Article publié le 2008-05-21 par Culture
Interview / Rencontre avec l’acteur Abossolo M’Bo [05-06/2008]

Tella Kpomahou, Emile Abossolo, en vedette au festival

 

 

Le Nouvel Afrique : Dans « Ezra », vous interprétez Ruffus, le chef du groupe qui recrute des enfants pour en faire des soldats ? Comment a réagi votre public face à ce « rôle de méchant » dans lequel vous n'êtes pas familier ?Emile Abossolo M'Bo : C'est toujours touchant en tant qu'acteur de constater que les gens ont reçu ce qu'on a donné. Quel que soit le rôle qu'on interprète, l'essentiel est de toucher les gens, même s'il s'agit de les faire pleurer. Cela prouve que le message est passé ! Je n'aime pas la violence mais j'aime la raconter.

« Ezra » est une fiction qui n'est pas basée sur des faits réels mais qui reflète la réalité et qui plus est, on dit qu'elle est en dessous de celle-ci ?
C'est vrai que le documentaire montre des images vraies et choque, mais l'avantage de la fiction c'est qu'elle prend le documentaire et le traite, elle réfléchit en choisissant les angles sous lesquels raconter l'histoire et peut décider à quel moment positionner les actes.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées lors du tournage ?
Tout d'abord, l'argent. Nous sommes partis d'un petit budget. Heureusement que nous sommes tous restés solidaires parce que nous croyions tous au projet. C'est toujours un problème quand un Noir africain, et pas américain j'insiste, veut réaliser quelque chose. C'est comme si il ne parviendrait pas à faire quelque chose sans qu'une main occidentale le guide. Ce genre d'esprit colonial nous colle encore à la peau. Aussi est-il souvent difficile de travailler avec des Africains. Mais en dehors de ça, c'était formidable, un bonheur absolu de travailler avec des personnes telles que Mariam N'Diaye (NDLR : « Onitcha » dans le film) et avec ces jeunes qui faisaient leur premier pas dans le cinéma.

Et avec Newton Aduaka ?
C'est un réalisateur fantastique ! Il est du genre à toujours se soucier des acteurs. Par exemple il pouvait y avoir 150 figurants, mais quand il arrivait le matin, il saluait chacun d'entre eux avant de commencer le travail. Ce qui énervait certains collaborateurs d'ailleurs… Mais Newton répliquait en relevant que ces gens travaillaient pour presque rien !

Pourquoi le tournage s'est-il déroulé au Rwanda, alors qu'il s'agit de soldats sierra léonais ?
La Sierra Leone sortait à peine de la guerre. La logistique n'aurait pas suivi. Et politiquement, cela risquait de remettre le feu aux poudres parce qu'on parle de la guerre. Les Sierra Leonais venaient de sortir de leur histoire et les faire jouer aurait été dur. Le film est panafricaniste : la problématique des enfants soldats traverse toute l'Afrique. Le réalisateur a tenu, par son casting, que ce film représente tous les Africains : on y retrouve des acteurs du Cameroun, du Congo Kinshasa, de Sierra Leone, du Congo Brazza, du Rwanda, du Nigeria, du Togo, du Kenya, de l'Ouganda et les Africains d'Europe comme d'Angleterre par exemple. D'ailleurs l'acteur principal, le jeune qui interprète Ezra, est un Sierra Leonais.

Qu'en est-il de la véritable origine du problème ? La présence européenne est assez discrète dans le film ?
Le réalisateur n'a pas voulu faire un film accusateur ou une revendication contre l'occident. C'est un film fait par un Africain pour des Africains à partir d'un point de vue africain. Les occidentaux qui génèrent toutes ces guerres en Afrique en fournissant des armes savent ce qu'ils font et se reconnaissent. En ce qui me concerne, c'est toujours la même chose : Tout le monde s'en fou ; les Nègres n'ont qu'à crever, leur terre, leur diamant, l'or, le pétrole, le soleil seront enfin aux Occidentaux ! Ca peut paraître dur mais c'est la triste réalité.