Article publié le 2014-03-11 par Jérôme Bigirimana Société
Burundi - Le Village Imuhira ou la force de développement communautaire en marche [11-12/2013]
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«Désormais, je peux écrire à mon fiancé et lire mes lettres sans avoir besoin d’aide et je pourrais aussi me faire élire lors des prochaines élections communales », s’émerveille Claire Karimuribo, 40 ans, une habitante de Rurenda où le projet Village Imuhira rythme la vie des habitants depuis 2006. Cette localité située au centre du Burundi est devenue un centre de développement des compétences personnelles et locales. Un véritable succès sur le chemin du développement local, même si les défis restent immenses.

« Imuhira » signifie « chez nous, à la maison ». Le projet Village Imuhira est le résultat d’une convention qui lie 3 partenaires belge (Service d’Entraide et de Liaison, SEL-projets), suisse (Au Village Imuhira) et burundais (ADEPE-CEPRODILIC) pour le suivi et la cogestion du projet. Il vise à transformer Rurenda, le cœur du village Imuhira, à 70 km de Bujumbura, un centre de formation et de créativité. Mais aussi un espace d’affirmation de soi et de liberté d’expression pour un meilleur épanouissement individuel et social. Une tâche qui n’est pas facile dans une région où les gens ont l’habitude de penser que leur sort serait amélioré s’ils vont travailler, étudier ou vivre à Bujumbura, la capitale du Burundi.

S’inspirant de la maxime d’Antoine de Saint-Exupéry, « Dans la vie, il n’y a pas de solutions. Il y a des forces en marche. Il faut les créer et les solutions suivent », les partenaires du Village Imuhira visent à insuffler le développement à partir de Rurenda même. Et c’est là même le sens d’Imuhira. « Imuhira veut dire vous habitez dans une région rurale, sur la colline, mais vous avez beaucoup de choses à créer si vous vous mettez ensemble. Ce n’est pas parce que l’on habite dans une région rurale qu’on ne peut pas faire de choses extraordinaires. Imuhira ou chez nous, à la maison, on peut y rester et nous développer », nous a indiqué Ariane Nshimirimana, coordonnatrice de l’asbl Au Village Imuhira en suisse.

Les activités du projet

Pour rendre cette vision possible, le projet développe ses activités sur trois axes principaux : Éducation et formation, développement communautaire et accès aux microcrédits et antenne médicale et psychosociale.

Au niveau de l’éducation et de la formation, une école primaire a été construite depuis 2007, suivie en 2009 par l’école technique de menuiserie. Une formation est aussi assurée en agriculture, en élevage, en conservation et transformation alimentaire sans oublier l’apiculture. Les enseignants de Rurenda et ses environs suivent également une formation psychopédagogique continue.

Toutes ces formations changent petit à petit la vie des habitants de Rurenda. Mais le véritable succès reste largement celui de l’alphabétisation des adultes. Des milliers de gens, surtout des femmes, ont été alphabétisés de Munanira à Cumba en passant par Rurenda, le poumon de ce développement communautaire de cette contrée à cheval entre 2 provinces Mwaro (commune Kiganda) et Muramvya (Rutegama et Mbuye). [Photo à gauche : les alphabétisés viennent de recevoir leurs certificats en présence de la directrice nationale de l’alphabétisation (devant, milieu) et de la coordinatrice de « Au Village Imuhira » suisse (2è à gauche)]

Un autre grand succès est l’école de menuiserie qui s’est forgé un nom grâce à ses produits de très haute qualité. En effet, les meubles fabriqués par les lauréats de l’école technique de menuiserie, assistés par deux professeurs expatriés suisses, sont devenus une réussite phare de ce projet. Des commandes viennent des écoles, des administrations, des églises, des centres culturels, des particuliers, etc.

Quant à l’axe de développement communautaire, plusieurs activités sont développées mais la plus emblématique est la construction d’une ferme agropastorale modèle qui sert en même temps de ferme école. C’est ici que des cours de sensibilisation et de formation sur des thèmes liés à l’agriculture, à l’élevage et à l’environnement sont donnés aux paysans. Mais également, l’appui et l’accompagnement des associations de femmes paysannes qui ont obtenu des crédits demeurent une des principales activités de ce travail communautaire.

Une antenne médicale et psychosociale

Mais ce n’est pas tout. Village Imuhira a mis en place une antenne médicale et psychosociale afin de soigner mais surtout de prévenir et de combattre plusieurs maladies grâce à un travail de prévention et d’éducation à la santé scolaire et communautaire. Le projet cible sept écoles de la région, soit près de 6000 élèves, leurs parents, leurs enseignants, les associations de femmes paysannes, les apprenants en alphabétisation, les chefs de collines etc.

Élabore par Mme Colette Bararyungura, coordinatrice de l’antenne médicale et psychosociale du Village Imuhira, le module de formation et de sensibilisation est axé sur plusieurs thèmes de santé communautaire : l’hygiène, les verminoses et la diarrhée (de la maternelle à la 6ème primaire) ; sur le paludisme, les infections respiratoires aigues, la vaccination, la nutrition, le kwashiorkor et le marasme (de la 1ère année à la 6ème année) et enfin le VIH/SIDA, le diabète, la tuberculose, la lèpre, le tabagisme, la toxicomanie et l’alcoolisme (3ème année à la 6ème année).

Pour concrétiser cette sensibilisation à l’hygiène, des « lavabos portables » ont été installés dans les écoles. Un geste simple mais qui sauve, dans une région où des dizaines de personnes meurent chaque année à cause des maladies dites des « mains sales ».

C’est dans ce sens que cette antenne organisait le 3 octobre dernier, à Bruxelles, une séance d’information et d’échanges sur le projet Village Imuhira à l’endroit de la diaspora burundaise et ses amis. « Nous souhaitons que la diaspora soit informée sur notre projet et qu’elle nous rejoigne ou alors qu’ils [les Burundais et/ou leurs amis] puissent initier d’autres projets de développement chacun dans sa région. Nous souhaitons également leur montrer que c’est possible. Souvent, ça ne demande pas de gros moyens. Il faut juste commencer petit à petit. En synergie avec les autres, on progresse bien », nous a confié Mme Bararyungura.

L’impact du projet sur Rurenda et ses environs

Le projet Village Imuhira est devenu une référence de développement. Depuis 7 ans, ce projet est parvenu à changer la vie à Rurenda. Village Imuhira, c’est en effet environ 6000 élèves et leurs parents qui sont scolarisés et sensibilisés sur leur santé. C’est aussi 2330 adultes alphabétisés. C’est également 46 formateurs et 130 enseignants encadrés en psychopédagogie et en santé. C'est une cantine scolaire qui quotidiennement offre aux élèves une bouillie enrichie aux 4 céréales ou de la soupe de légumes. Alors qu’il n’y avait presque rien avant 2006, Rurenda a aujourd’hui une menuiserie de renommée nationale, une ferme agricole modèle, un centre apicole, une électrification rurale, plusieurs emplois offerts, des routes aménagées, etc.

Mais Village Imuhira continuera aussi de générer d’autres impacts indirects qui sont encore à venir, étant donné que les fruits de la scolarisation, de l’alphabétisation et de l’éducation à la santé ne sont pas directement perceptibles et ne s’observent que sur le long terme. Ce qui est sûr, c’est que les habitants, bénéficiaires du Village Imuhira contactés, nous assurent avoir retrouvé une dignité et un espoir car cela leur donne accès au savoir, à la formation, à leurs droits et à leur autonomie. Village Imuhira a donc permis à la population de Rurenda et ses environs de marquer un grand bond vers le développement personnel et communautaire même s’il y a encore un long chemin à parcourir pour arriver à un réel développement intégral.