Article publié le 2010-04-20 par Par Alexandre Korbeogo Actualité
Coup d’état au Niger - Le retour des vieux démons [03/2010]
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Longtemps susurré dans les arcanes et les salons feutrés des camps militaires du Niger, le coup d’état est devenu réel le 18 février dernier. Le Président Mamadou Tandja a été renversé et le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD), dirigé par le chef d’escadron Salou Djibo, a pris les commandes. Retour sur les péripéties de ce quatrième coup d’état au pays d’Amani Diori (1) en moins de quarante ans d’existence.

L’Afrique renoue avec ses vieux démons au Niger. Le 18 février courant, un coup d’état a renversé le colonel Mamadou Tandja. Quatrième du genre, le Niger vient de montrer que l’Afrique n’a pas encore tourné le dos aux coups d’état. Un bref rappel historique permet de situer les événements qui ont «motivé» ou «aidé» l’avènement de ce coup d’état. Mamadou Tandja a été élu en 1999 et réelu en 2004. Selon la Loi fondamentale, son mandat prenait fin en décembre 2009. En mai 2009, le Président déchu demande à l’Assemblée nationale de valider un projet de loi relatif à l’organisation d’un référendum pour amender la Constitution en vue de supprimer la limitation du nombre de mandats à deux dans la Constitution. Le Parlement saisit la Cour Constitutionnelle en rejetant la demande du Président Tandja. La Cour Constitutionnelle en fait autant. Le Président Tandja prend sur lui de dissoudre l’Assemblée Nationale, la Cour Constitutionnelle et organise au forceps un référendum. Il sort vainqueur selon les résultats officiels. Une crise secoue alors la classe politique nigérienne. La sixième République est en marche au Niger. La communauté internationale appelle les protagonistes à dialoguer et à trouver un terrain d’entente. Pendant ce temps, le Niger est exclu des instances de la CEDEAO (2) et de l’Union Africaine. L’Union européenne s’y met à son tour en coupant l’aide au développement. Face à la crise, le général nigérian, ancien Président de ce pays, est désigné médiateur par la CEDEAO pour trouver une solution définitive. Rien n’y fit. Aux prises avec de multiples obstacles, le général démissionne. La Communauté sous-régionale rebelote. Abdoulaye Wade, le Président sénégalais est appelé à la rescousse lors du 37 ème sommet des chefs d’Etats de la CEDEAO tenu à Abuja au Nigéria dans ce mois de février. Il devient le nouveau médiateur. Or, c’est lors de ce sommet de la dernière chance que tout va s’emballer face à l’intransigeance du camp présidentiel de faire des concessions à l’opposition en formant un gouvernement de consensus. Pour parler en homme politique «un gouvernement de sortie de crise». Avant même qu’il n’entame ses négociations, l’armée est entrée en action. Le 18 février en plein Conseil des ministres vers midi, un commando conduit par Dijibrilla Hima Hamidou dit «Pelé», quarante-cinq ans, commandant de la compagnie d’appui des blindés de Niamey, prend la présidence de la République d’assaut. A dix-huit heures (heure locale, dix-sept heures GMT), le jeu est plié. Les putschistes instaurent le Conseil Suprême pour la Restauration de la Démocratie (CSRD) dirigé par le chef d’escadron Salou Djibo. Bilan: quatre morts, une dizaine de blessés et le Président Mamadou Tandja est arrêté.  Il serait détenu aux dernières nouvelles dans une villa juxtaposant le palais présidentiel.




Tout est à refaire

La communauté internationale, l’Union Africaine et les organisations sous-régionales ont condamné le coup de force intervenu au Niger. Dans le principe, les coups d’états ne participent pas à construire un pays ni à promouvoir son développement. Il est donc capital que l’Afrique tourne définitivement la page. On peut reprocher à Mamadou Tandja son entêtement à tordre le cou à la Constitution en vue de se représenter. Mais, on peut aussi reprocher à la junte d’avoir tué des innocents pour accéder au pouvoir. La force de l’argument doit toujours primer sur l’argument de la force. La junte au pouvoir au Niger n’a pas raison, pour parler vulgairement, Mamadou Tandja, par son entêtement n’a pas eu aussi tort. Aujourd’hui, il faut tourner la page. La junte doit travailler à ne pas se maintenir au pouvoir. On a vu les risques qu’encourent les militaires venus au pouvoir par les armes et qui ont voulu y demeurer. Le cas le plus récent est celui de Moussa Dadis Camara de la Guinée Conakry. Il y a eu aussi Robert Gueï en Côte d’Ivoire et Daouda Malam Wanké au Niger. Après 1974 avec le général Seni Kountché, 1996 avec le général Ibrahim Baré Maïnassara, 1999 avec le commandant Daouda Malam Wanké, et le dernier en date avec le commandant Salou Djibo,  le Niger a amorcé une nouvelle page de son histoire politique. Il est à souhaiter qu’au plus vite, il retrouve l’ordre constitutionnel normal pour travailler à construire une société moderne.

(1) le premier président de la République
(2) CEDEAO: La Communauté Economique Des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) est un regroupement régional de quinze pays créé en 1975.



Qui est le commandant Salou Djibo?

La junte militaire, qui a renversé jeudi 18 février le Président nigérien Mamadou Tandja a pour Président le chef d’escadron Salou Djibo, jusqu’alors peu connu du grand public. Né en 1965, le nouvel homme fort de Niamey, à la tête du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD, junte), a reçu sa formation militaire en Côte d’Ivoire, en Chine et au Maroc. La 121 ème CCA, la 5ème Compagnie de Commandement et d’Appui et de Sécurité qu’il commande depuis cinq ans, est une unité opérationnelle, une unité de combat qui a «fait le front» et qui n’est pas connue du public. Né en 1965, Salou Djibo n’a été admis à l’école d’officiers qu’à trente ans. C’était à Bouaké, en Côte d’Ivoire. Il fera ensuite son cours d’application en Chine, puis le cours d’état-major à Kenitra, au Maroc. Sa spécialité est l’artillerie. Affecté d’abord au Centre d’Instruction d’Agadez, dans le nord du pays, il revient à Niamey comme chef de peloton, avant de prendre la tête de la CCA. Salou Djibo est originaire du village de Namaro à environ 50 kilomètres de Niamey, sur la rive droite du fleuve Niger.
A.K.

Source: RFI