Article publié le 2016-09-10 par Alexandre Korbéogo Dossier
Dossier Congo-Brazzaville - Politique : Une stabilité politique salutaire [09-2016]
John Kerry et Denis Sassou Nguesso au U.S.-Africa Leaders Summit Session One, en 2014. Par U.S. Department of State — Domaine public

Le Congo-Brazzaville est un État dont on parle peu sur le plan international. Ce pays, d’environ 5 millions d’habitants, fait son bonhomme de chemin. État de l’Afrique équatoriale limité à l’ouest par l’océan Atlantique et le Gabon, au nord par le Cameroun et la République centrafricaine, à l’est et au sud par la RDC (République démocratique du Congo), il est devenu un acteur politique incontournable dans la zone.

Après avoir obtenu son indépendance en 1960, le Congo-Brazzaville a connu de nombreuses périodes d’instabilité. Cependant, depuis 1990, avec l’avènement du multipartisme, le pays a donné un nouveau souffle à sa stabilité politique. La Conférence nationale s'ouvre le 25 février 1991, et se proclame immédiatement souveraine. Elle est présidée par l'évêque d'Owando, Mgr Ernest Kombo. Y siègent des représentants de l'État, de partis politiques et d'associations de la société civile. Le président Sassou-Nguesso se voit retirer la plupart de ses prérogatives, mais n'est pas destitué. La restauration des symboles de la 1ère République, la Congolaise, l'hymne national et le drapeau tricolore proposé par Mbiki De Nanitélamio, le président du RPR sont approuvés. Un Conseil supérieur de la République (CSR) remplace l'Assemblée nationale populaire. Une nouvelle constitution est approuvée par référendum le 15 mars 1992, avec 96,3 % de oui. La République populaire du Congo redevient « République du Congo », la question de distinction avec le Zaïre voisin n’étant plus pertinente non plus. La désignation informelle du pays « Congo-Brazzaville » est cependant réapparue en 1997 lorsque le Zaïre voisin a repris aussi officiellement son ancien nom de « République démocratique du Congo » à la fin du régime de Mobutu, causant des disputes diplomatiques entre les deux pays au sujet de l’appropriation du nom (pourtant légitime historiquement et géographiquement) repris par l’ex-Zaïre (qui a voulu même aussi reprendre le nom Congo sans qualificatif, une requête maintenant abandonnée). Dans la foulée de l'adoption de la nouvelle constitution se tiennent les différents scrutins : municipal et régional en mai 1992, législatif en juin-juillet. Lors des législatives, l'UPADS (Union panafricaine pour la démocratie sociale) de Pascal Lissouba arrive en tête devant le MCDDI (Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral) de Bernard Kolélas et le PCT. Lors de l'élection présidentielle, en août, Pascal Lissouba et Bernard Kolélas passent le premier tour avec respectivement 35,9 et 20,3 % des voix. Denis Sassou-Nguesso arrive en troisième position avec 16,9 % des voix ; au deuxième tour, il apporte son soutien à Pascal Lissouba, qui est élu avec 61,3 % des suffrages contre 38,7 % à Bernard Kolélas.

Les années Sassou

Après une période de relatif apaisement, le président Sassou met en place des instances provisoires de gouvernement, notamment le Conseil national de transition (CNT). Le conflit reprend à la fin de l'été 1998. La population des quartiers sud de Brazzaville doit fuir en décembre 1998 ; l'armée y mène ensuite une opération de « nettoyage » qui fait de nombreuses victimes. Le pouvoir ne reprend le contrôle de la quasi-totalité du territoire qu'à l'automne 1999 ; une partie du Pool reste aux mains de la rébellion. À la fin de l'année, Sassou-Nguesso tente de relancer une politique dite de réconciliation nationale. Il signe des accords avec la République démocratique du Congo et le HCR pour le retour des réfugiés qui avaient fui la guerre civile en se réfugiant à Kinshasa. Au cours de ces retours, plusieurs centaines de disparitions ont été constatées par les familles et les observateurs internationaux. De nombreux réfugiés ont été exécutés par les forces de sécurité congolaises : c'est « l'affaire des disparus du Beach ». Le chiffre de 353 disparus est évoqué. En 2002 est adopté une nouvelle constitution supprimant le poste de premier ministre, renforçant les pouvoirs du président de la république. Le président est élu pour un mandat de 7 ans renouvelable une seule fois. La même année a lieu l'élection du président de la république ; Denis Sassou-Nguesso est reconduit à son poste.

Le septennat de Denis Sassou-Nguesso de 2002 à 2009 est marqué par le retour à la paix civile, même si des troubles subsistent dans l'ouest du Pool. La flambée des cours du pétrole enrichit considérablement l'État, dont le budget annuel dépasse pour la première fois les 100.000 milliards de francs CFA. De nombreux projets de construction d'infrastructures sont entrepris (port de Pointe-Noire, autoroute Pointe-Noire - Brazzaville...) en coopération avec des États et entreprises étrangers (France, Chine...).

Chronologie politique

La République du Congo fut proclamée le 28 novembre 1958. Son indépendance est acquise le 15 août 1960 ; Le premier Président de la République est l’abbé Fulbert Youlou, qui sera contraint de démissionner le 19 août 1963.

Août 1960 : indépendance du Congo. En mars 1961, une Constitution est adoptée, l’abbé Fulbert Youlou est confirmé à la tête de l’État. Devant son intention de créer un parti unique, en août 1963, les syndicats proclament la grève générale et une émeute éclate. Les syndicats demandent la démission du Président Fulbert Youlou, qui l’accepte.

Août 1963 : les 13, 14 et 15 : renversement du régime de l’abbé Fulbert Youlou.

1963-1968 : Alphonse Massamba-Debat, président de l’Assemblée, comme le stipule la Constitution, remplace le Président Fulbert Youlou. Le Congo entre dans le système du parti unique, avec le Mouvement National de la Révolution (MNR), ce que l’on reprochait à l’ancien Président. Une nouvelle Constitution, remplaçant celle de 1961, donne des pouvoirs effectifs au Parlement. Alphonse Massambat-Debat, a qui a été confié le gouvernement provisoire, devient en décembre 1963, Président de la République avec Pascal Lissouba comme Premier ministre.

A partir de 1964, devant l’agitation entretenue par les partisans de Fulbert Youlou, le régime s’oriente nettement à gauche et élimine des éléments modérés. C’est ainsi que furent assassinés de Hauts fonctionnaires comme Matsocota, Pouabou et Massouémé. D’autres personnalités comme le commandant Félix Mouzabakani et Bounkoulou furent emprisonnés.

En 1965, Pascal Lissouba démissionne et est remplacé par Ambroise Edouard Noumazalaye, Chef du M.N.R. (Mouvement National de la Révolution).

En janvier 1968, Massambat-Debat démet Noumazalaye de ses fonctions. Au cours de cette année éclate une crise entre l’armée et les milices du M.N.R. Massambat-Debat, otage des militaires, crée un Conseil National de la Révolution (C.N.R.), dirigé par le commandant Moutsaka. Ce dernier remettra le commandement au capitaine Marien Ngouabi qui demande la démission de Massambat-Debat. Le pouvoir sera remis tour à tour à Alfred Raoult, puis Augustin Poignet (les plus gradés de l’armée) qui n’avaient pas pu assumer leurs responsabilités.

Juillet 1968 : Coup d’État. Marien Ngouabi est porté au pouvoir. Réhabilitation du Conseil National de la Révolution (C.N.R.). Le 31 décembre 1969 est créé le Parti Congolais du Travail (P.C.T.), parti unique. Le Congo devient République Populaire du Congo. Il change l’hymne National et adopte le drapeau rouge. Le M.N.R. est remplacé par le P.C.T. Le Congo va connaître une succession de tentative de coup d’Etat et une série de putschs avortés : du lieutenant Pierre Kiganga, en mars 1970, qui sera tué, au capitaine Ange Diawara en février 1972. Ce dernier sera assassiné en avril 1973, entraînant des purges (le remaniement du bureau politique du parti et la création de milices populaires, le 18 mars 1977).

18 Mars 1977 : Assassinat de Marien Ngouabi. Instauration d’un Comité Militaire du Parti (C.M.P.) avec à sa tête Denis Sassou Nguesso. Il sera vite remplacé par Joachim Yhombi Opango. L’assassinat de Marien Ngouabi entraînera ceux de son prédécesseur Alphonse Massambat-Debat et du Cardinal Emile Biayenda, archevêque de Brazzaville. Le colonel Joachim Yhombi Opango devient Président de la République et se donne le grade de général d’armée.

5 février 1979 : Coup d’État de Palais. Denis Sassou Nguesso remplace Yhombi Opango à la tête de l’État.

Septembre 1990 : Après l’effondrement du bloc soviétique, et face à la multiplication des mouvements sociaux et aux actions de l’opposition, le PCT (Parti Congolais du Travail), parti unique, accepte l’instauration du multipartisme.

25 février 1990 : Conférence Nationale Souveraine, sous la Présidence de Monseigneur Ernest Kombo. Fin du système de parti unique. Élection d’André Milongo comme Premier ministre de la transition. La Conférence Nationale Souveraine prive Denis Sassou Nguesso de la plupart de ses pouvoirs et décide l’organisation d’élections en 1992.

Août 1992 : Élection présidentielle. Pascal Lissouba, ancien Premier ministre d’Alphonse Massambat-Debat et Président de l’Union Panafricaine pour la Démocratie Sociale (U.P.A.D.S.) est élu Président de la République.

Juin 1997 : le 5 juin, des éléments de l’armée gouvernementale, appuyés par des blindés, attaquent la résidence de Sassou Nguesso à Mpila. Il s’en suit des accrochages à l’arme lourde à Brazzaville. La capitale est divisée en deux secteurs, l’un tenu par les forces gouvernementales et l’autre par les partisans de Sassou Nguesso. Le 7 : un militaire français est tué et cinq autres sont blessés lors d’une opération de regroupement des ressortissants français. Du 8 au 15 : l’opération française « Pélican » (1.250 hommes) évacue 6.000 étrangers.

Juillet 1997 : le 3, l’ONU exprime son soutien à l’envoi d’une force multinationale principalement africaine. Cette force ne sera jamais déployée. Le 17 : un cessez-le-feu est pour la première fois observé par les belligérants.

Le 18 juillet, début des négociations intercongolaises à Libreville, au Gabon, sous l’égide du Président Omar Bongo, et de l’envoyé spécial de l’ONU et de l’OUA (actuel UA), Mohamed Sahnoun.
Le 21 juillet : le Conseil constitutionnel bricolé « à la va-vite » décide de reporter l’élection présidentielle prévue le 27 juillet, et de proroger le mandat du Président Pascal Lissouba qui expirait le 31 août 1997.

Août 1997 : le 8: les combats reprennent à Brazzaville. Bernard Kolelas, maire de Brazzaville et Président du M.C.D.D.I. (Mouvement Congolais Pour la Démocratie et le Développement Intégral), est nommé Premier ministre. Les 14 et 15 août : échec d’un sommet de huit Chefs d’États africains à Libreville. Le 26 : le gouvernement fixe une « période de transition » de 15 mois, l’élection présidentielle devant intervenir avant ce délai. Les 29 et 30 : 21 personnes sont tuées à Kinshasa (RDC, République Démocratique du Congo) par des obus tirés depuis Brazzaville.

Octobre 1997 : le 1er octobre : Kinshasa et Brazzaville décident de déployer à Brazzaville un détachement d’observateurs militaires de la RDC. Les partisans de Sassou Nguesso qualifient la décision de « déclaration de guerre ». Le 7 : vaste offensive des forces de Sassou Nguesso sur trois fronts à Brazzaville. Le 8 : deux soldats sont tués et un blessé à Kinshasa par un obus tiré depuis Brazzaville. Le 9 : l’ONU annonce la signature d’un cessez-le-feu. Selon les partisans de Sassou Nguesso, ce dernier a signé un texte différent de celui du Président Lissouba. Le 12 : le Congo-Brazzaville et l’Angola s’accusent d’agressions armées. Le 13 : poursuite des affrontements et nouveaux raids héliportés contre les positions des partisans de Sassou Nguesso. Ce dernier affirme que ses partisans tiennent l’aéroport international de Brazzaville (Maya-Maya). Le Premier ministre Bernard Kolelas dément. Le 14 : le camp de Sassou Nguesso annonce la prise «totale» de Brazzaville. Le 15 : les partisans de Sassou Nguesso annoncent la prise de Pointe-Noire. Denis Sassou Nguesso confirme sa supériorité militaire en contrôlant presque l’ensemble du pays avec l’aide de l’armée angolaise.
La France met en état d’alerte ses troupes stationnées à Libreville (Gabon) et N’Djamena (Tchad) pour une éventuelle évacuation des étrangers.

Le 27 octobre 1997 : Denis Sassou Nguesso s’autoproclame Chef de l’État.

Décembre 1998 : nouvelle guerre ! Sassou Nguesso réalise ce que nul pouvoir n’était parvenu à accomplir au Congo : tenter d’éradiquer définitivement les Kongo.

2006 : Denis Sassou Nguesso réalise ce que nul Chef d’État n’ose réaliser : réhabiliter la colonisation en transférant les restes de la dépouille mortelle de l’explorateur Pierre Savorgnan de Brazza à Brazzaville. Un mausolée a été érigé en sa mémoire à la Mairie de Brazzaville. Ainsi se résume la chronologie des événements politiques au Congo-Brazzaville.