Article publié le 2010-04-20 par Par Yves Makodia Mantseka Education
L’éducation - clé de l’avenir [03/2010]
Une classe d’écoliers
Fes, Maroc
© Daniel Gasienica
L’enseignement primaire de base:
priorité des priorités
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L’éducation est une mise en œuvre des moyens propres à assurer la formation et le développement de l’être humain. C’est aussi un outil pour développer la personnalité humaine et renforcer le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

L’éducation est l’action de développer un ensemble de connaissances et de valeurs morales, physiques, intellectuelles, scientifiques considérées comme essentielles pour atteindre le niveau de culture souhaitée.

L’absolue nécessité de l’éducation s’avère incontournable pour un pays. Après le pain, l’éducation est le premier besoin du peuple écrivait «Danton»(1). Ce besoin impérieux est aussi un outil pour développer la personnalité humaine et renforcer le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Ainsi investir dans l’éducation, c’est bâtir la paix et le progrès des peuples. L’éducation pour tous, par tous, tout au long de la vie. Tel est le leitmotiv de l’UNESCO(2) pour faire comprendre aux états du monde entier la dimension et l’importance majeure de cette notion dans l’éclosion de la richesse et la croissance d’un continent.


L’éducation et les champions de la croissance

L’Afrique longtemps emprisonnée dans l’antre du sous-développement n’a pas connu ses cinquante dernières années qui ont marqué son accession à l’indépendance le véritable essor qu’impulse l’investissement humain. Son économie en retard au reste des nations dominantes de l’Occident a drainé endettement, crise et pauvreté effroyable. Cette trilogie engloutissant les nations a esseulé et exclu. Ce continent le plus âgé a joué dans le concert mondial orchestré par les nantis qui ont imposé le tempo du marché et le rythme affolant du système fondé sur la concurrence déloyale et le protectionnisme.

Que faire pour adopter cette voie et sortir l’Afrique dans la machinerie des possédants et de leur carcan imposé, étouffant cette dernière à trouver une place de choix sur l’échiquier international défavorable à son actif? Peut-on envisager un modèle singulier pour une Afrique singulière? L’unité africaine demeure la sortie. Et encore il faut que celle-ci trouve l’enracinement dans l’économie d’abord et politique ensuite pour tenir tête aux pays du nord et dire non à leur politique asservissante et dominatrice perpétuant la dépendance.

L’Afrique a oublié cette voie de développement qui a fait des nations émergentes d’Asie du sud est et des pays naissant à forte dose de croissance économique comme la Chine, l’Inde et l’actuel Brésil, les meilleurs élèves du Fonds et de la Banque mondiale. Ces champions de la croissance, tirant le monde vers la réussite et le progrès, ont su privilégier l’investissement de la personne humaine. L’éducation physique, sportive et civique destinée à former des citoyens ont grandement été dans ces pays les domaines primordiaux. La création des écoles de métiers, des formations publiques, privées, des facultés, des sciences de l’éducation avec des méthodes didactiques ou pédagogiques, ont favorisé l’éducation intellectuelle et morale avec la religion dans ces pays à domination de valeurs ancestrales aujourd’hui subissant quelques liftings de modernité au profit du développement. Ce mariage a fait naitre une nouvelle façon de vivre à l’occidental mais tout en gardant précieux les acquis de la tradition ancrée dans les mœurs et coutumes existantes.


Une future élite

Un élève qu’on éduque donne une future élite pour la nation. «Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne», disait Victor Hugo(3). Il est le plus important patrimoine à sauvegarder. L’éducation de l’enfant repose sur la famille, l’école, la société, mais aussi sur les lectures personnelles et sur l’usage des médias comme la télévision ou l’internet. La meilleure école, c’est l’école de la maison. C’est cette école de la maison qu’il faut entretenir et amplifier dans nos familles africaines, pour recevoir les germes d’une bonne éducation par l’instruction. C’est sur cette base éducative familiale, de politesse, savoir-vivre, que l’enfant naît, croît, s’élève et se cultive pour devenir quelqu’un à l’image de ses parents. Ce responsable exemplaire façonné avec les valeurs reçues en partage. Passeurs des vertus, ce sont les parents qu’il faut avant tout éduquer pour servir de modèle à leur propre progéniture engendrée. Il faut pour une Afrique à la recherche de ses repères donner à ses enfants perdus, englués dans la violence et les guerres tribales de labourer ces chemins obstrués et de déblayer les feuilles mortes, pour construire les nouvelles pistes et élargir les horizons qui éclaireront les futurs bâtisseurs de demain, ces héritiers du développement intégral, ce développement de l’homme et de tout son être et de tous les autres en symbiose parfaite, ces ardents zélateurs de la mondialisation à visage humain.

Le ministère de l’éducation nationale et de l’enseignement général est fort capital pour asseoir le développement durable et partant la croissance soutenue. La décennie des Nations Unies pour l’éducation en vue du développement durable (2005-2014) est fort illustrative de l’intérêt considérable que revêt cet outil essentiel. L’Afrique est pauvre dans ce domaine. Les faibles moyens alloués récoltent des résultats négatifs et montrent à fortiori la situation alarmante d’aujourd’hui: absence de mains d’œuvre qualifiées, pénurie des cadres et fuite des cerveaux. L’intérieur des Etats miné par des politiques non distributives et non ouvertes à l’élite qu’il faut à la place qu’il faut, est le foyer dominant d’une caste au pouvoir accaparant tout et dépensant tout à des fins improductives.


Un meilleur encadrement

Culture nécessaire au développement de la personnalité et à l’intégration sociale de l’individu, l’éducation est absente dans les campagnes et les villages reculés. Les paysans isolés et abandonnés dans ces contrées lointaines meurent incultes et pauvres en connaissances et pratiques utiles à l’essor du labeur quotidien demeuré rudimentaire. Un meilleur encadrement, assistance et conseil de nos villages, entrainera l’Afrique à repenser le développement tiré par la base travailleuse. Le développement participatif redonnera le rôle prépondérant au monde rural dans la croissance des économies. La liberté dans le choix des projets, des programmes et des stratégies de développement dans ces lieux, dynamisera les cultures, la production et la commercialisation des produits de base par l’arrêt de l’exode rural. Le taux d’alphabétisation hier encore fort élevé diminuera et les campagnes de prévention, de sensibilisation orientées par l’éducation sexuelle éradiqueront certains maux et stoppera dans les coins enclavés la pullulation des maladies transmissibles et avec lui la pandémie du SIDA.

En négligeant l’investissement humain, l’Afrique déjà patraque de multiples maux de crises intérieures notoires sombre de plus en plus dans un marasme sans perspective. A l’instar des pays émergents, elle doit mettre l’accent sur la priorité de ces moyens et redéployer les efforts colossaux pour endiguer la crise qui cisaille son peuple et l’éloigne indubitablement du concert des nations développées. C’est par ce fait qu’elle pourra se détacher de l’emprise des possédants plus que jamais arc-boutés dans la politique outrancière d’asservissement et non de l’autonomie voire de l’émergence du géant africain.

Pourquoi l’Afrique n’a pas connu le véritable essor?

C’est en raison des causes ou problèmes inhérents aux facteurs sociaux, politiques et économiques criards qui ont enlisé l’Afrique dans le bourbier du mal, creusant au fil des ans le fossé du sous développement. Sur le plan sociopolitique, l’on observe la dominance quasi-statique de crises multiformes orchestrées par des guerres civiles, des coups d’état répétés. De plus, on remarque la présence de l’état bureaucratique, l’absence d’institutions solides, d’enseignants, de professeurs. Sur le plan économique, l’on note la pénurie des capitaux, le manque d’initiative privée.

Ces maux ont occasionné, par exemple, la fermeture des écoles, des universités, des ateliers, et de ces centres générateurs de formation et de développement de l’éducation. Ils ont sapé l’élan des gouvernements et des partenaires du développement faisant de leurs projets éducatifs des lettres mortes et par conséquent nuisant l’environnement permissif au déclenchement de la croissance économique impulsée par l’investissement du capital humain.

Telles sont, en substance, les causes qui expliquent l’absence notable en Afrique d’un véritable essor impulsé par la dynamique de l’investissement humain. Qu’en est-il de cette voie de développement ou stratégie oubliée?


Les stratégies de développement

En effet, les stratégies de développement appliquées par l’Afrique au cours des cinquante dernières années n’ont pas privilégié l’investissement du capital humain. Les années soixante et soixante-dix, les politiques furent celles de substitution aux importations et aux exportations négligeant l’éducation au profit de l’industrie. Sans infrastructures adéquates, ni biens d’équipements et main d’œuvre qualifiée, ces voies de sortie de crise en occultant l’investissement humain d’abord ont prêché dans le désert et connu des échecs cuisants. Ces stratégies d’extraversion croissante ont mis la charrue avant les bœufs. Elles n’ont guère construit au préalable les routes ni installé l’électricité et pis encore donné la primauté à la richesse des cerveaux humains ou matières grises dans cette marche de la modernisation accélérée. Dans cette incurie des autorités locales, l’Afrique subsaharienne est demeurée inerte dans le processus de mécanisation souhaitée par la manifeste absence des experts, des inventeurs, des créateurs ou génies pouvant catalyser l’énergie propice au progrès et au changement attendu. A l’inverse, on a vu apparaître l’émergence des états gendarmes, envahissants, contestataires et souvent sous le joug du communiste rampant. A l’aube des années quatre-vingt et fin quatre-vingt-dix, les programmes d’ajustement structurel pilotés par la Banque mondiale en filiation avec le Fonds monétaire international ont mis en avant les politiques d’austérité. Ouverture des économies et insertion de celles-ci sur le marché mondial. Ces PAS (Programme d’Ajustement Structurel) ont généré des dettes colossales et entrainé des conséquences désastreuses sur les plans politiques et socio-économiques et culturels sans précédent. Le volet éducation a trouvé une place de choix durant ces périodes. Les stratégies et politiques éducatives ont été mises en avant. Les rapports sur le développement ont consacré des études et lancé des programmes sérieux sur ce pilier de la croissance économique. L’UNESCO, le PNUD(4) et les bailleurs internationaux ont déployé des efforts et octroyé des fonds substantiels. Des avancées significatives ont été enregistrées ça et là dans les zones reculées de l’Afrique subsaharienne et dans certaines localités ou métropoles. Mais ces investissements n’ont point donné les résultats escomptés. Le défi de l’illettrisme n’a pas été relevé et l’objectif visé d’ici à l’an 2000 a accouché le soleil noir de la désolation et de la tristesse. Chute du taux de scolarisation.

A ce propos, les chiffres étayent justement cette situation: Depuis les années 1970, l’éducation en Afrique se porte mal. De 1980 à aujourd’hui, le taux de scolarisation est passé de 69,2 à 71,7 %. Il faut être prudent avec ces chiffres, qui sont manipulés par les pouvoirs publics pour des raisons diverses et variées. Le taux de scolarisation a chuté du fait du déficit de financement du secteur par les gouvernements africains. Malgré tous les discours, dans les faits, l’éducation n’est pas considérée comme une priorité. Le phénomène de privatisation des écoles augmente et seuls ceux qui ont les moyens de payer les charges peuvent y accéder(4).

Une prise de conscience

Les années 2000 s’ouvrent sur le son de cloche d’une prise de conscience des échecs de politiques économiques antérieures. En décrétant solennellement le 21eme siècle l’âge du capital humain. Et en prônant les TIC (technologies de l’information et de la communication) pour pallier aux insuffisances d’hier et être dans l’ère de l’information via internet. Comme pour souligner l’importance du développement du capital humain et de ces ingrédients dans la réalisation de l’éducation pour tous. Dans l’augmentation de revenu et des avantages économiques et culturels. Fort propice à la plus grande intégration des populations isolées –rurales en particulier– dans la société et dans la mouvance de l’activité économique.

Mais, les insuccès de ces paradigmes illustrent à l’évidence que, le continent africain a oublié l’éducation, ce pilier de développement inéluctable. L’Afrique dans sa course vers le développement économique, politique et social a superbement ignoré cette voie de sortie en focalisant son attention sur d’autres secteurs de développement. En somme, le couple éducation et santé a été sacrifié sur l’autel de la priorité de l’agriculture toujours rudimentaire. Et de l’industrie aveuglée par le miroir opaque des marchés intérieurs demeurés étroits et embryonnaires.  
L’Afrique doit accepter l’expérience des autres et développer son propre modèle qui fera d’elle le continent singulier. Chacun s’enrichit des connaissances et du savoir de l’autre. L’autarcie n’est pas une panacée du développement. L’ouverture reste le chemin de conciliation des forces antagonistes et un levier pour atteindre le meilleur issu des valeurs nationales et des talents venus d’ailleurs. Le continent oublié a un besoin essentiel de composer avec ce savoir faire des pays avancés pour construire sa propre industrie. Aujourd’hui doit être le temps de signature des accords de coopérations, commerciaux, d’échanges de main d’œuvre qualifiée et transferts de fonds pour édifier le futur avec la maitrise de la technologie, l’invention et l’innovation qui permettront de créer notre propre richesse. La dépendance préparant l’indépendance, l’Afrique libérée de l’étau d’assistanat, réussira toute seule comme jadis les nations émergentes du présent à se hisser et se développer sur le socle de son modèle authentique: l’exception africaine.


L’Union africaine solidaire

Mais il faut une Union africaine à orientation doctrinale «solidaire» et assise sur une démocratie solide et apaisée. Cette démocratie de rassemblement où toutes les forces vives du continent œuvrent à l’unisson des états libres et fraternels qui prônent par-dessus l’intérêt général. A l’idée d’une monnaie unique doit s’ajouter celle d’union politique chère à nos ancêtres. L’Afrique doit marcher avec une seule politique et défendre une seule voix dans la défense des intérêts majeurs de son peuple uni et rassemblé. Ces dirigeants, issus de nations unifiées deviendront, les plaideurs d’un projet commun formulé par la base. Une approche ascendante où les unités de base s’imbriqueront dans le processus de développement redonnera à l’Afrique nouvelle, régénérée, une impulsion de progrès et de développement sans précédent. Chaque nation gardera sa culture et ses valeurs anciennes et son autonomie. L’union fait la force… le continent sortie de lacis sinistre et ségrégationniste fera fi des luttes intestines rampantes et gagnera en maturité la force galvanisatrice de cavalier seul sur le chemin des continents développés et majeurs. Doté d’une économie forte et d’un pouvoir politique proéminent.




Que faire?

Il faut replacer l’Investissement humain au cœur du développement. Des portefeuilles économiques des gouvernements des états Africains. Cette place de choix où il doit jouer le rôle prépondérant dans la dynamique de la croissance. Il doit être la priorité des priorités.

Ce faisant, il importe de déployer des efforts considérables et allouer des moyens financiers nécessaires dans le domaine de l’éducation de base. A ce niveau, l’enseignement doit être non seulement obligatoire, mais également et surtout accessible à tous et à toutes quelque soit le niveau social. Des budgets spéciaux doivent y être consacrés sans aucun ménagement. Cette base éduquée, mieux formée, servira de tremplin pour asseoir solidement l’enseignement secondaire et supérieur, avec des élèves et étudiants nantis en connaissances et savoirs essentiels. Ce réservoir enrichissant donnera des compétences et des talents certains pour une élite recherchée susceptible de rivaliser avec l’extérieur. Ces cadres doteront l’Afrique en main d’œuvre recherchée capable de diriger et de manager les entreprises locales. Ces firmes taillées à la mesure internationale avec à la pointe une technologie, une créativité et une innovation, participeront librement à la concurrence et à la compétitivité du marché mondial.


Une synergie motrice

Bien sûr, il faut créer au niveau national et panafricain, une synergie motrice pour que cet outil indispensable qu’est l’éducation de qualité ne soit pas jeté aux oubliettes. Pour cela, il faut mettre en place une commission spéciale à l’échelle panafricaine. Cette chambre de résonnance communautaire, ce bureau d’idées ou foyer de réflexion et de création de projets serviront de relais aux Etats membres de l’Union pour amplifier et faire passer par l’application effective au niveau local des plans ou projets adoptés au sein de la communauté. Cette forme de conglomérat des intérêts éducatifs convergents, réunissant les africains eux–mêmes et aidée par les organismes financiers internationaux et les ONG crédibles par l’élaboration de convention, donneront à l’investissement humain le pouvoir de création de personnels chevronnés et feront naitre des compétences utiles à l’éclosion de la richesse et du développement tant attendus.


C’est par ce biais que l’investissement humain non négligé fera que notre système éducatif prendra solidement corps dans sa spécificité africaine et dans l’ouverture vers le monde. Cette union donnera à l’école africaine de demain une osmose parfaite, en adéquation avec la formation professionnelle et les demandes sans cesse croissantes du monde du travail.

L’éducation est la clé du développement de l’Afrique. C’est par l’éducation que le peuple africain obtiendra son autonomie et développera son potentiel. Une nation éduquée est gage d’évolution, de réussite et de victoire. Le futur du continent noir s’assombrira plus avec l’obscurantisme de ses dirigeants claquemurés dans l’ignorance totale engendrant l’indolence et l’incurie généralisée. L’éducation politique couplée avec celle dite scientifique, morale, éthique, religieuse voire spirituelle redonnera à l’élite dirigeante africaine une vision nouvelle et un idéal élevé. Cet homme nouveau et une âme nouvelle feront du gouvernant renaissant un défenseur de l’humanisme intégral africain, celui qui œuvre à bâtir un village global africain sur les valeurs cardinales de nos éternels aïeux, celles qui contribuent au développement.


Notes
(1)Georges Jacques Danton (1759-1794), Discours à l’Assemblée le 13 août en 1793
(2)www.unesco.org
(3)Victor Hugo (1802-1885), Recueil: «Les quatre vents de l’esprit»
(4)PNUD: Programme des Nations Unies pour le Développement  
(5)http://www.alaincapochichi.com/webalain/index.php/leducation-au-benin