Article publié le 2011-12-07 par Par Anthony Vercrusse Dossier
Dossier Grandes figures d’Afrique / Politique - Sur la trace des combattants de la liberté [10/2011]
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Que ce soit avant les indépendances ou après, des personnalités ont marqué de leurs empreintes la vie politique du continent. Zoom sur les «guerriers» de l’Afrique pré coloniale et postcolonial.

Des grands Hommes ont fait et continuent de faire l’histoire de l’Afrique. En pensant à ces figures emblématiques, on est fasciné ou hypnotisé par leurs faits de guerre. Il y a eu ceux de la période précoloniale et ceux de la période post coloniale. Certains d’entre eux chevauchent sur les deux périodes. Il est difficile voire, impossible de citer de façon exhaustive la foultitude d’hommes et de femmes qui ont combattu pour le continent. Il y a ceux dont ont parlé les médias. Mais aussi, il y a les anonymes qui, par leurs actions ont changé la face de leur communauté. En décidant de tabler sur les grandes figures politiques qui ont marqué la vie de l’Afrique, il s’agit de respecter la mémoire de ceux qui ont forgé le destin de la lutte pour l’émancipation du continent. Ils n’ont pas été seulement que des hommes politiques. Ils sont aussi de la société civile, de la culture, des sports, des artistes, des hommes d’affaires, des économistes, etc. L’Afrique en général et, la jeunesse en particulier doivent s’inspirer de leur exemple. Leur portrait, leur histoire, leur vie témoigne en leur faveur. Il s’agit entre autres, pour ce qui est des hommes politiques, de Nelson Mandela, de Kwamé Nkrumah, de Thomas Sankara, de Haïlé Sélassié Ier, de Steve Biko, de Joseph Ki Zerbo, de Boubacar Diallo Telli, de Patrice Lumumba, de Kenule Beeson, de Modibo Keïta, de Léopold Sédar Senghor, d’Ahmed Sékou Touré, de Félix Houphouët Boigny, etc. Ils ont révélé au monde la dimension de la lutte de l’Afrique pour la liberté, la prospérité, l’unité et le développement.

Kwamé Nkrumah, le père du panafricanisme

Son nom est intimement lié à la lutte pour l’unité de l’Afrique. Dr Kwamé Nkrumah, le ghanéen a passé sa vie à chercher à faire évoluer l’Afrique vers la prospérité. Né en septembre 1909 à Gold Coast (actuel Ghana), il fera des études primaires dans ce pays, avant de se rendre aux Etats-Unis pour poursuivre ses études. Il est obligé, face aux difficultés de la vie, de dormir dans les rues et, de faire de petits boulots pour assurer sa scolarité. Parallèlement, il formera son talent d’orateur lors des meetings et autres rencontres socialistes et communistes. Il étudiera l’histoire des Etats-Unis. Cette étude lui permet de comprendre et de connaître la force de l’unité des Etats. Il rêve de cette même unité pour l’Afrique. Après ses pérégrinations à Londres, où, il rencontre d’autres figures de la lutte pour l’émancipation de l’Afrique, N’Nkrumah rentre au Ghana en 1947, après 12 ans d’absence. Rapidement, il entre de plain pied dans la lutte politique en devenant le Secrétaire Général du principal parti, United Gold Coast Convention (UGCC) dirigé par J.B. Danquah. Malgré la répression imposée par la puissance colonisatrice (les britanniques), au prix d’emprisonnement, le Ghana sera l’un des premiers pays africains à obtenir son indépendance en 1957. Kwamé N’Nkrumah deviendra le premier président. Sous son impulsion, le Ghana connaîtra une avancée significative en atteignant une croissance économique oscillant entre 9 et 12%. Des routes, des infrastructures, des barrages sont réalisés. Pour lui, le Ghana, seul et indépendant n’a pas de force. Il prône l’unité de l’Afrique et crée le Mouvement Pan Africain. Sa vision pour une Afrique unie ne pourra pas être concrétisée. Il mourût le 27 avril 1972 après avoir fortement contribué à fonder l’Organisation de l’Unité africaine en 1963. Cette pensée résumait les actions de l’homme : «Divisés nous sommes faibles. Unie, l'Afrique pourrait devenir, et pour de bon, une des plus grandes forces de ce monde. Je suis profondément et sincèrement persuadé qu'avec notre sagesse ancestrale et notre dignité, notre respect inné pour la vie humaine, l'intense humanité qui est notre héritage, la race Africaine, unie sous un gouvernement fédéral, émergera non pas comme un énième bloc prompt à étaler sa richesse et sa force, mais comme une Grande Force dont la Grandeur est indestructible parce qu'elle est bâtie non pas sur la terreur, l'envie et la suspicion, ni gagnée aux dépends des autres, mais basée sur l'espoir, la confiance, l'amitié, et dirigée pour le bien de toute l'Humanité».

Nelson Mandela, une icône de la lutte apartheid


Son nom est inséparable de l’histoire de l’Afrique du Sud. Nelson Mandela est une icône de la lutte apartheid. Presque toute sa vie a été consacrée à lutter contre la ségrégation raciale. 67 ans durant, l’homme a combattu cette discrimination entre Noirs et Blancs, avec à la clé 27 ans de prison. Né le 18 juillet 1918, la vie et l’oeuvre de l’homme témoignent de la détermination et de la persévérance avec lesquelles, l’homme doit mener le combat pour la liberté. Ce combat lui a valu de recevoir le prix Nobel de la paix en 1993 avec l’ancien président sud-africain Fréderik Willem de Klerk. En 2009, pour magnifier les actions de l’homme, l’ONU décrète la journée du 18 juillet «Mandela Day.» Comme dit dans notre édition du mois de juillet, à l’occasion de cette célébration, aux Etats Unis, le président Barack Obama a adressé un message lors du «Mandela Day» en ces termes : «L'héritage de Nelson Mandela incarne la sagesse, la force et la grâce, et pour l'anniversaire de sa naissance, nous saluons l'exemple de sa vie. Au nom du peuple des États-Unis, nous le félicitons et honorons sa vision pour un monde meilleur ». Pour Obama, l’ex célèbre prisonnier demeure un monument de la paix et de la démocratie. A 93 ans, l’homme poursuit la lutte sur un autre flan, celui du combat contre le VIH/SIDA. Son pays est celui qui a le plus grand nombre de séropositifs dans le monde. Le site web de l’Union des africains dit ceci de la vie de l’homme : « Il fut emprisonné en 1962 puis condamné à cinq ans de prison en 1963, et, après un procès où il contesta la justice d'apartheid, condamné à la détention à perpétuité en 1964 en raison de ses activités politiques clandestines, devenant au fil des années, le plus célèbre et l'un des plus anciens prisonniers politiques. Il fut en partie libéré le 7 décembre 1988 et mis en résidence surveillée. Le 5 juillet 1989, il rencontre au Cap le président Pieter Botha. Il fut définitivement libéré le 11 février 1990 sur ordre de Frederik de Klerk qui, pour des raisons politiques, mit fin à la clandestinité de l'ANC, et le sollicita pour maintenir la paix civile en Afrique du Sud. Les deux hommes ont travaillé ensemble pour instaurer la fin de l'apartheid et un régime de transition. (…) En 1979, il a reçu le Prix Nehru pour la Paix et en 1989, le Prix Kadhafi des droits de l'Homme.» Un exemple à suivre.

Haïlé Sélassié

Il est l’un des plus célèbres hommes historiques de l’Afrique. L’empereur Haïlé Sélassié, de son nom à la naissance Ras Tafarí Makonnen. Selon les érudits, Tafarí signifie «Celui qui est redouté». En effet, très tôt, Haïlé Sélassié 1er a été initié à la gestion du pouvoir par son oncle en prenant la tête du gouvernement de la province du Gura Muleta à l’âge de 13 ans en 1905. Celui dont on dit qu’il est un descendant de la Reine de Saba et du Roi Salomon va s’illustrer par sa propension à créer les conditions de l’avènement d’une société instruite et éduquée en Ethiopie. En 1916, il joue des pieds et des mains pour se positionner comme l’héritier légitime de l’impératrice. Avec tact et parcimonie, Le « roi des rois » devient en 1923, il plaide à Genève l’entrée de l’Ethiopie dans la fameuse Société des nations (SDN). Une admission qu’il obtient tout en supprimant l’esclavage. Durant sa vie et ses actions, sa plus grande action est d’avoir opposé une résistance farouche en 1935 à l’armée de Mussolini qui tentait d’envahir son pays à partir de l’Erythrée et de la Somalie. Les italiens ne viendront à bout de cette armée que grâce à la collaboration et à la trahison de certains seigneurs de l’armée éthiopienne avec les envahisseurs. Il est obligé de nommer un vice-roi et de s’expatrier. Il luttera durant des années pour libérer son pays sans succès. En 1941, les brigades angloindiennes l’aident à reprendre le contrôle de son pays où il fait une entrée triomphale. En septembre 1974, il est destitué par des soldats et des sous-officiers pour être assassiné en Août 1975. L’une de ses célèbres opinions pour son pays est que «si les hasards de la géographie et de l'histoire l'ont isolé du monde occidental pendant des siècles, il est cependant sensible à ses valeurs et entend remplir les mêmes devoirs à l'égard de la communauté internationale».

Léopold Sédar Senghor


Son nom est intimement lié à la période coloniale avec la lutte pour l’émancipation de l’Afrique. Ce natif de Joal, au Sénégal, en 1906, a été le premier président de la République du Sénégal. Agrégé de grammaire et académicien, Léopold Sédar Senghor est, avec imé Césaire, l’un des porteurs du mouvement de la Négritude. Prisonnier pendant deux ans en Allemagne, durant la seconde guerre mondiale, Le poète académiciens est l’auteur de plusieurs oeuvres d’une valeur inestimable. En tant qu’homme politique, il crée en 1948 du Bloc démocratique sénégalais en se faisant nommé Secrétaire d’Etat dans le gouvernement d’Edgar Faure en France en 1955. Doué d’un génie, ses poèmes font le tour du monde et, sont enseigné dans les lycées et collèges d’Afrique et du monde. Pour lui, les lettres et plus particulièrement la poésie est la «forme la plus accomplie» de la culture. Le site web de l’Union des africains, dit de lui que parallèlement à sa poésie, les cinq volumes de «Liberté I, II, III, IV et V» (1964 à 1992) recueillent ses textes politiques. «Assimiler sans s'être laissé assimiler », sa devise d'homme politique, valait également pour son art poétique, parfois contesté parce que "trop blanc pour les Africains et trop noir pour les Blancs»

Joseph Ki-Zerbo

Militant des premières heures des luttes de libération nationale et africaine, Joseph Ki- Zerbo a séduit le continent par la profondeur de ses réflexions sur le développement du continent. Né en 1906, il a fait la majeure partie de ses études en France avant d’être le premier africain agrégé d’histoire. Spécialiste de l’histoire africaine, Joseph Ki-Zerbo, avide de connaissance et doué d’une curiosité intellectuelle, va se positionner comme une référence dans le domaine des réflexions sur le développement et la lutte pour l’émancipation de l’Afrique. Cette lutte se transporte sur le terrain national, avec la création en 1958 du Mouvement de libération nationale. L’un de ses plus grands combats concerne l’éducation en Afrique. Pour lui, l’éducation devait être africanisée pour répondre non seulement aux besoins de l’Afrique mais surtout, aux réalités de l’Afrique. Acteur politique de premier plan, il refusera à tout point de vue de sympathiser avec le pouvoir en place dans son pays le Burkina Faso. Il créera son parti pour participer à la lutte politique au Burkina Faso. Avec pour nom de baptême, Parti pour la démocratie et le Progrès/Parti socialiste (PDP/PS), Joseph Ki-Zerbo sera des grandes batailles électorales mais aussi des luttes du Collectif contre l’impunité. A l’assassinat du journaliste Nobert Zongo, au Burkina Faso, il lance au plus fort de la crise, le fameux slogan «Na’an Laara, A’an saara» en langue nationale bambara qui signifie «si nous sommes couché, nous sommes morts.» Au Burkina Faso, durant la période révolutionnaire, il fut contraint à l’exil. Il reviendra par la suite pour participer à l’avènement de l’Etat de droit, avec le passage d’une période révolutionnaire à une constitutionnelle normale. Il meurt en 2006 et, repose désormais dans son village natal de Toma, au Burkina Faso.

Cheick Anta Diop, l’égyptologue

On pourrait l’appeler «le combattant pour l’émancipation» du Nègre. L’égyptologue Cheick Anta Diop est celui qui a donné la race noire toute sa dimension et son historicité. Né en 1923 à Caytou, un petit village du Sénégal, Cheick Anta Diop était un activiste politique forcené lorsqu’il était étudiant. Avec la vague des luttes pour l’indépendance des pays africains, il s’emploiera à apporter sa pierre à l’avènement d’une Afrique libre. Secrétaire général du Rassemblement démocratique africain de 1950 à 1953, l’égyptologue participera à la création du Congrès étudiant Pan africain en 1951. En 1960, il rentre à Dakar et monte un laboratoire de radiocarbone. Il poursuit ses recherches sur l’origine de la civilisation et, particulièrement pour l’Afrique. Au prix de mille et un efforts, il réalise sa thèse de doctorat présentée à l'université de Sorbonne en 1951. Cette thèse dans laquelle il défendait que la civilisation égyptienne pharaonique était d'origine Nègre fut rejetée. Cependant, elle sera publiée par Présence Africaine en 1955 sous le titre de Nations Nègres et Culture. Du coup, vint la reconnaissance internationale. Aujourd’hui, l’oeuvre de l’homme est reconnu comme l’un des plus grands hommes ayant marqué l’humanité telle que Voltaire, Hume, Hobbes, Rousseau, etc. L’humanité le reconnaît comme le «pharaon du savoir».

Patrice Lumumba, le leader

Le 02 juillet 1925 à Katako Kombé dans le Nord du Kasai, naissait un homme charismatique dont la vie et la mort trace le cursus de la vie des nations. Le Zaïre (actuel RDC) et Patrice Lumumba sont intimement liés. Il fait partie des premiers instruits de son pays. De là, il travaillera à intégrer la vie publique en devenant employé dans une société minière. Engagé et déterminé à mener la lutte pour l’émancipation du Zaïre de la domination de la Belgique. Homme d’action et de conviction, homme intègre, Patrice Lumumba mènera la vie dure à la colonisation. Lors des différentes visites du Roi Baudoin, Lumumba aura l’occasion de s’entretenir avec lui pour ce qui concerne l’émancipation du Zaïre. Lors d’un meeting, Lumumba dénoncera de façon violente l’attitude du colonisateur en ces termes : «Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des nègres. Nous avons connu que la loi n'était jamais la même selon qu'il s'agissait d'un Blanc ou d'un Noir: accommodante pour les uns, cruelle et inhumaine pour les autres». De là, commencera la marche vers l’abîme pour cet homme intègre. L’histoire raconte à propos de cet assassinat : «une nuit de janvier 1961, deux officiers belges se livrent à ce qu'il est convenu d'appeler une "sale besogne". Ils achèvent de découper un corps en morceaux qu'ils jettent dans un fut d'acide afin de le dissoudre. Le crâne n'étant pas dissous sera réduit en poudre et dispersé. Un des officiers, le belge Gerard Soete, déclarera avoir conservé un doigt et une dent en or provenant de la victime. Le corps est celui de Patrice Emery Lumumba, premier ministre élu depuis 6 mois du Congo nouvellement "indépendant". Sa mort signe la descente aux enfers d'un pays, le Zaire, dont l'étendue et les richesses minières et minérales en font un "scandale géologique". La jeunesse africaine reconnait en lui, un combattant de la liberté.

Les grandes figures historiques de l’Afrique sur le plan politique sont nombreuses et diverses. Il serait utopique de vouloir de façon exhaustive les citer dans un unique dossier. Car, on se souvient des hommes tels que Félix Houphouët Boigny (Côte d’Ivoire), Thomas Sankara (Burkina Faso), Steve Biko (Afrique du Sud), Ahmed Sékou Touré (Guinée-Conakry), Kenule Beeson Saro (Niger), Aimé Césaire (La Martinique), Modibo Keita (Mali), Kenneth Kaunda (Zambie), Jomo Kenyatta (Kénya), Joshua Nkomo (Zimbabwé), Julius Nyerere (Tanzanie), Kojo Botsio, Harry Nkumbula (Zambie), et bien d'autres. Leurs oeuvres sont pour les générations montantes un phare qui éclaire pour le bonheur de l’Afrique.