoire humaine va mal. Nous parlons de cela. On parle de notre énorme pouvoir en temps qu’être humain de guider nos propres vies et de conduirenotreénergieendirectiondel’amour,de la paix et de l’union. Le résultat, c’est que les gens sortentdenosconcertsavecuneespéranceetils sont inspirés. La positivité est centrale dans nos spectacles. On travaille avec la lumière, cela se notedansleregarddupublicetdansl’étatdepaix dans lequel ils se retrouvent. Les gens ne sont pas fatigués après nos concerts, au contraire, ils en veulent plus. C’est quelque chose que je recherche consciemment car dans les expériences que j’ai eues dans le passé, j’ai appris que nous pouvons conduire l’énergie de forme positive et négative. Je veux la conduire de manière positive.

LNA: Vous êtes angolaise, comment êtes-vous arrivée au Portugal?

RA: Je suis arrivée quand j’avais trois ans comme réfugiée de guerre. Mes parents et beaucoup d’autrespersonnesontdûlaisserleurviederrière eux pour construire une nouvelle vie au Portugal. L’Angola était un pays bien, grâce à ses richesses ce pays pourrait être un des pays les plus prospères du monde. Mais toutes ces années de guerreontruinélepays.Aujourd’hui,laguerreest finie et le taux de croissance économique y est le plus élevé du monde. Du coup, le Portugal est de nouveau intéressé par son ancienne colonie, maisc’estsurtoutlaChinequidéveloppelesliens économiques avec Angola.

J’ai grandi au Portugal et j’ai senti la nécessité de rechercher mes racines. Maintenant je suis plus calme parce que je les ai rencontrées et je comprends que nos racines ne viennent pas seulement d’où on vient, mais aussi de la rencontre avec notre intérieur. Pour cela, je dis que je suis citoyenne du monde et pas d’un pays déterminé.

www.myspace.com/terrakota
vidéo concert Inde: www.youtube.com/user/aleczi

(1) kuduro: un style d’afro-techno venu des ghettos de Luanda, Angola


Terrakota a joué à travers l’Europe: Couleur Café (Belgique), Festes de la Mercè/BAM (Espagne), Amsterdam Roots (Pays-Bas), Etnosur (Espagne), Sfinks (Belgique), Rototom Sunsplash (Italie), Festival Sudoeste (Portugal), Weltnacht (Allemagne), Exit festival (Servie), Mercat da Vic (Espagne), Esperanzah (Belgique et Espagne), Polé Polé (Belgique). En août 2009, Terrakota était invité en Inde au Ladakh Confluence à Leh en plein coeur de l’Himalaya. C’était un concert inoubliable à 3500 mètres d’altitude.

Terrakota a également joué en France: Babel Med (Marseille), Rencontres et Racines (Audincourt), Porto Latino (Corse), Nuits Métisses (Vénissieux), Fiest’a Sète (Sète), Musiques d’ici et d’ailleurs (Chalons en Champagne), Les Nuits Blanches du Vieux (Le Cannet), Festival Convivencia (Toulouse).

2010 sera une année spéciale pour Terrakota: le groupe fêtera ses 10 ans et sortira son quatrième album sur lequel le groupe affirme ses racines africaines et jamaïcaines tout en continuant à s’ouvrir vers de nouveaux horizons. Le nouveau album de Terrakota s’appelle ‘World Massala’ (sous label Galileo MC).

World Massala
Oba Train
Humus Sapiens
Terrakota

MeYouZik festival (LUX)
Polé Polé festival, Gent
Sfinks festival, Anvers
Dranouter festival, Dranouter
Polé Polé Beach festival, Zeebrugge
Festival du Bout du Monde, Crozon (FR)