Article publié le 2012-12-10 par Par Jamil Thiam avec RFI Diaspora
Le Gabonais Camille Ngoulou, commandant de bord de Boeing américain «Les Africains ont compris que le système aux États-Unis profite à tout le monde» [12/2012]
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Originaire du Gabon, Camille Ngoulou est un commandant de bord de Boeing 747-400 au pays de l’oncle Sam. Ce quadragénaire considère comme une insulte envers notre continent ces africains qui viennent aux États-Unis et qui ensuite oublient tout, leur culture, leur langue. Le moins que l’on puisse affirmer, du sang «africain» coule véritablement dans ses veines. Toutefois, reconnait cet ancien agent de sécurité dans un hôtel «les africains battent à plates coutures les noirs américains», dans la réussite.

S’il ya un africain fier de l’être c’est bien le pilote de l’air Camille Ngoulou qui a choisi de tenter sa chance aux États-Unis il y a prés de trois décennies. Ce Gabonais ne semble pas mâcher ses mots pour dire tout ce qu’il pense des ressortissants de la diaspora africaine vivant aux États-Unis. Originaire de la province du haut Ogoué dans l’Est du Gabon, Camille est fidèle à ses origines et ses racines africaines qu’il assume jusqu’au bout des ongles, à l’opposé d’autres africains de la diaspora : «Il y a des africains qui viennent ici aux États-Unis et qui oublient tout, leur culture, leur langue, et moi je trouve que c’est une insulte envers notre continent», s’insurge t-il. Pour lui, ces africains essaient de se comporter à l’américaine mais malheureusement ils n’y arrivent pas. «Ils ne maîtrisent pas l’anglais, ils ne connaissent rien aux États-Unis, donc ils essaient de s’identifier à quelque chose qu’ils ne connaissent pas, c’est énervant !», laisse t-il entendre. Avant d’ajouter : «L’américain moyen est souvent choqué parce qu’il se demande si les africains ne sont pas venus jusqu’ici à la nage, je ne leur en veux pas car ils sont limités et victimes de leur ignorance». D’autres américains sont parfois interloqués, eux aussi, à son sujet, notamment ses collègues ainsi que les hôtesses de l’air. «Ils se demandent : celui-là d’où sort-il et comment a-t-il pu devenir pilote ? Ils se posent des questions, ils pensent que j’ai profité de la discrimination positive, alors que moi je n’ai bénéficié d’aucun de ces programmes!», ajoute Camille. Pour lui, la situation avec les noirs américains n’est pas des meilleures. Le Gabonais dit ressentir de la jalousie tous les jours. Et pourtant cet africain a financé ses longues études en travaillant des années en tant que portier dans les hôtels. Selon lui, les africains connaissent moins d’échecs car ils viennent tous aux États-Unis dans un but bien précis : «On bat à plates coutures les noirs américains, et leurs femmes aiment bien se mettre avec des africains parce qu’elles savent qu’ils travaillent beaucoup et qu’ils sont plus enclins à la réussite. L’américain moyen ne comprend pas que, si l’africain est au sommet, c’est qu’il s’est comporté différemment. Le système en place aux États-Unis profite à tout le monde, et les africains l’ont compris. De nombreux noirs américains, eux, n’arrivent pas à le reconnaître et ne parviennent pas à en profiter», affirme-t-il.

 


 

La promotion par les parapluies au Gabon

Au passage, Camille Ngoulou fustige le modèle gabonais en vigueur dans la vie publique et politique où il faut avoir des «bras longs» pour tirer son épingle du jeu. Lui-même a fait les frais de cette pratique plus liée à la corruption. «Je suis revenu au Gabon en 1999 pour essayer de monter une compagnie aérienne avec des amis, mais nous sommes vite arrivés à une impasse, parce que nous n’avions pas de parapluie comme on dit chez nous, c'est-à-dire pas de sponsors, mais aussi parce qu’il y a trop de personnes qui se mêlent de choses qui ne les regardent pas et pour lesquelles elles ne sont pas qualifiées, alors qu’aux États-Unis, si tu veux faire des choses, on te laisse tranquille», assène-t-il. C’est pourquoi, tout en préservant ses racines socioculturelles intactes, ce commandant de bord de Boeing 747-400 veut un changement notoire, en termes d’approches des pouvoirs politiques en Afrique.