Article publié le 2010-04-20 par Par Cyrille Momote Kabange Actualité
FRANCE - ALGERIE «Je t’aime moi non plus» [03/2010]
L’actualité des relations franco-algériennes sont de nouveau tendues après un moment d’accalmie.
Mais quand est-ce qu’elles ont été au beau fixe?


Entre l’Algérie et la France, il y a une manière de vaudeville que Georges Feydeau ne dédaignerait pas de faire sienne. Quiproquos et intrigues d’où percent les relents de l’amour-haine, ce vocabulaire emprunté à la psychanalyse, ayant été popularisé par Serge Gainsbourg « Je t’aime moi non plus », jalonnent l’histoire des relations entre les deux pays, en une pièce de plusieurs actes.

* Premier acte: L’empire français aborde la rive africaine de la Méditerranée à quelques encablures de Marseille. Le maréchal Lyautey est passé par là y déversant ses contingents de l’armée d’Afrique du Nord qui balise la route au peuplement européen en Algérie. L’idéologie assimilationniste fait flores d’autant plus que dans la mentalité en cours à la fin du dix-neuvième siècle, les terres entre le Sud de la France et le bord de la «Mare nostrum» constituent un ensemble indissociable. La Méditerranée occidentale est un «lac français» sur le bord duquel vivront bientôt un million de Français de souche ou prétendus tels. La résistance à l’acculturation est une première source de tensions entre les colons et les autochtones.

* Deuxième acte: La France s’installe et fait de l’Algérie le fleuron de ses conquêtes extérieures sous la troisième et la quatrième Républiques. Sous ces régimes politiques, l’Algérie était perçue comme une acquisition dont on ne peut se séparer quitte à perdre tous les autres biens. En effet, pour le million des «Pieds Noirs», l’Algérie est une terre française au même titre que la Corrèze ou l’Auvergne. Avec cette différence que les colons s’y trouvaient en conquérants d’une terre dont ils auront spolié les droits des premiers occupants.

* Troisième acte: En 1956, une rébellion éclate sous la houlette du Front de Libération Nationale (FLN), une rébellion armée contre le pouvoir colonial français. Les nationalistes se heurtent à une force militaire d’une redoutable efficacité. Au début, cette lutte ne mobilise pas tous les Algériens, les Français ayant pu susciter quelques sympathies dans la population arabo-berbère. Une armée d’Algériens acquis à la cause de l’Algérie française est constituée et ses membres portent le nom de Harkis. C’est un épisode qui, paradoxalement, marque ce ballottement sentimental qui tapisse l’inconscient collectif d’un peuple partagé entre la haine de la République française par différents agissements dont celle-ci a pu se rendre coupable aux dépens de ses administrés autochtones et l’attractivité qu’exerce sur les mêmes, depuis des lustres, la France. L’hebdomadaire parisien «Jeune Afrique», dans son numéro du 27 février 2010, cite l’humoriste et comédien algérien Bellay. Ce dernier relève l’ambivalence dans le rapport qui lie ses compatriotes à la France.  «Les Algériens ont mené la guerre aux Français pendant sept ans pour les bouter hors d’Algérie mais si la France devait ouvrir ses frontières, 30 millions d’Algériens y débarqueraient aussitôt».

* Quatrième acte: Les accords d’Evian conduisent à l’indépendance de l’Algérie sous la présidence d’Hamed Ben-Bella auquel le Général de Gaulle rend hommage en des termes fort élogieux. L’ennemi n°1 de la France prend grâce aux yeux du fondateur de la cinquième république. A son tour, l’ancien de la Wilaya dresse une statue à l’homme du dix-huit juin dont il souligne le courage mais omet de relever la malice de celui qui snobait ses propres compatriotes thuriféraires d’Algérie française par le désormais célèbre «Je vous ai compris».

Criminalisation du colonialisme français

Depuis, tous les présidents de la République française n’ont eu que des mots gentils à l’égard de leurs homologues algériens. Pourtant, les dirigeants français demeurent réticents aux sollicitations récurrentes des Algériens au sujet des excuses à leur présenter pour les faits graves (tortures, tueries, crimes économiques) et d’autres méfaits commis pendant  la guerre d’Algérie d’un côté comme de l’autre de la Méditerranée. Aujourd’hui, les amabilités proférées pourraient-elles se concevoir comme l’arbre qui cache la forêt?

L’avènement de Nicolas Sarkozy y pourvoirait-il en termes d’éclaircies sur les relations diplomatiques aux relents zigzagants

Pour le moins, l’on constate que l’actuel chef de l’Etat français s’essaye de trouver un équilibre durable dans ses rapports avec le Président algérien auquel il a rendu visite il y a quelques mois. Mais les résultats se font attendre. Il est vrai que cette fixation sur le devoir de mémoire et l’exigence formulée régulièrement par Alger au sujet de la repentance, sentiment qu’ont les Algériens que rien ne compensera jamais les humiliations subies. En effet, sur le plan économique, l’Algérie ne représente que 1% du commerce extérieur de la France et 5% de ses importations d’hydrocarbures (gaz et pétrole). Devant la déboulée chinoise qui réduit davantage la motivation algérienne sur le fait de coller aux basques de l’ancienne métropole, les ressentiments s’exacerbent. Et c’est le cinquième acte. Il nous revient qu’un député du FLN vient de déposer un projet de loi au Parlement algérien conduisant, s’il est voté, à criminaliser le passé colonial français en Algérie en même temps, à demander des compensations financières à la France. A priori, le Président Sarkozy est opposé à l’idée de la repentance relative aux faits relevant de la colonisation. Mais sera-t-il intraitable cette fois-ci en tenant compte du poids politique de l’Algérie et perdre une place de choix qui s’offre à elle, face à la surenchère chinoise? Au regard de l’élargissement qu’opère l’Algérie aux partenaires économiques les plus offrants, la France de Sarkozy pourrait bien faire les frais (des contrats laissés en plan comme c’est le cas aujourd’hui) de son refus de perdre la face.