Article publié le 2009-10-08 par Naomi Onya / LNA Actualité
Ali BONGO : la vérité des urnes ? [10/2009]
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Logé entre le Congo Brazzaville et le Cameroun, le Gabon est en Afrique Centrale, un pays assez singulier.  Etat moyen par la taille (268.000 km) et lilliputien par la démographie à peine plus d’un million d’habitants, il connaît, à la différence de ses voisins, une grande stabilité politique.  A part quelques révolutions de palais à l’instar de celles que provoqua naguère la bande à Abessolo, le Gabon est épargné des convulsions erratiques qui caractérisent la région.  Mais à quel prix? Quatre décennies durant, Mr Bernard Bongo devenu Omar Bongo Odimba après sa conversion à l’islam, va jouer des mains et des coudes pour garder la haute main sur la direction d’un pays riche en ressources naturelles mais qui suscite tant de convoitises à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières.  Loin de jouer contre le défunt président, ce contexte difficile à priori pour n’importe quel dirigeant politique servit plutôt ses desseins dans la mesure où la proximité diplomatique et économique de la France l’enserrait dans un cocon douillet, source de respect et de crainte à son égard par une frange importante de la population et une élite politique déstabilisée en proie au délire clientéliste à base ethnique. 

En effet, plus qu’à Yaoundé et Brazzaville, l’ethnisme oppose les-uns aux autres davantage que les divergences idéologiques ou personnelles.  Un membre d’un parti politique est d’abord Teke, Fang ou Punu.  Cette sociologie a été habilement exploitée et explique longtemps une opposition que ses propres contradictions ont longtemps ravalées dans une posture de tigresse en carton.  La preuve! La lecture du pédigrée des leaders de l’opposition issue de la formation majoritaire, le Parti Démocratique Gabonais, montre une prépondérance des Fangs et des Tekes, deux ethnies proches mais qui ne présentaient pas un front commun face aux manœuvres du pouvoir.  Certains agissaient dans ce registre d’opposants de sa Majesté en lorgnant l’éventualité d’un geste présidentiel lors d’un prochain changement ministériel en fonction surtout de l’appartenance ethnique et d’autres qui monnayaient carrément leur alignement sur les positions du régime.
A une exception près, c’est ce schéma qui a prévalu jusqu’à ce jour fatidique du mois d’août 2009.
Les dernières élections ont mis en évidence ce trait sociologique au Gabon.  A la place d’une compétition qui semblait cheminer vers un affrontement à la loyale entre des forces dites de changement et les autres accrochées à leur privilèges, c’est l’étalage des muscles qui donne le change.  Les candidats présumés de l’opposition se sont défilés les uns après les autres et leur union improvisée a fondu comme du beurre sous le soleil de Libreville.

Après la proclamation des résultats qui ont vu Ali Bongo être élu à la faveur d’un scrutin uninominal à un tour (41,73 %) des voix contre 25,88 % à André Mba Obame et 25,22 % à Pierre Mamboundou, les responsables de l’opposition ont protesté véhément pour fraude électorale auprès de la Cour Constitutionnelle.  Est-ce que cette réaction de dépit suffira-t-elle à conforter l’idéal démocratique dans certaines sociétés africaines qui ont des difficultés à s’arrimer au train de la modernité ?  Les lendemains des journées électorales sont émaillés de ces recours qui ont pris place dans le reliquaire des actes manqués de la démocratie naissante en diverses contrées du continent africain.  Faut-il comme à l’habitude ces derniers temps, laisser libre cours à un afro-pessimisme alors que les Africains ne sont pas ataviquement anti-démocrates.
Tout concourt à montrer, au contraire que la démocratie électorale est devenue la référence en matière de changements politiques majeures, les coups d’Etat militaires n’étant plus vraiment à l’ordre du jour.
Dans certaines régions du continent, elle a même damé le pion (exemple Ghana, Botswana, Afrique du Sud, Sénégal, Mozambique, Zambie, Bénin, Nigéria) aux grands pays du monde (Chine, Russie et l’allusion est faite également à ce qui s’est passé il y a trois ans lors d’un scrutin présidentiel très chahuté aux Etats-Unis).  Ce qui arrive est le fait d’une socio-ethnologie particulière à tel ou autre régime politique  dont sont comptables les élites comme les autres classes sociales.  Le Gabon en est un cas bien à propos.  L’opposition aurait-elle tous les moyens possibles pour changer légalement les dirigeants du pays qu’elle se serait confrontée à un handicap de taille : la difficulté à s’identifier.  Si les opposants, au lieu de s’unir autour d’un candidat unique comme ils l’avaient prétendu, se sont répandus à de couardes manœuvres pour garantir des rentes de situation, ce n’est pas le problème d’Ali ni de la commission électorale.  La société gabonaise dans son ensemble doit s’inscrire dans une logique où triomphe la volonté d’œuvrer pour le bien de la collectivité nationale et s’extirper de la gangue des traditions éculées qui font le lit des dictatures.   Souhaitons seulement que le nouveau président Ali Bongo prenne la mesure des changements à venir dans un pays que son père a géré en utilisant toutes les ficelles de sa personnalité à la fois bourrue et un tantinet autoritaire.  A lui de prouver qu’il n’a pas volé sa victoire et que la vérité fut-elle sortie des urnes tronquées est révolutionnaire.