Article publié le 2010-03-10 par Par Vincent Hickman www.lezardsnoirs.org Culture
A la décourte de la sanza des origines au cœur de l’Afrique [02/2010]
Kalimba dans résonateur
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Les sanzas seraient les seuls instruments de musique typiquement africains; même si, dans une histoire récente, ils se sont répandus dans d’autres régions du monde.

Les sanzas font partie de la grande famille des idiophones et, plus particulièrement, des instruments de musique à lamelles (ou languettes) pincées, également appelés lamellophones . Seules les guimbardes, les crécelles  et les boîtes à musique partagent le même principe de production sonore. Pour émettre des sons, le musicien met les lamelles en vibration avec ses pouces, plus rarement avec les index ou avec les autres doigts de la main. Parfois joués seuls, les lamellophones sont souvent accompagnés de chants, de percussions, de frappements de mains ou d’autres instruments tels que des vièles ou des flûtes.


Les points communs à toutes les sanzas

A travers le continent africain, les modèles de sanzas sont multiples; cependant, ils ont des caractéristiques communes: des lamelles sont fixées sur une planchette, la table de jeu ou de résonance, au moyen d’une barre de pression ou de liens et reposent sur un ou deux chevalets. Les vibrations des lamelles, pincées par le musicien, se propagent à la table de résonance par l’intermédiaire du chevalet et le plus souvent à des sonnailles. Ces sonnailles ou bruiteurs, présents sur la majorité des instruments de musique de l’Afrique subsaharienne, permettent d’obtenir des sons riches, complexes et épais, caractéristiques de l’esthétique musicale africaine.

Chaque lamelle du clavier d’une sanza correspond à une note de musique. Sa hauteur dépend du poids, des dimensions et de la forme de la lamelle (large et plate, effilée, palmée, angulaire...) ; de la distance qui sépare l’extrémité pincée de la lamelle au chevalet: plus elle est grande, plus la note est grave.

Des origines au cœur de l’Afrique

Les sanzas seraient les seuls instruments de musique typiquement africains; même si, dans une histoire récente, ils se sont répandus dans d’autres régions du monde. Leur origine à l’intérieur du continent africain fait l’objet de différentes hypothèses. Une partie de la communauté scientifique pense qu’elles sont apparues dans la région du Lac Tchad et se sont ensuite dispersées vers le sud du continent avec les migrations des peuples bantous. D’autres défendent l’idée que les sanzas sont issues d’au minimum deux foyers distincts. L’un, situé autour de l’actuelle région du Cameroun et du Gabon, aurait donné naissance aux types de sanzas à lamelles végétales et l’autre, situé autour de la vallée du Zambèze, aux instruments à lamelles métalliques. Les lamellophones sont apparus plus récemment dans certaines régions d’Afrique de l’Ouest.
Aujourd’hui, principalement jouées par des populations bantoues, les sanzas se trouvent surtout en Afrique centrale et en Afrique australe, en particulier dans le bassin du Congo et dans celui du Zambèze. Aux Antilles et sur le continent sud-américain, les lamellophones ont été fabriqués et joués selon des traditions héritées des esclaves noirs africains, mais ne se rencontrent aujourd’hui plus que dans certaines îles des Caraïbes. Les sanzas ont, tout autant, des rôles de divertissement que des fonctions centrales dans certaines cérémonies religieuses africaines comme chez les Shonas du Zimbabwe.


Un instrument aux appellations multiples

Le mot sanza est adopté par la plupart des musiciens français. Depuis plusieurs décennies, il a trouvé son entrée dans les dictionnaires de la langue française. S’agissant d’une adaptation d’un terme spécifique à seulement quelques cultures africaines, les ethnomusicologues préfèrent se référer le plus souvent au terme « lamellophone ». En Afrique, les appellations sont en effet très variées. Selon, Gerhard Kubik, la plupart des noms des instruments d’Afrique centrale et d’Afrique australe sont construits autour de quatre racines bantoues : -kembe, -imba (ou -rimba), -sanzi, -mbila (ou -mbira). Des dizaines de noms se sont répandus à travers le continent : likembe, kidikembe, chilimba, kalimba, indimba, sandji, kasanzo, mbira, mbila,... Parmi les autres appellations, certaines sont surprenantes comme celle des Yaka du Congo qui utilisent le terme nzanga qui signifie « soleil »!




Sources:
- BEBEY, Francis. 1975. African Music, a People’s Art. New York: Lawrence Hill et Co.
- BERLINER, Paul. 1978. The Soul of Mbira : music and traditions of the Shona people of Zimbabwe. Berkeley (us/ca): University of California Press.
- BOREL, François. 1986. Les Sanza. ISBN 2-88078-008-X. Neuchâtel (ch): Musée d’Ethnographie (Collections d’instruments de musique) : 181 pages: bibliographie, dessins, photos, tableaux.
- COOKE, Peter, Robert A. Kauffman, Anthony King et Gerhard Kubik. 1984. «Lamellaphone». London (uk): Macmillan Press Limited. The New Grove Dictionary of Musical Instruments (ed. Stanley Sadie): volume 2, 494-502, bibliographie, dessins, photos. [cet ouvrage utilise le terme lamellaphone qui me semble en voie d’obsolescence... ndla]
- DEHOUX, Vincent. 1986. Chants à penser Gbaya. ISBN 2-85297-187-9. Paris: Selaf. 219 pages: bibliographie, cartes, discographie, résumé (anglais, français, gbaya).
- DOURNON, Geneviève. r1996. Guide pour la collecte des musiques et instruments traditionnels. ISBN 92-3-203304-6. Paris: Les Presse de l’Unesco. 152 pages [réédition de l’ouvrage publié en 1981, augmentée de la « Classification des instruments de musique » proposée par l’auteur, pages 110-149, ndla]
- FALIGAND, Michel. 1997. « Fabriquer une sanza ». Percussions. 49 (janvier-février 1997/série 1): 5-10, bibliographie, carte, dessins, discographie, filmographie, photo.
- GANSEMANS, Jos. 1989. « La marimbula, un lamellophone africain aux Antilles ». Genève (ch): ADEM/AIMP: Cahiers de Musiques Traditionnelles . 2/1989: 125-132, bibliographie, dessins, musique, photos.