Article publié le 2008-08-14 par Aimé Francis Amougou Santé
Méningite au Cameroun, Les vaccins pris en sandwich.

La maladie continue à être une préoccupation de santé publique au « pays des Lions indomptables ». Et comme pour endiguer le mal, l'effort national de prévention reste en butte à une organisation approximative des campagnes vaccinales. Situation compliquée par le poids de la culture ainsi que des croyances religieuses et traditionnelles. Conséquence : le taux de vaccination contre la méningite reste faible. Reportage.

Bogo, mardi 29 juillet dernier. Une ambiance inhabituelle, entretenue par divers groupes de danse folklorique, règne sur la place des fêtes de cet arrondissement situé à une trentaine de kilomètres de Maroua, la capitale provinciale de l'Extrême-Nord. Le décor, aux allures de kermesse, est ainsi planté pour le lancement de la campagne de vaccination contre la méningite qui est une réalité ici. L'arrivée de l'équipe de vaccination, diligentée depuis Yaoundé, la capitale, fait monter d'un cran la féerie. Une situation qui semble satisfaire les autorités administratives locales, qui montrent ainsi combien elles ont su mobiliser les populations. La séance peut donc commencer. D'abord les discours des autorités. Exaltation est bien sûr faite des « efforts du gouvernement pour garantir le mieux-être des populations ». Ensuite, la vaccination proprement dite. Programmée pour quatre heures d'horloge, elle ne s'achèvera qu'au crépuscule. Le bilan, à la fin, ne sera malheureusement pas … satisfaisant, aux dires des membres de l'équipe de vaccination.

En effet, s'il était difficile de dire, avec exactitude, combien de femmes et enfants, principales cibles, étaient attendus ce jour-là à Bogo, il était loisible de constater que la séance n'a pas du tout été courue par les populations concernées. « Nous attendions entre 8 et 10 000 personnes », affirme tout de même le Dr Dieudonné Essama, les yeux scrutant l'horizon. Fouillant dans ses documents, il donne quelques minutes après cette précision : « Nous avons exactement vacciné 1 200 personnes ». « Le bilan n'est pas terrible », conclut-il, un peu deçu, car l'équipe est attendue dans une autre localité le lendemain. La vérité de cet échec en demi-teinte, sera connue le soir même.

Une conversation « autour du feu » avec, Bolke Adji, un habitant du village révèle qu'à l'arrivée de l'équipe de vaccination, les populations vaquaient déjà à leurs occupations habituelles. Les uns étaient allées aux champs, les autres faire paître leurs troupeaux, etc. « Un message du sous-préfet est arrivé, mais assez tardivement », affirme notre interlocuteur, apparemment très au faîte de l'actualité locale. « Mais, ce message n'a pas suffisamment circulé parmi les populations. Il a même été récupéré par les responsables locaux de diverses formations politiques qui ont alors mobilisé les groupes de danse », ajoute Bolke Adji. « Mais, rassurez-vous, avant le départ en vacances, plusieurs élèves des établissements maternels, primaires et secondaires avaient été vaccinés contre la méningite dans leurs établissements scolaires respectifs, par les soins des responsables provinciaux du ministère de l'Education de base, conduits par Mme Ousmanou Hayatou, le délégué provincial », conclut-il, comme pour donner une explication supplémentaire au manque d'engouement constaté. Comme à Bogo, les autres étapes vaccinales dans différentes localités des départements du Diamaré, Mayo-Kani et Mayo-Danay ont connu des situations similaires.

Effrayantes statistiques

La province de l'Extrême-Nord constitue, avec le Nord et l'Adamaoua, la zone septentrionale du pays qui plonge le Cameroun dans la ceinture méningitique s'étendant dans tout le Sud du Sahara, de la Mer rouge à l'Océan Atlantique. Les méningites y demeurent, depuis des années, une préoccupation majeure en milieu pédiatrique surtout. Situation aggravée par la faible pluviométrie et une chaleur sèche qui dure neuf mois. Toute chose qui affole d'effrayantes statistiques, démontrées par plusieurs études scientifiques faites et qui ont permis de déterminer les aspects cliniques, bactériologiques et thérapeutiques des méningites de l'enfant dans la région.

La plus récente a été menée par cinq médecins issus de l'Hôpital central de Yaoundé, de l'hôpital provincial de Garoua, du Centre pasteur de Yaoundé et annexe de Garoua et de la Faculté de médecine et des sciences biomédicales de Yaoundé. A partir de 114 observations colligées en 12 mois, il ressort que la méningite représente, chez les enfants de deux mois et demi à quinze ans, 5% des consultations et 9% des hospitalisations. 41% des enfants ont moins de 5 ans et 75% ont moins de dix ans, pour un taux de mortalité s'élevant à 8%. Ce sont les milieux économiquement défavorisés qui sont le plus touchés et la flore bactérienne est dominée par le méningocoque de sérogroupe A et C (67%) et les sérogroupes Y et W-135 composant le reste. Lors des précédentes campagnes, seulement 5,26% ont été vaccinés. S'appuyant, une nouvelle fois, sur la façon dont la campagne en cours a été orchestrée, les responsables du Programme national de vaccination (Pnv) ne se font aucun doute : « Nous nous acheminons, une fois encore, vers des résultats mitigés », laisse entendre le Dr Emmanuel Nomo, coordonnateur du Pnv. Ce dernier reste convaincu que « l'échec » tient du manque ou de l'insuffisance de sensibilisation des populations. « Nous devons, au préalable, travailler à faire tomber les barrières culturelles, voire religieuses », note-t-il, amère.

Il faudra donc que les campagnes d'information, d'éducation et de sensibilisation soient donc mieux préparées et mises en œuvre. Car, à Mindif, Lara et Guidiguis, villages du département du Mayo-Kani, une croyance semble s'être fait un nid. Il suffit, dit-on ici, de « laver les enfants avec les feuilles de quinqueliba, pour être immunisé de la méningite ». Un dicton qui ressemble curieusement à ce qui est dit dans la province de l'Est. Ici, il faut faire avaler à l'enfant « juste quelques goûtes de whisky ».

Par ailleurs, le septentrion est forte islamisé. Et, à l'observation, les populations semblent naturellement opposé à « tout ce qui leur est extérieur », considéré comme « impureté ». Et même lorsque se retrouve en situation critique, avoue un jeune homme rencontré à Maroua, une famille refuse ostensiblement d'amener leur progéniture à la vaccination. La personne providentielle est « Allah qui a envoyé les marabouts soigner sur la base des herbes et cauris ».

En attendant le nouveau vaccin

Une gamme de vaccins, présentés comme sûrs et efficaces contre les agents microbiens causant la plupart des méningites bactériennes, est utilisée au Cameroun. « Les vaccins agissent en stimulant le système immunitaire afin qu'il produise des anticorps protecteurs contre les bactéries », précise le Dr Noah, chef de service de la surveillance épidémiologique à la direction de la lutte contre la maladie au ministère de la Santé publique (Minsanté) à Yaoundé. « Si, par la suite, complète-t-il, les bactéries pénètrent dans l'organisme, le système immunitaire est prêt à se défendre contre elles ». Autrement dit, il est indiqué de se défendre contre la maladie. Or, constate-t-on, la campagne de vaccination, cette année, est orchestrée largement à la fin des grandes attaques. A ce sujet, se défendent les responsables, « la lutte est pour la garantie du mieux-être à venir ».

 

L'annonce de l'arrivée, en 2009, d'un nouveau vaccin à large spectre visant toutes les souches contre lesquels un vaccin existe, présente un espoir tout aussi nouveau ». C'est dans cette perspective que l'on parle du nouveau vaccin. Le « Minafrivak » est encore en fabrication. Ses propriétés, dit-on, en font une arme capable d'induire une mémoire immunologique, de réduire le portage de la bactérie et même de créer une immunité collective. Mais, il faut cependant reconnaître que, quelque soit l'efficacité du nouveau produit, si un travail de sensibilisation, d'éducation et de communication n'est pas conçu par les autorités sanitaires et mis en œuvre auprès des population concernées, le succès du « Minafrivak » sera à l'image des résultats mitigés enregistrés jusqu'à nos jours.